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Victor Hugo, Contemplations

Commentaire de texte : Victor Hugo, Contemplations. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  26 Septembre 2020  •  Commentaire de texte  •  2 364 Mots (10 Pages)  •  1 287 Vues

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                Victor Hugo est considéré comme l'un des plus importants écrivains de la langue française, polygraphe et polymathe, il est à la fois dramaturge, romancier, poète, essayiste ainsi que dessinateur.  Il impose son empreinte sur l'histoire des lettres françaises mais également en politique, en sa qualité d’intellectuel engagé : il a eu un rôle idéologique majeur lors du XIXe siècle. C’est aussi le chef de file du romantisme en France avec des œuvres telles que Notre-Dame de Paris (1831), Ruy Blas (1838) ou les Misérables (1862). De plus, son œuvre poétique est immense ; on peut retenir Les Châtiments (1853) et Les Contemplations (1856). Il y dépeint l'Homme aux prises d’un sinistre tableau des misères de la création mais également les maux échus de l'Humanité; il y a chez lui, ainsi que chez les Romantiques, le désir de parler pour tous et au nom de tous, d’aspirer à une parole universelle.
        Au travers de deux épreuves, la mort de sa fille en 1843 et l’instauration du Second Empire en France, un désir d’isolement se manifeste chez Hugo et dans son œuvre.
Le recueil
 Contemplations est présenté par Hugo comme « les Mémoires d'une âme », les formes poétiques y sont variées mais cette œuvre est habitée par la solitude, sans nul doute due à son exil à Guernesey, et par la recherche d'une nouvelle expression poétique, la volonté de se démarquer d'un lyrisme conventionnel.  Pauca Meae, quatrième livre des Contemplations, constitue le centre du recueil. Ce livre est celui avant tout du deuil : il est consacré entièrement à la perte de Léopoldine, sa fille, advenu le 4 septembre 1843.
        Veni, Vidi, Vixi, treizième poème de Pauca Meae, précède directement le bien connu Demain dès l’aube ; Hugo y dépeint un tableau particulièrement sombre.
Dans ce poème il décrit ces sentiments de manière ordonnée : dans les trois premiers quatrains, il explique sa tristesse, dans les trois suivants sont dégoût puis dans les deux derniers les conclusions qu’il en tire.
On peut alors se demander comment Victor Hugo épreint de sa douleur une nouvelle essence poétique et quelles images incombe-t-il à l’Homme ? 
        Nous verrons tout d’abord comment il exprime le renoncement et la douleur, puis, en quoi ce poème s’inscrit dans des registres lyrique et épique de concert. Enfin, nous étudierons la réflexion exposée par Hugo sur la condition humaine.

                Premièrement, Victor Hugo d’emblée avec le titre « veni, vidi, vixi » nous annonce un renoncement à la vie en réécrivant la célèbre maxime de César « Veni, vidi, vici ».
En effet, dans le vers « Puisque l'espoir serein dans mon âme est vaincu » les verbes « vivre » et « vaincre » renvoient tous deux aux titres ; le verbe « vaincre » reprend la citation de César mais elle inverse le sens : ce n'est pas le poète qui a vaincu, mais les blessures de la vie qui l'ont vaincu. La victoire devient donc un renoncement mortuaire, renoncement qui s’illustrera tout au long du poème.
        Ensuite, « j’ai bien assez vécu » ouvre le poème et vient refermer les trois premiers quatrains, Hugo y exprime son désir de mort et une certaine lassitude de vivre en employant, et reprenant, ces deux adverbes « bien » et assez » conjointement.
Au sein de ces trois premières strophes il apparait que le poète n’imagine pas de futur et ne trouve dans le présent que négation : « je marche, sans trouver », « je ris à peine » ; il ne peut se tourner que vers le passé.

        De plus, elles semblent être consacrées à une exposition des maux qui rongent le poète. En effet l’anaphore « puisque» est répétée huit fois introduisant successivement une des causes qui justifie la formulation d’ouverture du poème « j’ai bien assez vécu », et donc, le renoncement du poète. La première de ces causes est la solitude : « je marche sans trouver de bras qui me secourent » ; solitude renforcé par l’emploi de la métonymie du « bras ».
Puis, « les fleurs », « la nature en fête », « les enfants » ne réjouissent plus le poète, il n’y est plus sensible, alors que les splendeurs de la nature constituent un des thèmes dominant des Contemplations.
        Finalement, Hugo rappellera le thème de la douleur et du désespoir tout au long du poème : « douleurs » , « esprit sans joie », « ayant beaucoup souffert». Aussi, la douleur est soulignée par l'allitération dans l’hémistiche « sent de tout la tristesse secrète », on comprend alors que son renoncement et son désir de mort découle d’une profonde douleur et d’une peine qui ne peut être pansée. L’origine de l’affliction du poète est évidemment la mort récente de sa fille, ainsi il nous renvoie à des plaintes lyriques élégiaques avec « Ô ma fille, j’aspire à l’ombre où tu reposes », qu’il reprend à l’avant dernier vers avec « Ô seigneur, Ouvrez-moi les portes de la nuit ».  Pourtant, il ne parlera jamais de la mort en tant que telle sauf dans la tournure hyperbolique « mon cœur est mort », cependant, le poète usera des métonymies de « l’ombre où tu reposes » et des « portes de la nuit » pour évoquer sa propre mort : sa seule échappatoire possible.
        Enfin, ce texte est construit comme le récit d'une vie, du printemps à la mort. Dans les premières strophes sont évoqués les débuts de l'existence et ses joies : les « enfants », les « fleurs », le « printemps ». Puis il narre sa vie, sa « tâche sur la terre » en parlant d’un travail acharné.  Enfin, l'antithèse entre « se lever » et « n'avoir pas dormi » dans « qui se lève avant l'aube et qui n'a pas dormi » reflète la morosité du poète qui n'est plus qu'un fantôme. Le texte se clôt alors sur une invocation : « O Dieu ! Ouvrez-moi les portes de la nuit ». La métaphore des « portes » renvoie à l'éternité de la mort, et fait écho au thème de la captivité ; le poète semble réclamer une issue, veut s'évader par la mort de cette souffrance paroxystique.

                
Deuxièmement, par l'omniprésence de la douleur dans ce poème, Hugo s’inscrit dans un registre lyrique ; registre originellement lié à la lyre d'Orphée et qui nous renvoie, dans la tradition poétique grecque antique, à la catabase, la descente aux Enfers. Le lyrisme a pour objectif de partager des sentiments personnels au lecteur tels que l'amour, la joie, le chagrin, la colère, le désespoir ou la nostalgie d’un passé révolu, mais ici il s'inscrit aussi dans un rejet du monde comme le montre le mot « ombre » s'opposant à la saison lumineuse du printemps évoquée avec « cette saison des parfums et des roses » En effet, le poète romantique construit ce poème dédié à sa fille en alexandrins, ce qui lui confère une certaine solennité, mais il utilise également des rimes embrassées qui sont ici de véritables jeux de mots, associant de façon inattendue des termes lexicalement hétérogènes et aux registres éloignés comme « douleurs » et « fleurs », « nature en fête » et « tristesse secrète » ou encore la paronomase « vaincu » et « vécu ». De plus le poème est écrit à la première personne, un « je » caractéristique, et comporte des interjections « O ma fille », « O Seigneur », qui introduisent des plaintes élégiaques qui apostrophe la mort de Léopoldine. Ces éléments sont autant de procédés lyriques utilisés pour nous signifier la perte totale de l’espoir.
        Néanmoins,
 Hugo n'utilise pas la première personne pour s'épancher, déverser ses sentiments, mais plutôt pour prendre ses distances par rapport à une réalité qu'il juge décevante. Il rejette ainsi le lyrisme amoureux ou élégiaque, où le poète entretenait un lien harmonieux avec les éléments naturels et où le monde reflétait ses états d'âme. Les thèmes traditionnellement associés à la poésie lyrique ne l'intéressent plus, comme le souligne l'antithèse « J'assiste, esprit sans joie, à ce splendide amour ».  En effet, puisque les formes conventionnelles du lyrisme ne convient plus au poète, son affliction doit alors s'exprimer autrement, en évoluant vers un registre épique comme le démontre les procédés d’amplifications ainsi que la démultiplication des verbes d’action et le passé composé récurrent. Ce registre est utilisé lorsque l'on parle des exploits des héros qu’il met en valeur, très courant dans la mythologie et dans les romans fantastiques. Hugo cherche donc à provoquer l'admiration du lecteur en se dépeignant lui-même comme un guerrier « vaincu » et affligé par les épreuves de l'existence. On le voit notamment à la fin du texte, avec des connotations militaires comme « J'ai servi, j'ai veillé », qui nous évoque un rude combat mené contre l'existence, un éternel combat entre les forces antagonistes du bien et du mal, sublimé par la lassitude et la fatigue de l’auteur dans « mon regard ne s'ouvre qu'à demi » ,« sombre paresse » ou encore dans « comme un homme qui se lève avant l’aube et qui n’a pas dormi ».Mais l’abandon est aussi une image importante, puisque Hugo exprime une distance par rapport au monde avec ce constat « Et j'ai vu bien souvent qu'on riait de ma peine » ce qui suggère une démarcation profonde entre le « je » et le « on », entre lui et le monde. D’ailleurs, Franck Pétrel utilisera ces deux vers comme refrain, afin d’insister sur cette idée de guerrier abandonné et sur cet êthos dépeint par Hugo au travers du poème.
        Finalement, le poète ne témoigne pas seulement de sa douleur, mais il invite le lecteur à se reconnaître dans son destin misérable en utilisant de manière concomitante le registre lyrique, celui de la déploration, des émotions personnelles, du « Je », et le registre épique, celui de la célébration, des actions glorieuses

                Troisièmement, le « Je » prend un aspect universel dans ce texte puisque Hugo parle de lui mais en des termes abstraits et imagés comme « incliné du côté du mystère » afin que son lecteur se retrouve dans son parcours. Seule l'allusion à sa fille permet de l'identifier comme sujet, pour tout le reste, le poème utilise un « Je » abstrait dans lequel chacun peut se retrouver.
Le poète recourt également à la métonymie, par exemple au vers « sans trouver de bras qui me secourent », ce qui lui permet à la fois de dramatiser sa souffrance et de l'exprimer en des termes imagés, sans que l'on sache précisément de qui il parle.
En somme l'usage du « Je » est paradoxal : d'un côté l'auteur répète ce pronom, en anaphore notamment, et ce pronom inscrit dans un certain lyrisme martèle sa douleur ; de l'autre il l'utilise pour dire qu'il n'est plus rien et le « Je » est alors vidé de sa substance pour devenir un « Je » universel.

        En effet le poème s'inscrit dans un moment particulier de la créativité de Victor Hugo puisqu’il le compose après avoir commencé l'histoire de Jean Valjean dans Les Misérables.
On comprend donc que le poète utilise l’image du bagne pour parler de la condition humaine en dépeignant l'Homme comme un éternel bagnard au travers du « bagne » qualifié de « terrestre », et des hommes comparés à des « forçats ».
De plus la métaphore de l'oiseau en parallèle de celle de la prison dans « où ne s'ouvre aucune aile » , amplifie l'absence totale d'espoir et de liberté.
        Enfin la paronomase  « J'ai porté mon chaînon de la chaîne éternelle » rappelle combien la vie est perçue par l'auteur comme un lieu de souffrance dont il se sent captif, idée renforcée avec le chiasme de la « chaîne ».
Le poème devient alors symbolique, représentatif de la condition humaine en général en dépassant le lyrisme personnel.


                Pour conclure Par ce texte, et par l'usage d'un lyrisme nouveau, Hugo semble donc nous inviter à plonger avec lui dans les ténèbres, mais pour mieux en ressortir et l'accompagner dans son geste d'adieu, déposer avec lui le bouquet de fleurs sur la tombe de Léopoldine, comme il le fera dans le poème suivant demain dès l’aube
        Pour aller plus loin,
Hugo a, dans toutes les occasions, pris le parti des opprimés, il s’attache à dénoncer la misère, non seulement la souffrance d’un individu mais également celle qui ruine toute la société à cette époque. Il évoquera le souvenir des caves de Lille dans L’Homme qui rit où le discours de Gwynplaine dans la Chambre des Lords est un témoignage sur l’injustice sociale et la pauvreté du peuple dans tous les pays industrialisés.
Au travers de Jean Valjean dans les
Misérables, il présentera l'homme comme « une prison où l'âme reste libre ».  C’est donc bien un combat pour la liberté, sous toutes ses formes, qu’il mène au travers de toutes ses œuvres, un long combat pour l’avenir et pour l’humanité.
        De plus sa réflexion concernant l’Homme permet de comprendre l’émergence de courant de pensées à cette époque, et comment la condition humaine deviendra un sujet central pour les auteurs et les philosophes qui s’interrogeront sur l’essence de l’être.

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