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Colette, Sido : La célébration du monde dans la littérature peut-elle aussi agir comme un antidote ?

Dissertation : Colette, Sido : La célébration du monde dans la littérature peut-elle aussi agir comme un antidote ?. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  12 Juin 2023  •  Dissertation  •  2 739 Mots (11 Pages)  •  1 296 Vues

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« Toute présence végétale agissait sur elle comme un antidote » écrit Colette à propos de sa

mère adorée dans Sido. La célébration du monde dans la littérature peut-elle aussi agir

comme un antidote ?

Vous répondrez à cette question en vous appuyant sur les deux œuvres au programme Sido

et Les Vrilles de la vigne ainsi que sur les textes étudiés dans le parcours associé « La célébration du monde ».

Colette publie en 1908 un recueil de récits intitulé Les Vrilles de la vigne, écrits souvent

intimistes qui reflètent sa vie agitée après l’échec de son mariage. En 1930, elle livre un récit

autobiographique, Sido, dans lequel elle se penche sur son enfance en rendant hommage à la

figure marquante de sa mère. Ces deux œuvres ont pour point commun d’exprimer une

célébration du monde qui prend sans doute sa source dans le rapport si particulier de sa mère

à la nature : « Toute présence végétale agissait sur elle comme un antidote ». Colette a bien

besoin aussi d’un antidote, c’est-à-dire d’un remède qui la soigne, qui la fortifie, qui la

réconforte, qui l’apaise. L’écriture semble jouer ce rôle. Mais comment la littérature peut-elle

agir comme un antidote ? Voyons d’abord comment Colette célèbre le monde dans ces deux

œuvres, pour ensuite comprendre quel antidote cela lui offre à elle, mais aussi aux lecteurs.

Dans Sido et Les Vrilles de la vigne Colette rend hommage à ce qui l’entoure. Elle préfère ne

retenir que les éléments positifs et ne pas se laisser envahir par des souvenirs négatifs. Cela

s’applique tout d’abord aux êtres qui constituent son monde, son univers. Cette vision du

monde s’exprime dans Sido, qui n’est rien moins qu’un chant d’amour dédié à sa mère. Colette

idéalise la figure maternelle : « je la chante de mon mieux » nous dit-elle. Dans la première

partie consacrée à cette mère, celle-ci est représentée comme une figure tutélaire, une déesse

au centre de son jardin. L’amour fou du père pour cette femme extraordinaire renforce la

célébration et même la dernière partie, consacrée aux frères et à la sœur, reste marquée par la

présence de Sido, puisque Colette explique qu’elle ne fait que reprendre « les récits

maternels ». Mais Colette souhaite aussi rendre hommage aux figures moins solaires, qui

pourraient passer pour des ratés, tels le père « mal connu, méconnu » ou les « Sauvages », ses

frères et sa sœur, dont elle loue le rapport unique à la nature et l’attitude libre. Elle idéalise

ainsi Léo, qui pour elle n’est pas un inadapté social mais « un sylphe de soixante-trois ans ».

Les Vrilles de la Vigne révèlent également cette célébration des êtres : Colette évoque avec

tendresse l’« héroïsme de poupée » de son amie Valentine (« De quoi est-ce qu’on a l’air ? »).

Mais Colette aime tous les êtres vivants et en particulier les animaux. Cet amour est perceptible

dans la description si précise du comportement de Nonoche – sa chatte – et dans les dispositifs

narratifs qui consistent à mettre les animaux au premier plan en leur donnant la

parole : « Dialogue de bêtes », « Toby-chien parle »… Ainsi elle ne cesse, dans un va-et-vient

permanent, de personnifier les animaux et d’animaliser les humains.

Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle

© Hatier, Paris 2022 2

Colette vit à Paris, mais « ses yeux de l‘âme » sont tournés vers sa province natale et vers

la nature. Sido propose de merveilleuses descriptions du jardin de la mère, s’inscrivant dans la

pure tradition du locus amoenus dont Virgile, dans Les Bucoliques, pose les principales

caractéristiques : un lieu refuge, tranquille, beau et agréable. Les apostrophes lyriques ne

manquent pas pour louer la beauté tranquille des jardins de l’enfance : « Oh ! aimable vie

policée de nos jardins ». L’évocation des fleurs colorées telles le « le géranium écarlate et la

hampe enflammée des digitales » (Sido) marque l’esprit du lecteur. La tonalité lyrique et

poétique est encore plus enflammée dans Les Vrilles de la vigne lorsque Colette célèbre la forêt

de son enfance « toute pareille au paradis » et déclare qu’« elle a vécu dans un pays de

merveilles, où la saveur enivre » (« Jour gris »). Dans « Printemps de la Riviera », elle fait une

magnifique et sensuelle déclaration d’amour à ce pays que son « âme forestière » aime.

Toutefois, elle évoque très clairement le caractère fantasmé et idéalisé de tout cela en finissant

par dire à son interlocutrice Missy, et par ricochet aux lecteurs : « ne le crois pas ! ». Ainsi elle

avoue explicitement être dans un processus de célébration, c’est-à-dire un hommage qui

transforme et métamorphose les paysages de son enfance pour les rendre plus beaux.

Mais Colette ne se contente pas de célébrer les vivants et la nature. Chaque instant de sa

vie, même le plus banal et le plus quotidien, est prétexte à une célébration. Elle se souvient

sans doute des injonctions de sa mère qui l’invitait à voir, à regarder le monde et à s’en

émerveiller. L’anecdote du petit merle qui mange les cerises en est l’incarnation : « Chut !...

Regarde… » lui enjoignait sa mère. Colette a retenu cette invitation à regarder et à écouter le

monde qui l’entoure. Elle dédie d’ailleurs initialement Les Vrilles de la vigne à son contemporain

Jules Renard ; or celui-ci se présente dans ses Histoires naturelles comme « un chasseur

d’images », quelqu’un qui capte et cherche à garder une trace du monde. À son instar, tous les

sens de Colette sont donc en éveil, prêts à saisir la beauté du monde et à la restituer dans une

écriture poétique qui sublime et métamorphose le quotidien. Que cela soit « l’harmonie

modeste de la bouilloire, grillonne tapie dans les cendres ardentes, petite sorcière ventrue,

bienveillante » (« Toby-Chien et la musique ») ou encore le plaisir de marcher pied nu sur une

terrasse en vacances : « mon pied nu tâte amoureusement la pierre chaude de la terrasse »

(« En marge d’une plage blanche II »). Savoir capter la sensualité du monde par le pouvoir de

l’écriture est sans doute un bon remède contre la morosité.

Cette célébration, dont nous venons de définir les principales caractéristiques, témoigne

d’un regard généreux sur le monde et fonctionne sans doute comme un antidote sur Colette.

Ainsi elle peut mettre à distance les éléments douloureux de son existence. Les Vrilles de la vigne

constituent un ensemble de récits écrits principalement en 1908. Colette a trente-cinq ans et vit

un changement d’existence radical : son mariage est un échec, son mari Willy la trompe,

l’exploite et lui fait perdre une bonne partie de ses illusions sur l’amour. Même si le divorce

n’est pas encore prononcé, ils vivent séparés et Colette doit subvenir à ses besoins.

L’autofiction est le moyen de mettre à distance cette période douloureuse. Elle évoque avec

une douce ironie son déclassement

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