Bossuet, Oraison Funèbre d'Henriette-Anne d'Angleterre

(présent indicatif correspondant à un présent d’actualité). Cette actualité est renforcée par les déterminants démonstratifs et l’adverbe de lieu « ici » ligne 6.

b) Un texte reflet d’un groupe social restreint

Il s’adresse aux dignitaires de la cour et il emploie les titres correspondant aux statuts sociaux. Les identités ne sont pas déclinées. Bossuet témoigne du respect à la personne royale mais aussi à la connaissance qu’en a l’auditoire. La défunte prend le titre d’une princesse mais aussi le rôle spirituel que lui donne l’auteur d’exemple à suivre (ligne 5 « Madame a été choisie pour nous donner une telle instruction »). Le monde de la famille royale apparait plus particulièrement dans les passages descriptifs. Le lieu, résidence royale, accentue le marquage mais aussi l’évocation de la convergence vers ce lieu. Le deuil de la famille royale est vécu comme un évènement personnel et familial, au niveau national. On peut relever le niveau individuel de l’évènement par chaque sujet ligne 12 « Qui de nous ne se sentit frappé à ce coup » ainsi que des marques d’attachement à la personne royale lignes 14-15 « On trouve tout consterné ». Il s’agit d’un évènement réel et historique, en l’évoquant Bossuet rend compte de la réalité de l’époque de manière implicite.

Le discours officiel se nuance de cette modalisation, de cette irruption du quotidien des personnes concernées. De ce fait ce discours frappe les imaginations mais cela passe aussi par le travail des sentiments.

2) Une oraison funèbre émouvante.

a) L’éloge de la défunte

L’éloge est la première fonction d’une oraison funèbre mais elle n’est pas ici très développée. Bossuet retient le statut social. La conception de l’époque guide le raisonnement de l’auteur : Henriette-Anne d’Angleterre est perçue non pas comme individu mais comme ayant un statut social lui permettant même dans la mort d’avoir une influence sur les hommes. On retient deux caractéristiques : sa vertu chrétienne et sa sérénité. Bossuet en fait un être d’exception amené à donner par son exemple une leçon au peuple. Il y a quand même de la compassion : registre pathétique, champ lexical du deuil et du chagrin. Pour rendre sa mort plus émouvante, il recourt à un registre tragique. Dans le polyptote sur le verbe mourir ligne 11 « Madame se meurt ! Madame est morte ! », on passe du présent au passé simple ce qui marque l’accomplissement de l’action. Par cette double exclamation Bossuet restitue la brièveté et la soudaineté de l’action. L’éloge de la mort se fait indirectement par les manifestations de douleur suscitées par celle-ci.

b) Une perspective de consolation

Bossuet se fait profondément humain en restituant la douleur de son auditoire, il s’associe même à cette douleur. La douleur du peuple est présentée comme légitime. Il n’appelle pas son public à l’impassibilité mais, en jouant sur le registre pathétique, il entend comme diriger ses sentiments. Ainsi il apaise la révolte et appelle le peuple à trouver une consolation dans l’espérance du salut pour la princesse. Ce salut est présenté comme réel et le peuple est appelé à déchiffrer cette mort. Ainsi se dessine peu à peu le dessein intellectuel et la visée didactique du texte.

3) Une perspective d’enseignement moral.

a) Bossuet, un auteur moraliste efficace

L’habileté persuasive du texte repose sur plusieurs aspects : - l’implication de l’auteur dans la tragédie nationale vécue. Il se met comme à l’intérieur du peuple, prend en charge ses sentiments de manière à pouvoir mieux les orienter et amener l’auditoire à coller à sa propre pensée. – Il recourt à un raisonnement inductif permettant de guider la réflexion du récepteur. De fait il invite à la contemplation d’un exemple, un cas particulier. Il démontre la volonté divine derrière l’accident, de là il amène le lecteur à une généralisation : il tire un enseignement de vie applicable généralement. Il amène au deuil collectif par la citation biblique d’Ezéchiel lignes 19-20 « Le roi pleurera, le prince sera désolé, et les mains tomberont au peuple, de douleur et d’étonnement » prédisant la ruine de Jérusalem. Il y a ainsi de la part de Bossuet une volonté de décrypter le fait actuel et de guider le lecteur vers un bilan personnel à