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Marivaux, Les Fausses confidences (1737) / parcours : Théâtre et stratagème.

Fiche de lecture : Marivaux, Les Fausses confidences (1737) / parcours : Théâtre et stratagème.. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  22 Janvier 2024  •  Fiche de lecture  •  1 803 Mots (8 Pages)  •  215 Vues

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Objet d'étude : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle :

Marivaux, Les Fausses confidences (1737) / parcours : Théâtre et stratagème.

EL 1 : Extrait de I,2 : Dubois, Dorante :

Né à la toute fin du XVIIe siècle, Marivaux est un noble qui a une formation de juriste, et commence à écrire très jeune. Il fait un beau mariage en 1717, mais se retrouve ruiné par la banqueroute de Law (spéculations) en 1720. Il doit alors gagner sa vie, et saura s’intéresser à des personnages d’origine modeste.

Il a écrit une quarantaine de pièces de théâtre, plusieurs romans dont La Vie de Marianne et Le Paysan parvenu, et quelques journaux comme le Spectateur français ou l’Indigent philosophe. Dans toute cette œuvre, il est question de sentiments mais aussi de mœurs de la société française de la première moitié du XVIIIe siècle, par exemple des relations entre maîtres et serviteurs [pour mémoire, les philosophes des Lumières écrivent plutôt dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle]. Marivaux est ainsi un « moraliste » de son temps.

Dans son théâtre, le dramaturge apparaît aussi proche des Comédiens-italiens d’une part, que de la Comédie Française et de l’héritage de Molière d’autre part. Il insère des éléments tragiques dans ses comédies, mêlant les registres et le rire et l’émotion. Marivaux a créé le « marivaudage », proche d’un badinage souvent amoureux, léger mais brillant, que l’on voit assez peu dans notre pièce. Marivaux est élu à l'Académie française en 1742, mais il ne bénéficia jamais de son temps d’une renommée à la mesure de son talent. Voltaire par exemple accusait notre dramaturge de « peser des œufs de mouche dans des balances de toile d’araignée ». Mais il reste énormément joué. Le Jeu de l’amour et du hasard (1730) est aussi connu que nos Fausses Confidences crées en 1737. On peut citer aussi La Double Inconstance (1723) ou l'Île des esclaves (1725). 

La scène 2 de l’acte I expose l’intrigue de la pièce, c’est la véritable scène d’exposition : Dorante aime Araminte. [Axe d’analyse :] L’ingénieux valet Dubois qui les connaît tous les deux veut persuader Dorante qu’il obtiendra la main d’Araminte, en déployant toutes les ressources de son éloquence. C’est Dubois qui ouvre et ferme notre extrait, et qui parle bien davantage que son ancien maître.

Dans un premier mouvement, jusqu’à « point de bien ? », Dorante doute de pouvoir plaire à la riche veuve qui l’engage. Dans un deuxième temps, jusqu’à « il parlera », Dubois, sorte de metteur en scène, affirme à Dorante qu’il sera aimé pour son mérite. Dans un troisième temps, à partir de « Adieu », Dubois met en place son premier stratagème.

On remarque d’abord que la ponctuation est abondante, avec notamment des points d’interrogation, d’exclamation, des points virgule, autant dans les répliques courtes de Dorante, que dans les longues de Dubois. Les nombreux pronoms personnels, et notamment le « je », vont également dans le sens d’une implication forte des interlocuteurs.

La réplique initiale de Dorante porte sur « Cette femme-ci ». Le doublement du déterminant démonstratif, « cette », puis « ci », montre combien cette femme est particulière pour Dorante. Le spectateur ignore toutefois encore de qui il s’agit. Cette scène d’exposition crée donc un effet d’attente, tout en indiquant que l’intrigue est amoureuse, comme le veut le genre de la comédie. Dorante fait d’abord de la dame un portrait fondé sur le rang social, précisant qu’elle « a un rang dans le monde ». Les tournures vagues et hyperboliques « tout ce qu’il y a de mieux », « une grande charge dans les finances » soulignent que cette haute société est étrangère à Dorante. A ce portrait élogieux de la dame convoitée, succède un autoportrait antithétique de Dorante « … moi qui ne suis rien, moi qui n’ai point de bien ».

Dubois répond par une métaphore exotique et comique, en lien avec une sorte d’Eldorado, en tout cas avec l’or de mines lointaines, signifiant que la bonne mine de Dorante vaut de l’or. L’impératif « Tournez-vous un peu » souligne l’ascendant de Dubois sur Dorante, le valet se voulant maître du jeu. Son hyperbole « Il n’y a point de plus grand seigneur que vous à Paris » amuse car il assimile la beauté au rang social, ce qui ne saurait être le cas au XVIIIe siècle, où les ordres de la société sont très figés. L. 3, la répétition de l’adjectif « infaillible », renforcée par l’adverbe « absolument » exprime la certitude, alors que l’amour est normalement imprévisible. « Notre affaire » insiste sur le stratagème des deux hommes, sur l’entremêlement de l’intérêt et de l’amour. Dubois paraît clairement du côté de l’intérêt, et le spectateur ne sait trop, à ce stade, que penser de Dorante. Comme un metteur en scène, Dubois imagine déjà une scène future de l’intrigue qu’il projette : « il me semble que je vous vois déjà en déshabillé dans l’appartement de Madame », bientôt doublée par la deuxième image des « équipages sous la remise ». Le spectateur devra patienter encore quelques scènes pour faire la connaissance de la dame.

Dorante rappelle la fortune de la riche veuve, comme un obstacle majeur. Le montant de ses rentes, précisé, est tout de suite support d’un jeu de mots cinquante mille / soixante de Dubois en stichomythie (qui sous-entend « mille »). Puis Dorante passe au plan moral d’Araminte : « extrêmement raisonnable ». On remarquera que si Dorante parle moins que Dubois, les questions qu’il pose paraissent très pertinentes. De fait, Araminte n’a aucun intérêt rationnel à se remarier, ce qui reviendrait à perdre sa maîtrise de sa fortune (puisqu’une femme obéit en tout à l’homme auprès duquel elle vit, père ou mari… son veuvage est à l’inverse une raison majeure de la liberté inédite de la Marquise de Merteuil des Liaisons dangereuses), surtout s’il s’agit d’un homme ruiné. Dubois répond par des assurances au futur « sera », « débattra », et plus loin, dans la dernière réplique, « se rende », qui vont dans le sens d’actions assez violentes pour Araminte (et n’étant pas sans rappeler les termes du siège et de la conquête des belles dans la tirade de l’infidélité de l’acte I de Dom Juan de Molière), cette violence étant renforcée par l’antithèse « tant mieux pour vous / tant pis pour elle ».

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