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Les tragiques agrippa d'aubigné

Commentaire de texte : Les tragiques agrippa d'aubigné. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  9 Mars 2016  •  Commentaire de texte  •  2 372 Mots (10 Pages)  •  3 434 Vues

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Séance 2 – Agrippa d'Aubigné, Les Tragiques, « Je veux peindre la France »

Introduction : L'auteur de ce texte, Agrippa d'Aubigné vécut au XVIème siècle ; né d'une famille protestante, il reçut une éducation humaniste, dans les principes de la Réforme. Voué à la défense de la cause protestante, il prit rapidement les armes et s'engagea au coté d'Henry de Navarre. Déçu par l'abjuration de ce dernier (devenu Henry IV), c'est par l'écriture qu'il poursuit son combat : Les Tragiques, dont est extrait le texte qui suit, est une œuvre poétique de combat, liée à l'action du parti protestant au cours des guerres de religion. Le premier chant présente la tragédie de la France à travers une grande allégorie, la France est mère. Ce passage suit l’invocation puis la prosopopée de la Muse de la tragédie, Melpomène (elle prend la parole pour accuser la France, mère de laisser mourir ses enfants, voire de les étrangler.). Ce portrait de la génitrice meurtrière reprend des vers 97 à 130 et permet à D'Aubigné d'exprimer son engagement en faveur de la cause protestante. Nous pouvons alors nous demander en quoi la teneur baroque de ce texte révèle l'engagement de son auteur.

Vous vous servirez de la lecture analytique afin de compléter ce plan qui ne propose que quelques pistes d'analyse et quelques exemples mais qui n'est pas exhaustif :

I/ La violence d'une scène baroque

  1. Une scène triviale : de l'intimité à la réalité crue

Le texte est d'un réalisme criant et repose sur un côté très visuel comme l'indique l'infinitif « peindre » présent dès le premier vers. Il s'agit d'une scène d'intimité maternelle évoquée dans sa réalité triviale et corporelle. La mère est ainsi évoquée avant tout pour son corps, protecteur avec les « bras » mis en valeur par sa place à l'hémistiche du vers 98 ou à la fin du vers 124. Elle est à nouveau seulement un corps nourricier, avec les « deux bouts des tétins nourriciers » mis en valeur par sa place à l'enjambement des vers 99 et 100; « doux lait » au vers 104, ou encore « le lait, le suc de sa poitrine »  au vers 125. Le « suc » est un liquide extrait d'une substance végétale ou animale. Au sens figuré, le suc est l'extrait de quelque chose, ce qu'il y a de plus substantiel dans une chose. Cette expansion du nom « lait » nous renvoie donc à une image plus triviale, animale, de l'allaitement. De même, la dimension corporelle et picturale prédomine en ce qui concerne les enfants comme le suggère l'accumulation du vers 101; « les yeux » vers 116. Enfin la variété des registres utilisés témoigne bien de la volonté de traduire la complexité d'un monde pluriel et changeant. (voir infra)

  1. La violence et la cruauté d'un conflit baroque

Ce portrait que D'Aubigné dit vouloir entreprendre au vers 97 est bien un portrait baroque où la notion de mouvement prédomine. Si un verbe d'état ouvre ce portrait (« est » au vers 98), nous pouvons relever de nombreux verbes de mouvements qui soulignent la précipitation et la violence de la scène : « empoigne », « brise », « fait dégât », « se vont cherchant ». D'aubigné veut suggérer l'idée de violence d'un conflit baroque y compris par le rythme du poème rythme du poème : les vers 3, 4 et 5, par leur rythme brisé introduisent la violence et le désordre. On remarque un enjambement au v. 4-5 qui met en valeur le mot « coups » situé à la rime et accentue l'idée de brutalité par l’énumération qui arrive après un enjambement, au v. 4 : « d’ongles, de poings, de pieds ». L'idée de précipitation présente dans les verbes de mouvement et le rythme brisé évoque bien la violence du conflit et son caractère animal, irréfléchi. Les sonorités enfin rendent bien l'idée du déchirement : au vers 8 : "Fait dégât du doux lait qui doit nourrir les deux" (opposition entre les dentales dures [d] et les assonances douces [u]) ou encore au vers 12 : "Ayant dompté longtemps en son cœur son ennui" (opposition entre les allitérations de début de vers en [d] et en [t] et l'allitération en [s] de la fin) - Vers 18 : "si bien que leur courroux par leurs coups se redoublent" (le redoublement des coups est mimé par les assonances en [u] et les allitérations en [k] et [r]. L'hyperbole "Fait si furieux" évoque un sifflement qui évoque les vitesse des coups. L'auteur ne recule pas devant les détails horribles : "ils se crèvent les yeux", « à force de coups d'ongles, de poings, de pieds »; « les mutins tout déchirés, sanglants »; « viole l'asile » (expression qui choque par son contraste quasi oxymorique). Le terme « furieux » évoque un acte déraisonné, et témoigne de la folie, de l'absence de discernement des opposants. Cette idée se retrouve dans l'emploi du terme « rage » au vers113 qui est sujet du verbe « guide » ce qui montre bien que les enfants sont emportés par leur colère et agissent comme des animaux, sans logique ni motif. La perte de conscience est suggérée dans le même vers par le terme « poison » et le verbe rejeté en fin de vers « trouble »: ils ne semblent plus contrôler leurs gestes. Cette folie dans leur comportement renforce l'impression de violence de leurs actes. Ce tableau exubérant et baroque présente une France victime et ses enfants dans la souffrance.

II/ L'esthétique du contraste

  1. L'opposition des frères ennemis

Ce passage est inspiré de la Genèse (XXV, 19-34) : Isaac âgé de 40 ans, épouse Rebecca, union frappé de stérilité. Il implore Dieu et lorsqu’il a 60 ans, sa femme tombe enceinte. Elle sent en elle les enfants se heurter, et Yahvé annonce que l’aîné servira le cadet : « Et l'Éternel lui dit : Deux nations sont dans ton ventre, et deux peuples se sépareront au sortir de tes entrailles ; un de ces peuples sera plus fort que l'autre, et le plus grand sera assujetti au plus petit. » L’aîné, Esaü, naît roux et poilu ; le suit Jacob qui vient au monde tenant le talon de son frère. Esaü, chasseur est le préféré de son père, Jacob, enfant tranquille, de sa mère. Jacob, trompant son père et bernant son frère achète le droit d’aînesse pour un plat de lentilles.


Identité



Désignation



Qualification / Effet produit


Catholiques et Protestants


« deux enfants» (v. 2) « d'une même mère », « les deux» (v. 8) ;


 « les mutins tout déchirés, sanglants» (v. 23) ; «félons» (v. 31), « sanglante géniture » (v. 33)


Image reliée à l'allégorie France / mère et qui souligne le caractère contre-nature de cette guerre.


 Image violente et sauvage.


Souligne l'ingratitude et la traîtrise.


Catholiques


« le plus fort, orgueilleux» (v. 3);


« Ce voleur acharné» (v. 7) ; « cet Esaü malheureux» (v. 7) ; « l'autre» (v. 14, 27)


Termes péjoratifs et superlatifs.


Termes évoquant la violence. Personnification empruntée à la Bible. Nuance méprisante (il n'est pas nommé).


Protestants


« son besson » (v. 6) ; « son frère» (v. 9) ;


« son Jacob» (v. 11) ;


« Celui qui a le droit et la juste querelle» (v. 26)


Lien de parenté.



Circonstances atténuantes.


  1. La métamorphose de la mère : l'inversion des valeurs maternelles

La France peinte par D’A., femme encore jeune et florissante (nourriciers 100 et doux lait 104) renvoie à ce que les historiens nomment le « beau XVI° », celui de la prospérité économique, de la démographie croissante, et de l’affirmation culturelle, la première moitié du siècle. En crescendo, l’image (de la femme peinte et de la France) se dégrade : de l’affliction (97 ; 111-112) au deuil (117) puis à la douleur mortelle (118) ; d’abord témoin (110) elle devient victime (126), puis juge (127-129). D'Aubigné fait donc de cette mère un portrait aussi contrasté que celui des enfants, dans une esthétique du contraste caractéristique du mouvement baroque. On relèvera les termes qui insistent sur l'état pathétique de la France:

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