"je ne parle pas de moi, je parle seulement de ce que je devine et qui est commun à tous" cette affirmation vous semble-t-elle justifiée dans la lecture des recueils au programme?
Mémoire : "je ne parle pas de moi, je parle seulement de ce que je devine et qui est commun à tous" cette affirmation vous semble-t-elle justifiée dans la lecture des recueils au programme?. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresnc dans un état de faiblesse, « il n'entend presque plus » marque également un état de faiblesse, jusqu'à la mort elle-même : « plus aucun souffle », « déjà ce n'est plus lui ». Mais il ne le fait pas qu'à cette occasion, par exemple Jaccottet s'adresse à ses pairs, de la même tranche d'âge que lui pour partager ses impressions : « oh, mes amis d'un temps, […] notre espérance est abrégée, […] nous commençons à ressembler à nos pères. » Dans ces vers il partage avec les autres jeunes vieillards le fait qu'il déplore se rendre compte qu'il devient vieux et qu'il s'approche de la mort. Également « nous nous sommes surpris marchant la tête retournée vers le passé, prêts à nous couronner de souvenirs » est également commun à tous, les souvenirs étant le propre des anciens, gardiens de la mémoire, les souvenirs deviennent leur source d'amusement, les vieillards ne cessant de ressasser le passé : « un homme qui vieillit est un homme plein d'images ». Jaccottet questionne de même ses pairs : « n'y a-t-il pas d'autre chemin que dépérir dans la sagesse radoteuse ? », et ne répond pas à la question, il pose donc la question à tous et tous nous devons chercher une réponse, Jaccottet ne répond pas dans les vers suivants à cette question, nous pouvons remarquer qu'il ne tente pas de nous imposer sa vision des choses, il permet au lecteur de réfléchir, à la façon de Voltaire qui voulait que le lecteur fasse lui-même la moitié de la réflexion.
On peut remarquer que Jaccottet a une certaine tendance dans ces recueils à se mettre en retrait, à s'éloigner du « je » lyrique pour se tourner plutôt vers le « on » général ou vers la première personne du pluriel, ce qui peut signifier que son affirmation sujet de ce devoir est vraie, puisque le « nous » et le « on » général permettent à Jaccottet de s'exprimer en parlant de tous et pour tous et non en parlant seulement de lui-même. Il ne cherche pas à se mettre en valeur, il ne veut pas nous exposer son expérience personnelle mais la partager. « Il y a en nous un si profond silence. » Dans cette citation, il parle de l'expérience de la mort d'un proche et se dit que tous lors de cette expérience, nous sommes sans mots, nous n'arrivons pas à exprimer cette douleur que nous ressentons. Jaccottet souhaite partager ses impressions avec les autres : « n'est-ce pas la réalité de notre vie qu'on nous apprend ? Instruits au fouet ». Ici, Jaccottet nous livre ses impressions sous forme de question, qu'il pose directement à ses interlocuteurs et ainsi il incite à se plonger à la fois dans la lecture et dans une réflexion personnelle. Il se pose la question de savoir si la mort d'un proche nous fait revenir sur Terre en nous disant que nous aussi nous allons vieillir et mourir, et c'est une leçon apprise rudement. Cette question est pour tous, non seulement pour Jaccottet.
Dans son affirmation, Jaccottet dit : « je ne parle pas de moi ». Nous allons nous intéresser à cette affirmation et regarder au plus près des recueils afin de savoir si oui ou non il ne parle pas de lui.
Nous pouvons remarquer d'une part que Jaccottet ne tente pas d'exposer ses expériences personnelles, il ne parle pas directement de personnes qui ont réellement existé, il ne nous expose pas sa vie privée. Mais si nous connaissons un peu sa vie, nous pouvons savoir de qui il parle en réalité, même s'il ne cite pas directement les personnes dont il est en train de parler. Nous pouvons savoir qu'il parle de son beau-père, de sa mère si nous connaissons la vie de l'auteur, les antécédents pour lesquels il s'est mis à écrire ces recueils. Dans Leçons, il parle de feu son beau-père et maître, dans Chants d'en bas il parle de feu sa mère. Même si il ne parle pas directement d'eux, certains indices peuvent nous conduire à la conclusion de qui il est en train de parler. Par exemple : « cette barque d'os qui t'a porté » nous fait penser immédiatement à sa mère, « barque » peut aussi rappeler sa mort avec la barque de Charon, cochet infernal qui faisait passer les morts de l'autre côté du Styx en échanges de dragmes dans la religion gréco-romaine ; de même « qui t'a porté » fait référence à la grossesse de la mère de Jaccottet qui l'a porté dans son ventre pendant neuf mois. « lui qui gardait les clefs de la maison » fait référence bien sûr au beau-père, car cela fait référence au chef de famille, cela fait penser également à celui qui est le plus cultivé de la maison, et c'est le beau-père de Jaccottet qui fut son maître. De plus, son maître était imprimeur et dans le poème liminaire à Leçons, Jaccottet nous annonce que son beau-père va être présent dans son recueil : « qu'il mesure, comme il a fait jadis le plomb, les lignes. » Autrefois l'imprimante se faisait à l'aide de lignes de lettres de plomb assemblées à la main, ce qui fait bien référence au beau-père. Nous pouvons deviner de qui il parle même si l'auteur a la volonté de s'effacer par rapport à son « moi », comme s'il voulait partager sa peine avec le lecteur sans que le lecteur en soit informé lui-même, ou que Jaccottet tentait de se réconforter lui-même dans ses poèmes, qui seraient un moyen d'échapper à la douleur que ressent le poète.
Jaccottet évite les « je » au profit du « nous » mais on peut remarquer que le « je » devient de plus en plus fréquent au fur et à mesure que l'on avance dans les recueils au programme. Dans l'un des derniers poèmes avant la fin de Chants d'en bas, il y a treize pronoms personnels et possessifs (je me je j' moi j' moi j' j' je me moi mon) alors que le premier poème de Leçons qui en contient le plus en contient cinq (moi me j' moi je). Son « moi » devient donc de plus en plus fréquent, sa volonté de se mettre lui-même en retrait s'efface au fur et à mesure de l'avancée de la lecture et il parle de lui de plus en plus.
Ensuite, Jaccottet fait beaucoup d'apostrophes : à des proches, son beau-père par exemple afin qu'il le guide dans ses écrits : « que sa droiture garde ma main d'errer ou dévier, si elle tremble ». A la nature également, parfois : « aide-moi maintenant, air noir et frais, cristal noir. », afin que les éléments naturels eux-même inspirent le poète dans sa quête d'écriture poétique, ici la nuit car l'air est plus frais la nuit et bien sûr la nuit est noire. Mais il fait également beaucoup d'apostrophes à lui-même : « je t'arracherais bien la langue, sentencieux phraseur », et à ce stade le lecteur ne se sent plus concerné par les écrits puisque l'auteur s'apostrophe lui-même, en se distinguant en deux entités, l'ancien poète et le nouveau poète qui a fait l'expérience de la mort d'un proche. Le nouveau s'adressant
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