« Rabelais s’est cette fois clairement fixé pour but, tout en nous faisant rire et en riant lui-même de concert avec nous, de nous instruire et de nous éduquer » Pensez-vous que cette citation puisse s’appliquer à l’œuvre Gargantua ?
Dissertation : « Rabelais s’est cette fois clairement fixé pour but, tout en nous faisant rire et en riant lui-même de concert avec nous, de nous instruire et de nous éduquer » Pensez-vous que cette citation puisse s’appliquer à l’œuvre Gargantua ?. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Thothian • 9 Janvier 2024 • Dissertation • 1 960 Mots (8 Pages) • 294 Vues
J’ai essayé d’être la plus exhaustive possible sur les exemples
« Rabelais s’est cette fois clairement fixé pour but, tout en nous faisant rire et en riant lui-même de concert avec nous, de nous instruire et de nous éduquer »
Pensez-vous que cette citation puisse s’appliquer à l’œuvre Gargantua ?
Analyse du sujet :
fixé pour but, tout en nous faisant rire :
Rabelais en faisant rire -◊ volonté de créer une œuvre drolatique (Rire est le propre de l’Homme ; Vivez joyeux ; Buvez à ma santé dans le Prologue de l’auteur
en riant lui-même de concert avec nous :
Position du narrateur Alcofrybas qui se présente comme abstracteur de quintessence -◊ à la fois témoin, historien, chroniqueur, commentaires sur ce qu’il écrit + plaisir dans l’écriture (Rabelais artiste médecin qui use et abuse de termes médicaux par exemple)
nous instruire / »=
Titre du parcours (rire et savoir) -◊ Instruire (modèle de savoir savant ; philosophie humaniste + critiques (éducation ; religion ; guerre ; superstition)
Thélème : idéal de l’Homme.
Eduquer :
Savoir-être, c’est-à-dire ne pas reproduire les excès ; idéal de l’Homme naturellement bon ; Portée didactique
Reformulation possible
Dans quelle mesure la complicité joyeuse entre le lecteur et le narrateur permet-elle à Rabelais de proposer une œuvre didactique ?
I Dans un 1° temps Gargantua semble être un roman dominé par le rire, ce qui s’opposerait au savoir.
- Le narrateur (Alcofrybas) se présente ouvertement comme un « ivrogne » dès le prologue ; il tient son nom de l’arabe « Alchool » et désigne un lectorat de « marginaux » hédonistes « buveurs très illustres ; véroles très précieux ». De surcroît Alcofrybas interpelle son lecteur de manière familière et parfois ambiguë « couillons » et « mes bons disciples ». Enfin il énonce dans l’avis au lecteur que « rire est le propre de l’homme » puis « vivez joyeux » ce qui écarte d’emblée le sérieux de l’œuvre. Dans le prologue Alcofrybas se plait à ridiculiser ceux qui cherchent un double sens (Homère) ce que nous pouvons mettre en parallèle avec l’interprétation de l’énigme finale par Frère Jean qui est placée sous le signe du jeu et du loisir.
On peut donc douter qu’il y ait vraiment une leçon à tirer de cette œuvre.
TRANSITION - De surcroît l’univers de Gargantua est très fantaisiste s’inspirant des Grandes et inestimables chroniques du grand Géant Gargantua parues au Moyen-âge. Ainsi le héros éponyme est un géant, fils de roi, qui naît par l’oreille (ce qui paraît totalement absurde), noie les parisiens dans l’urine depuis les tours de Notre Dame pour leur donner une leçon comme le ferait un enfant capricieux. Il mange des pèlerins en salade et se vautre dans la fange. (Chap3-14). Le bas corporel envahit alors tout le roman suscitant le « rire gras » le « rire carnavalesque « naissance ; enfance, Torche cul ; mauvaise éducation…) Ajoutons à cela la présence d’êtres humains à ses côtés dotés d’attributs ou de caractéristiques grotesques. Par exple Frère Jean est capable à lui seul (chap 27) de tuer 13622 ennemis ; il est « bon buveur bel expéditeur de messes » autrement dit un anti-moine qui – outre ses capacités guerrières extraordinaires et parodiques- s’intéresse aux « cuisses fraiches » des filles.
Enfin le roman est construit comme une parodie de roman de chevalerie comportant en son sein une parodie d’épopée (La guerre picrocholine) qui met en exergue le ridicule de Picrochole roi de Lerne à « la bile amère ». Crédule, ambitieux et colérique il se compare à Alexandre le grand dans un combat qui l’oppose à Grandgousier pour défendre ses fouaces…
Transition - Enfin le savoir de Rabelais (Humaniste et médecin) est davantage utilisé pour provoquer le rire que pour instruire. Ainsi le nom des auteurs antiques se trouve mêlé à des noms inventés dont l’onomastique nous révèle le ridicule, par exemple Frère Jean Des Entommeures = entameurs (celui qui fait du hachis) ; Faquin = le voleur etc… Par ailleurs Alcophrybas se plaît à caricaturer les figures sérieuses comme celle de Socrate dans le prologue en soulignant sa laideur « le regard d’un veau, le cou d’un taureau ». Par ailleurs les jeux de mots ne servent que le rire « Dieu a fait les planètes, nous faisons les plats nets » déclarent les « bien ivres » du chap V ; « c’est ainsi que le monde moina » ; ou aussi les insultes des fouaciers envers les bergers chap 25.
La profusion des accumulations ou hyperboles caractérisent aussi le style Rabelaisien pour évoquer la nourriture (chap 3) ou la violence des combats entre les troupes de Picrochole et celles de Grandgousier (Chap 27) ; elle ne sert qu’à susciter le rire gras, le rire carnavalesque, loin des aspirations humanistes. Enfin Rabelais médecin s’amuse à distiller son savoir médical pour mieux le déconstruire. Ainsi le vocabulaire de l’anatomie (chap 27) se mêle aux inventions « boyau culier » ; quant aux mots sérieux, ils provoquent quand même le rire car ils sont utilisés à contre-emploi ! .
Le savoir est donc plutôt mis au service du rire que l’inverse
Transition
II Gargantua semble cependant donner des leçons et vouloir instruire et éduquer
- Le roman oppose tout d’abord une éducation sophiste (ou médiévale) inefficace à une éducation humaniste qui responsabilise l’Homme.
Ainsi confronté à ses premiers Maîtres sophistes « Thubal Holoferne 1° de sa licence à Paris « et « Jobelin Bridé » le jeune géant n’apprend rien. IL prend des habitudes de paresse et de saleté « il pissait dans ses chaussures », de goinfrerie « force sirop vignolat », son instruction se base sur l’apprentissage par cœur « il apprit l’alphabet à l’endroit et à l’envers », on lui lit des tonnes de traités de grammaire inutiles et jamais Gargantua n’exerce son esprit critique. C’est aussi ce que dénonce Montaigne dans De l’institution des enfants. Cette anti-éducation aboutit à l’humiliation de Gargantua par Eudémon. Le jeune géant qui faisait l’admiration de son père par son intelligence (après l’invention du Torche cul) est devenu à cause de ses précepteurs « fou, niais et rassoté ». A contrario l’éducation que donne son nouveau Maitre Pornocrates (dur à la fatigue) incarne l’idéal humaniste ; lectures et analyses sont centrales-◊ exercice de l’intelligence plus que de la mémoire ; intérêt porté au corps et à l’hygiène, l’esprit et les jeux éducatifs. Gargantua avoue lui-même avoir plaisir à apprendre et devient grâce à Pornocrates un modèle de bon roi plein de sagesse ;
- Ensuite 25 chap sont réservés à la guerre Picrocholine. Rabelais fait ici référence aux guerres de conquête entre François 1° et Charles Quint et met à distance par le rire l’horreur de la guerre pour mieux la dénoncer.
Face à un Picrochole mégalomane et colérique dont le nom signifie « bile amère » nous trouvons Grandgousier, le roi sage sur le modèle de Louis XII qui prône la paix . Il écrit une lettre à son fils pleine de sagesse et incite son émissaire Ulrich Gallet à raisonner Picrochole lui rappelant qu’ils étaient « voisins et amis » . Enfin il se montre clément face à son prisonnier Touquedillon. In fine Grandgousier sera vainqueur de Gargantua se montrera aussi clément que son père dans la « harangue aux vaincus » et son discours aux vainqueurs. Il incarne le bon roi humaniste sur le modèle de François 1° et suit les préceptes de Machiavel ; la défaite et la fuite de Picrochole ne sont que plus ridicules.
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