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L'Édition Bulgare Lors De La Transition Postcommuniste

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dences conséquentes sur la place des livres dans la vie sociale et culturelle. Ces facteurs se répercutent sur les contenus, les formes, les tirages, les auteurs publiés et le contact des lecteurs avec les livres par l’intermédiaire du marché, caractérisé par une grande dynamique, offrant de nouvelles possibilités pour l’élargissement de l’espace communicatif des livres mais aussi en posant des limitations.

L’abolition du monopole étatique et la transformation de l’édition en une branche privée régie par les lois du marché a encouragé la formation de nombreuses maisons. Ce qui a attiré l’attention des particuliers pour ce secteur, c’était essentiellement le faible coup d’investissement, la rapidité du rendement, l’insuffisance et la monotonie du marché du livre de l’époque, la soif du lecteur pour de nouveaux titres inédits, censurés ou interdits par le régime, ainsi que le goût d’ouverture aux cultures occidentales si soigneusement évitées par le communisme. On remarque aussitôt un processus graduel, ininterrompu jusqu’à présent, marquant une hausse constante du nombre des maisons d’édition privées qui passe de 180 en 1991 à 980 en 1994, pour atteindre le chiffre de 3490 en 2005[2]. La plupart des anciennes maisons d’édition ont été privatisées[3] et celles qui appartiennent à l’Etat de nos jours représentent à peine 13% de l’ensemble des éditeurs, sachant qu’elles ne bénéficient pas de subventions étatiques mais uniquement de l’ancienne base matérielle[4]. Les nouvelles maisons d’édition font suite à la décomposition des étatiques. Elles ont souvent été formées par d’anciens acteurs de l’édition et des hommes de lettres[5]. Ainsi l’écrivain Nikolaï Stoyanov a fondé sa maison Bibliothèque 48, le critique littéraire Nikolaï Arrétov – La reine Mab, les poètes Kiril Kadiiski et Svetlozar Jekov – Nov Zlatorog[6] et Péro (Plume), les traductrices Krassimira Mikhaïlova et Maria Koeva, respectivement Atlantis et Fama, les éditrices à la fameuse maison d'édition spécialisée en littérature étrangère Narodna Cultura (Culture populaire), Sylvia Wagenstein et Jetchka Georguieva ont crée Colibri. La directrice pendant dix ans de Narodna Cultura, Vera Gantcheva, a ressuscité après sa dissolution l’ancienne maison d’édition Hémus[7]. Ce fait nous paraît important pour démontrer que le secteur éditorial est en grande partie dirigé par des élites intellectuelles et des gens expérimentés, des professionnels de l‘édition hautement qualifiés qui ont acquis leur savoir-faire pendant de longues années de pratique. Mais à ces derniers s’ajoutent aussi les nouveaux venus dans le monde de l’édition qui se caractérisent parfois par une production plus médiocre. Dans la foulée de la chute du régime, s’apercevant de la soif du lecteur de découvrir de nouveaux mondes littéraires, de nombreuses maisons d’édition se sont créées, espérant des gains rapides et faciles. Pour saisir cette situation et satisfaire au plus vite aux besoins des lecteurs, beaucoup d’éditeurs ont sorti des livres traduits à la hâte, souvent sans qu’un travail de correction ait été effectué ou que les droits d’auteur soient payés. On a vu le marché envahi par des romans de gare, de la littérature de grand public, des romans noirs, érotiques, d’épouvante et tout un bas de gamme littéraire[8].

Pour compairaison, il existent, en 2005, 3490 éditeurs en Bulgarie, dont 1926 spécialisés dans l’édition de livres de fiction. Ce chiffre n’a pas cessé d’augmenter depuis 1989, sachant qu’en moyenne 15 à 20 nouvelles maisons d’édition privées sont enregistrées chaque mois en Bulgarie, alors que celles qui appartiennent à l’Etat ne cessent de diminuer en nombre et en importance. Pourtant seuls 250 éditeurs privés publient en moyenne plus d’un livre par mois, 82 ont sortis plus de 1 000 titres depuis leur création, 52 ont enregistré plus de 30 titres en 2004 et seuls 50 sont membres de l’Association du Livre Bulgare (ALB). Les raisons de l’augmentation du nombre d’éditeurs après 1989 ont déjà été évoquées, mais le fait que seuls 7% d’entre eux ont une production constante montre que malgré les chiffres gigantesques l’activité éditoriale de la majeure partie n’est pas constante ni significative. Parmi les facteurs qui jouent un rôle important pour l’achat de livres, à part le thème et l’auteur qui prennent largement le devant, apparaissent des indicateurs comme le prix, le design, la qualité de réalisation et de rédaction, les prix et les distinctions attribués à l’auteur et aussi la renommée de la maison d’édition. Parmi les maisons d’édition énumérées par les interrogés par Assa-M comme dignes de confiance on voit défiler comme suit : Bard, Hermes, Prosveta, Trud, Kibea, Abagar, Anoubis, Zahari Stoianov, Prozorec, Obsidian, Siela, Iris, Hemus, Colibri, Letera, Attica, Slovo, Slunce[9].

Depuis 1991, en Bulgarie fonctionne la base informatique ISBN permettant de répertorier chaque ouvrage sortant sur le marché[10]. Ce système a peu à peu pris de l’ampleur, même s’il n’est pas obligatoire, et on constate aujourd’hui que seuls 5% des livres édités n’ont pas été signalés à l’agence[11]. Les données communiquées par l’Agence Nationale de l’ISBN en collaboration avec la Bibliothèque Nationale Sts. Cyrille et Méthode nous permettent l’examiner l’évolution en nombre des titres et des tirages en Bulgarie. On remarque alors une nette augmentation des publications qui passent de 3260 en 1991 à plus de 6000 en 2004[12]. Ce fait s’explique par la croissance du nombre d’éditeurs et leur souci de diversifier leur production. Toutefois l’amplification du marché n’a pas séduit plus de lecteurs et leur pourcentage a considérablement diminué passant à presque la moitié de la population qui déclare ne jamais lire[13]. Par conséquent, ce sont les ventes qui ont baissé. Alors que le tirage moyen a atteint en 1990 les 13 800 exemplaires, un chiffre record qui s’explique par la récente chute du régime et l’envie de combler les lacunes littéraires de 45 ans de régime totalitaire, il n’a pas cessé de diminuer jusqu’à 2004 lorsqu’il avoisine un autre chiffre record, cette fois le plus petit, notamment 800 exemplaires en moyenne. Ainsi le secteur du livre marque ces dernières années une baisse inédite des tirages. Si l’on compare avec l’année 1995, le tirage moyen a chuté de 70% en 2000, chiffre duquel on déduit encore 60% pour arriver à celui de 2004. Subséquemment, à l’heure actuelle le nombre d’exemplaires publiés par titre dépasse rarement les 500 sauf pour la littérature étrangère qui dans le meilleur des cas marque un tirage moyen de 3 000[14]. Un autre indicateur lié aux faibles ventes inquiète d’avantage, celui du nombre de livres par tête d’habitants. Alors que depuis 1979 on attribuait en moyenne 6 livres par an à un Bulgare, à partir de 1994 ce nombre est en chute assidue attenant le plus petit chiffre jamais enregistré dans le pays, celui de 0,6[15]. Ces chiffres nous paraissent quelque peu troublants car même s’ils témoignent de l’évolution du secteur en termes de diversité, ils indiquent en même temps le déclin des pratiques de lecture et la baisse des tirages, diminuant paradoxalement parallèlement à l’augmentation des éditeurs et des titres. Cette hausse semble démesurée car au lieu d’entraîner l’amplification du marché du livre elle crée l’effet inverse. On constate ainsi une crise qui prend la forme d’une surproduction accompagnée d’une baisse des ventes et d’une stagnation de la population lectrice. Les éditeurs multiplient leur nombre et celui des ouvrages publiés, sans pourtant, à quelques exceptions près, augmenter leur chiffre d’affaire. Mais ce fait n’est pas alarmant uniquement pour des raisons économiques, car il révèle en plus un manque général d’intérêt pour le livre qui peut avoir des conséquences préoccupantes sur le développement culturel du pays.

La surproduction de livres et la multiplication des éditeurs est en relatif désaccord avec la situation économique en Bulgarie. Sur ce plan, les conditions du marché ne permettent pas l’éclosion d’un commerce des livres à cause du délabrement du tissu économique, du très faible revenu des consommateurs et du coût élevé des livres. La crise économique touche une grande partie des citoyens, une statistique récente attestant que 78% des revenus des Bulgares sont destinés à l’alimentation[16] ; il leur reste donc 22% pour payer l’électricité, les charges, pour se vêtir et satisfaire aux autres besoins quotidiens. C’est à se demander ce qu’il leur reste pour la culture et la littérature. Ainsi 71% déclarent ne pas avoir acheté récemment un livre, contre seuls 4,4% qui en achètent une à deux fois par mois, alors que 72% des lecteurs empruntent des livres à leurs amis. Cette vieille pratique bien courante qui a des répercussions directes sur le nombre d’acheteurs n’est pas sans inquiéter les éditeurs pour lesquels la question économique acquiert une grande importance. Un fait qui vient contrebalancer cette constatation est que la pratique du livre d’occasion n’est pas très fréquente et 57% des gens n’achètent pas de livres usés. Par ailleurs, une hausse de 20% sur les prix des livres a été enregistrée, un constat qui ne trouble pas autant si l’on prend en compte l’augmentation des prix de tous les produits. Toutefois, seuls 14% dénoncent le manque d’argent comme facteur principal du non-achat de livres. Passent en avant d’autres motifs tels que le manque de temps, d’envie, d’intérêt.

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