Les fausses confidences de Marivaux
Commentaire de texte : Les fausses confidences de Marivaux. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar margauxcarre • 9 Mai 2021 • Commentaire de texte • 1 765 Mots (8 Pages) • 2 217 Vues
Vers l’oral du Bac
Analysez l’efficacité comique d’un renversement de situation
Explication linéaire scène 13 de l’acte II (p. 89-92, l. 26-72)
- Lignes 26 à 39 : La mise en place du piège
a. Quels éléments du discours marquent la hiérarchie sociale entre Dorante et Araminte, permettant à celle-ci d’affirmer son autorité sur son intendant ?
Araminte joue ici de son autorité de maîtresse vis-à-vis de Dorante : c’est en sa qualité de secrétaire qu’elle le sollicite. Cette autorité est manifeste dans l’emploi répété du vocable respectueux « Madame » par Dorante, qui marque sa soumission. Araminte emploie le mode injonctif (« ne vous embarrassez pas », l. 34 ; « écrivez le billet », l. 34). Ses propos sont secs, les propositions brèves, précises, juxtaposées : « Oui, tout à fait résolue. Le Comte croira que vous y avez contribué ; je le lui dirai même, et je vous garantis que vous resterez ici : je vous le promets » (l. 30-32). Araminte avait habitué Dorante à davantage de douceur dans leurs entretiens ; dans ce passage, il lui faut surjouer l’autorité de la maîtresse si elle veut voir son piège fonctionner.
b. Comment Araminte fait-elle d’abord semblant d’être raisonnable et d’aller dans le sens des intérêts de Dorante ? Appuyez-vous notamment sur le champ lexical de la raison et de l’intellect.
C’est Dorante qui a sollicité cet entretien, se plaignant à la veuve de craindre pour son poste d’intendant, au motif de l’« inimitié » de Mme Argante et du Comte en particulier. Confiant, Dorante sait grâce à Dubois que la veuve tient bon face à la pression familiale et qu’elle ne veut pas le renvoyer, mais il ne s’attend pas à ce que celle-ci rentre à ce point dans son jeu. Puisqu’il se dit inquiet de l’hostilité du Comte, elle se propose de réconcilier les deux hommes, en faisant de Dorante l’entremetteur des amours de Dorimont. C’est selon cette logique qu’Araminte feint de raisonner, comme le montrent les champs lexicaux de la réflexion et de la certitude : « persuadera », « réflexion faite », « déterminée », « résolue », « croira », « garantis ». Araminte, avec un peu de perfidie et de ruse, fait mine de proposer la solution la plus rationnelle et réfléchie au problème de Dorante.
c. Quelles répliques vous semblent particulièrement susceptibles de déclencher les rires du public ? Justifiez votre réponse en analysant les procédés comiques employés par Marivaux.
La dimension comique de ce passage dépend de la mise en scène et du jeu des comédiens : on peut en effet rire du malaise de Dorante ou compatir à sa douleur. Si le ton farcesque l’emporte, en conformité avec le projet de Marivaux et le jeu initial des Comédiens Italiens, certaines répliques peuvent déclencher le rire, comme celles horrifiées de Dorante quand il saisit la teneur du projet d’Araminte : « Déterminée, Madame ! » (l. 29), « Eh ! pour qui Madame ? » (l. 36). C’est aussi le cas de certaines répliques d’Araminte, si la comédienne minaude et montre une satisfaction à jouer au chat et à la souris avec Dorante.
- Lignes 39 à 57 : Les ressorts de la théâtralité
a. En quoi les didascalies et apartés sont-ils essentiels dans ce passage ?
Dans cet extrait, il est essentiel que le spectateur comprenne que la scène se déroule à deux niveaux, jouant comme souvent chez Marivaux du décalage entre la réalité et les apparences. Le premier niveau est celui des conventions sociales et du piège d’Araminte, qui oblige son secrétaire à lui obéir en rédigeant une fausse lettre au Comte : ce premier niveau se lit dans les répliques. Le second niveau est celui de la réalité des sentiments et des projets des deux personnages : ils s’aiment ; Dorante est décidé, conformément au plan élaboré par Dubois, à cacher cet amour ; Araminte, pas encore complètement certaine de ses propres sentiments, a besoin de savoir clairement ce qu’il en est de ceux de Dorante. Ce niveau est inscrit dans les apartés, procédé théâtral conventionnel qui permet aux personnages de confier aux spectateurs leur état d’esprit véritable. Ainsi, Araminte commente « en direct » l’efficacité de son piège (« Il souffre, mais il ne dit mot. Est-ce qu’il ne parlera pas ? », l. 52-53). Dorante, déstabilisé, s’interroge davantage sur une possible défaillance du piège organisé par Dubois. Les didascalies nous renseignent aussi sur les émotions des personnages (« toujours distrait »).
b. Quels procédés montrent qu’Araminte met en scène ce dialogue, dirigeant Dorante dans ses gestes comme dans ses déplacements ?
Marivaux double le dialogue d’un jeu scénique autour de la table d’écriture et des accessoires : plume, encrier, papier à lettre, enveloppe. En tant qu’auteure du stratagème, Araminte le met en scène et dirige Dorante. Après lui avoir indiqué la table, comme le souligne le déictique « cette » (« il y a tout ce qu’il faut sur cette table », l. 35), elle secoue Dorante par ses interrogations à valeur injonctive (« vous n’allez pas à la table : à quoi rêvez-vous ? », l. 40) et autres injonctions (« Écrivez », l. 48 ; « Achevez », l. 58). Elle se déplace elle-même pour le guider (« allant elle-même »). Malgré sa résistance («ne va point à la table» ; « je ne trouve point de papier », l. 45),
Dorante est contraint d’obéir et d’accomplir les déplacements et les gestes commandés par Araminte.
c. Quelles caractéristiques de cette lettre renforcent l’idée du danger de voir sous peu le Comte surgir sur scène pour prendre la place de Dorante dans le cœur d’Araminte ?
La lettre dictée par Araminte ne remplit pas les codes habituellement associés à l’écriture épistolaire : pas d’entête précisant le nom de l’expéditeur ou du destinataire, ni date ni lieu, pas de formule d’appel ni de salutation finale. Il s’agit d’un type de lettre en vogue au xviiie siècle : le billet. Ancêtre du télégramme, il vise à communiquer une information brève et importante dans un délai très court. Il est en général porté par un messager le jour même (plus loin dans la pièce, on verra Arlequin chargé d’une telle mission, III, 1). Ici, le contenu est court (quatre phrases) et contient un seul élément d’information : la décision de la veuve d’accepter le mariage avec Dorimont. L’objectif est de faire venir le Comte rapid-ment, comme en témoigne l’injonction « Hâtez-vous de venir» (l. 48). Néanmoins, le procédé est ici détourné : Araminte n’a aucune intention de faire parvenir cette lettre à Dorimont. On peut déjà relever cette incohérence : le Comte est auprès de Mme Argante, dans la maison même où elle se trouve avec Dorante ; un billet est donc inutile. De plus, puisqu’il s’agit d’inviter le Comte à s’entretenir avec Araminte (« Madame [...] vous attend pour vous le dire », l. 51-53), Araminte n’a pas besoin de faire préciser à son secrétaire, dans le billet, que sa décision est motivée par l’amour et non par la crainte du procès. Le spectateur comprend que cet élément s’adresse en réalité à Dorante, dont elle cherche à éprouver la jalousie
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