Commentaire composé la Nouvelle Héloïse

, « gaiement ». Les comportements des personnages sont emprunts de gaieté : « chante », « rit » et même « les folâtres querelles » ne peuvent entamer cet état : « on ne s’agace mutuellement que pour montrer combien on est sûr les uns des autres.» L’utilisation des phrases exclamatives : « Avec quelle joie ces bons villageois les voient arriver! », « O bienheureux enfants! », « que le bon Dieu prolonge vos jours aux dépens des nôtres! », « Ressemblez à vos pères et mères et soyez comme eux la bénédiction du pays! », relèvent de l’éloge et mettent en valeur la qualité des hommes. Les villageois sont « bons » et les enfants « bienheureux ».Rousseau fait également référence à l’Antiquité et met en parallèle les vendanges et les Saturnales fête se déroulant à l’époque des Romains. Il les compare et préfère les vendanges. Pour cela il utilise des comparatifs de supériorité : « Ces saturnales sont bien plus agréables et plus sages que celles des Romains. ».

La société de Clarens a caractère limité : les vendanges. Rousseau atténue souvent l’idée d’égalité qui semble provisoire, rien ne semble effacer les inégalités sociales. Son message ne paraît pas authentique mais n’oublions pas que nous sommes dans un roman et pas dans un essai.

Cette société de Clarens est éphémère. L’action se déroule dans des circonstances particulières : les vendanges qui ne durent en général pas plus de quinze jours. Saint Preux marque cette limite de temps par l’expression : « depuis le moment qu’on prend le métier de vendangeur ».Le rapprochement des vendanges avec les Saturnales montre également que le renversement social n’est que temporaire. De nombreux détails nous invitent à penser que Clarens n’est pas forcément toujours la société égalitaire et harmonieuse que l’on voudrait nous faire croire.

Le renversement social semble imaginaire. En effet, il est décidé et voulu par les « maîtres ». Malgré leurs efforts à se fondre avec les paysans, ces derniers montrent à quelle classe ils font partie : « pour montrer », « faire chez soi les messieurs », « on s’y prête sans affectation », « on veut bien sortir pour eux de sa place ». La notion de hiérarchie est aussi évoquée à travers la comparaison de Julie à Agrippine. Dans ce passage le champ lexical de la domination et du pouvoir est présent : « despotique empire de la sagesse », « rois entourés de tous leurs soldats ». L’auteur fait référence à des faits historiques où la relation dominant-dominé est importante. L’égalité sociale de Clarens est un faux semblant et Rousseau marque son texte d’ambiguïté. D’ailleurs au début du texte, le passage du pronom impersonnel « on », qui englobe tous les personnages, au pronom personnel « ils » qui désignent uniquement les paysans nous démontre bien que cette égalité sociale entre paysans et bourgeois n’est que fictive.

Rousseau à du mal à se détacher de son narrateur. On sent qu’il donne son point de vue aristocratique de la situation. Il emploie un vocabulaire dépréciatif pour les paysans : « gauches », « grossières », « rustauds » qui donne un jugement négatif sur eux. Les comportements des maîtres ne sont pas naturels, ils paraissent forcés alors que les paysans sont idéalisés dans leurs émotions et leur enthousiasme. L’utilisation des tournures négatives : « l’on ne s’agace point », « on ne rit point », « on ne ricane point » accentue cette déconnection au monde réel. Le narrateur est interne puisqu’il s’agit d’une lettre. Mais nous sommes également dans un roman comme le montre le paratexte. Le lecteur est plongé dans un récit, une fiction. Nous pouvons donc remettre en cause le réalisme de cette société vivant dans l’harmonie.

Dans cette lettre, Rousseau arrive à nous proposer une utopie sociale joyeuse localisée au domaine de Clarens,