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Quand les mythologies s’effondrent, c’est dans la poésie que trouve refuge le divin ; peut-être même son relais

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Par   •  30 Mai 2016  •  Dissertation  •  3 923 Mots (16 Pages)  •  1 421 Vues

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SENDRANE Mathilde                                                                        01/03/2016
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        « Quand les mythologies s’effondrent, c’est dans la poésie que trouve refuge le divin ; peut-être même son relais », affirme Saint-John Perse dans son discours prononcé à Stockholm au Banquet Nobel le 10 décembre 1960.


        La poésie est elle devenue, avec la prédominance progressive de la pensée scientifique qui ne laisse plus de place au mystique et à la synesthésie, aux mythologies finalement, le nouveau mode de transmission du divin ? C'est en tout cas ce que laisse entendre Saint-John Perse dans son discours prononcé au Banquet Nobel le 10 décembre 1960, à Stockholm : «  Quand les mythologies s'effondrent, c'est dans la poésie que trouve refuge le divin, peut-être même son relais »
La mythologie est connaissance et explication des mystères par les récits du polythéisme. De nombreux mythes tentaient d'expliquer les origines de la création de l'homme, comme c'est la cas du mythe de Prométhée. Aujourd'hui cependant, et ce depuis les grands progrès scientifiques de la Renaissance, nombre des explications fournies par ces récits sont désormais contestées et cela a conduit à l'effondrement, au renversement de ses fondations. Les dieux qui servaient alors à familiariser l'homme aux concepts et objets étrangers n'ont plus leur place dans ce monde où la pensée s'universalise vers une vérité absolue et unique du fonctionnement du monde. Tout est mathématique, prédéterminé. Cependant, ne peut-on pas considérer que la poésie serait le nouvel endroit dans lequel s'incarne le divin et où il retrouve une certaine crédibilité, un sens. Certains poèmes s'emploient par exemple à la réécriture de ces récit mythologiques, voire à les moderniser afin de les rendre plus accessibles et d'en tirer des leçons ou une morale. Le poète se trouve alors affublé d'un rôle capital dans la transmission des valeurs qu'incarnent les dieux de la mythologie, à savoir la diversité de la connaissance, la négation d'une vérité unique et universelle, la pluralité de la réalité. Comment la poésie et le poète jouent-ils le rôle de refuge, de successeurs et passeurs du monde divin ? Toutefois, il es légitime de considérer que la science et la poésie parviennent à s'entendre au sein de ce monde nouveau, la poésie jouant alors le rôle autrefois réservé de familiariser les hommes avec l'étrangeté, cette fois-ci non plus du monde mais des théories qui tentent de l'expliquer. Les sciences ne peuvent-elles pas elles aussi contribuer à faire évoluer la poésie vers une sorte de modernité qui la rendrait à la fois plus complexe, mais une fois les rouages compris finalement plus aisée ? La poésie consiste alors en un relais du divin dans le sens ou elle endosse le rôle qu'il était seul à jouer autrefois. Malgré tout, ne devrait-on pas éviter de se restreindre à une telle approche de cet art, réducteur dans les sujets et les formes qu'elle peut prendre ? La poésie ne joue-t-elle pas un autre rôle, plus neutre, plus personnel ou plus engagé ?
        Il s'agira de montrer comment la forme poétique est la plus à même, notamment par la figure du poète, de constituer une nouvelle alliance avec le divin, un nouveau mode de transmission de ces valeurs refoulées. Cependant, il ne faudra pas oublier de voir comment les sciences qui semblent être à l'origine de la déchéance de ce divin peuvent être envisagées sous un angle plus « fraternel » avec la poésie. Il se pourrait en effet que l'association, l'aide mutuelle de ces deux disciplines conduise à une nouvelle conception du monde. Enfin, il s'agira de voir les dangers et les oublis qu'entraîne une telle vision de la poésie de par son caractère réducteur

        Dans son discours, Saint-John Perse nous parle de la poésie comme du refuge du divin. En somme, cela revient dire que le divin ne peut plus s'exprimer que dans les poèmes car ils sont désormais les seuls à le recevoir. En cela, ne peut-on pas voir le poète comme le seul lien entre hommes et dieux, comme la clé de la transmission de ces connaissances et valeurs autrefois véhiculées par la mythologie ? C'est en effet ce que le poète semble défendre dans son poème Amers, II, dans lequel il est question des hommes cantonnés dans le confort de leurs connaissances symbolisées par la ville et ses remparts. Ces murs dont ils ne parviennent à s'extirper, c'est la connaissance universelle, l'idée d'une vérité scientifique qui expliquerait le monde dans sa globalité, à l'inverse de ce que peuvent véhiculer les dieux de la mythologie par leur diversité, leur pluralité, et les relations changeantes qui s'établissent entre eux. Ce mouvement, ans le poème, c'est la mer, séparée irrémédiablement de la ville d'une part par les digues, et d'autre part par la peur qu'en ont les hommes et donc par la distance qu'ils établissent avec elle. Pourtant, cette mer de mouvements constitue la voie vers la sortie de cette pensée conformiste et conformée, la voie vers la pluralité de la réalité et de la vérité qui rejoint la diversité divine mythologique. Parmi ces hommes, seul le poète se laisse mouiller par les vagues qui s'éclatent au-delà de la digue, et il est donc le seul à franchir la frontière du monde humain intellectuellement déterminé par la science vers un monde de la pensée libre, vers les « cieux ». Par dissémination, ces mêmes cieux ne sont pas sans évoquer les dieux caractéristiques du polythéisme, de la pluralité religieuse, qui prendrait ici davantage l'aspect une pluralité de la pensée. Le poète, et par conséquent la poésie, constituent l'alliance entre ces deux mondes, la clé de voûtes de la diversité mentale dans un monde qui ne laisse plus de place aux différences idéologiques qu'impliquait la mythologie. Finalement, la poésie, plus qu'un refuge, devient le relais du divin en lui permettant de continuer de transmettre ses valeurs sans pour autant être discrédité par la mysticité et le fantastique qui l'entouraient dans les récits anciens.
        Cependant, selon Baudelaire, la poésie est plus que cela, et ce grâce au rôle que joue le poète dans cette transmission. Ce dernier, plus qu'une simple alliance, constitue un véritable messager du divin en ce qu'il interprète des signes, des objets du monde qui l'entoure. Dans le sonnet
 Correspondances, extrait du recueil Les Fleurs du Mal, Baudelaire expose la conception d'une imagination qui découvre les correspondances verticales et symboliques entre le visible et l'invisible, le naturel et le spirituel. La religion et par extension le divin sont présents dans le poème au travers des termes « temple », « vivants piliers », ou encore « corrompus ». Ce dernier mot revêt une certaine valeur morale si on le considère au sens figuré : dépravé, vénal. Il est par ailleurs associé à d'autres adjectifs qualifiant comme lui les « parfums » que l'on trouve dans la nature : « riche et triomphants ». On ne peut s'empêcher de noter l'opposition entre ces termes et le premier, qui sont le signe de l'antagonisme entre le monde humain et le monde divin, incompatibles désormais. Et pourtant, le poète ne renonce pas ; il établit un lien entre ces deux mondes par le biais de ces correspondances, dont le sens est le don sacré du poète. Le poète est donc lui même le relayeur du divin à l'humain, il transmet cette révélation par le pouvoir musical de l'évocation poétique ; le poète est selon lui un « traducteur, un déchiffreur » car dans notre monde « tout est hiéroglyphes ». Le sens de la quête poétique revêt alors une importance significative puisque par la littérature, et même exclusivement par la poésie, l'homme a accès au sacré, au divin qu'il rejette habituellement et qui n'a plus sa place ; plus encore, il l'accepte et c'est en cela que le poète est un passeur. Pour reprendre Victor Hugo, le poète est « le guide des peuples ». Mais vers quoi les guide-t-il ? Ce serait en fait vers la pluralité de la vérité, de la réalité. Une telle conception soulève le problème de la supériorité du poète, de la hauteur de sa conception. Une telle idée semble injustifiable si l'on s'accorde à penser que tous les hommes sont égaux.
        Toutefois, Rimbaud dans sa
 Lettre à Paul Demeuny parle de lui même, et du poète en général comme d'un voyant. En tant qu'artiste, le poète peut être assimilé à la conception de l'artiste que soutient Bergson dans sa thèse. Là où l'homme se contente de voir ce qu'il l'entoure, l'artiste lui le regarde. Ainsi, face  à  une troupe de cavaliers qu'ils croiseraient tous deux dans la forêt, la vision du premier serait occultée par un flot de questions caractéristiques de la volonté de vouloir toujours tout comprendre, tout expliquer : «  Que font-il ici ? Vers où se dirigent-ils ? Qui sont-ils ? ». A l'inverse, l'artiste ne s'attarderait sur de telles préoccupations et se contenterait de poser un regard esthétique sur le spectacle qui s'offre à lui, sur les couleurs qui composent ce tableau et les mouvements qui le balaient.  Ainsi, le poète est cet artiste qui pose un regard tout autre sur le monde, et il ne possède rien de supérieur ; il est simplement un voyant au sens propre du terme : il voit les choses, et cela car il a l'esprit moins encombré de futilités et plus sensible. De cette manière, il peut percevoir les synesthésies du monde dont nous parlait Baudelaire et ainsi établir les parallèles avec le monde du divin qu'il tente, du mieux qu'il peut, de transmettre.

        Ainsi, si la poésie nous apparaît tout d'abord, comme le dit Perse, en tant que refuge du divin, il s'avère qu'elle en est en vérité le relais. Dans un monde où les sciences sont en train d'acquérir le monopole de la pensée et de chasser les mythologies, causant leur effondrement, la poésie devient le nouveau mode de transmission des valeurs qu'elle véhiculait à savoir la pluralité de la réalité. Le poète est 'acteur principal de cette opération, tantôt simple alliance entre le divin et les hommes, tantôt traducteur du premier monde vers le second, et ce grâce à sa faculté de voyant qui lui permet d'être sensible aux subtilités du monde. Toutefois, la compétition entre science et poésie, par extension entre science et divin a-t-elle véritablement lieu d'être ?  Ne peut-on pas imaginer une sorte de « fraternité » entre science et poésie, divin ?

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