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Commentaire d'article L64A du Livre des Procédures civiles

Commentaire d'arrêt : Commentaire d'article L64A du Livre des Procédures civiles. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  27 Avril 2024  •  Commentaire d'arrêt  •  7 117 Mots (29 Pages)  •  207 Vues

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“Cessante ratione legis cessat lex” autrement dit là où cesse la raison de la loi, la loi doit cesser.

Cet adage sous-entend qu' une disposition légale cesse de s'appliquer dès lors que les raisons qui ont poussé son auteur à l'établir ne sont plus respectées.

Ainsi, il faudrait selon cette idée se conformer à la  “ratio legis” de la loi pour qu'elle fasse effet.

Ce principe est utilisé en matière fiscale dans le cadre de la prohibition des abus de droits prévu par l'article L64 du Livre des Procédures fiscales.

Cette disposition est codifiée dans le livre des procédures fiscales depuis le 1er janvier 1982.

Cette procédure d'abus de droit, qui est complétée par les Articles L 64 A et B et  est placée au sein du chapitre 1er relatif au droit de contrôle fiscal de l'administration et plus précisément au sein de la Section IV prévoyant les procédures de rectifications.

Ce placement n' a rien d'anodin.

En effet, le contrôle fiscal a pour objet de veiller au respect par les contribuables de leurs obligations déclaratives, ce contrôle est par ailleurs le corollaire du système déclaratif.

L’administration fiscale, en procédant à ces contrôles, s’assure de la sincérité et de la véracité des déclarations du contribuable.

Dès lors, à l'issue de ce contrôle, l'administration revient vers le contribuable pour l'avertir des rectifications qu'elle envisage.

L'assujetti ne reçoit cette proposition de rectification que lorsque l'administration estime qu'un redressement fiscal est nécessaire.

C'est à ce stade qu'intervient la procédure d'abus de droit, en cela que l'administration vient notifier au contribuable cette rectification, dès lors qu'elle constate que ce dernier a commis un abus de droit.

Encore faut-il définir ce qu'est un abus de droit.


        L'abus de droit est une notion qui apparaît en droit civil avec l'arrêt Clément Baillard rendue par la chambre des requêtes le 3 août 1915.

Cette conception de l'abus de droit a par ailleurs été développée par Josserand dans son ouvrage

 De l'esprit des lois et de leur relativité de 1927.

Cette théorie n'est autre que l'application de l’adage “male enim nostro jure uti non debemus” qui signifie : “Nous ne devons pas user de notre droit injustement “.

Cette notion est également appliquée au droit administratif présentée sous la forme de fraude à la loi.

En effet,  Martin Collet dans son ouvrage de Droit fiscal prend comme exemple

“ les mariages blancs”, qui conduisent au mariage dans l'unique but pour l'un des mariés d'obtenir un titre de séjour.

Ces derniers sont dénués de substance amoureuse, il n'y a aucune intention de s'établir comme une union conjugale, alors que c'est justement l'objectif recherché par la loi.

Commet alors une fraude à la loi, celui qui en appliquant à la lettre un texte s'en éloignerait de son esprit.

Néanmoins, la fraude ne sera imputable à son auteur que s'il est avéré qu'il avait une intention d'abuser de son droit.

En effet, en matière administrative, l'erreur fait partie d'un droit fondamental de l'administré comme le prévoit l'article L123-1 du CRPA.

        L'article L64 du livre des procédures fiscales prévoit quant à lui deux hypothèses d'abus de droit, qui revêtirait alors deux volets.

Le premier étant la fraude à la loi dont il vient d'être fait mention, tandis que le second concerne l'acte fictif.

Ce dernier est un mensonge juridique destiné à tromper l'administration fiscale tandis que l'autre un détournement de la loi, bien qu'au fonds les deux se rejoignent.

Les deux sont prohibés parce qu'elles entraînent une fuite de l'impôt, ce qui a des conséquences sur les finances publiques mais également dans le cadre de l'égalité devant la loi entre  les contribuables.

Il faut ajouter que logiquement ce texte est de nature législative.

En effet, comme évoqué cette disposition s'insère dans le cadre du contrôle fiscal.

Or, sur le fondement de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de  recouvrement de l'impôt, ce qui est le cas avec la procédure de l'abus de droit.

Dès lors que ce texte a une valeur législative, il est nécessairement soumis à la subordination des traités et accords internationaux sur le fondement de l'article 55 de la Constitution, mais encore à la sujétion du droit de l'union européenne du fait de l'article 88-1 de la Constitution.

Cela est important, car le droit de l'Union européenne a eu une influence sur ce texte.

Par ailleurs, le juge fiscal a eu également une très grande emprise sur le texte en l'état actuel avec notamment sa solution Janstin en 2006, qui consacre le principe général de la prohibition de l’abus de droit.

Cet article à effectivement connu depuis sa codification au Livre des procédures fiscales 4 modifications, la dernière ayant eu lieu avec la loi de finance pour 2019.

Il existe une différence entre les deux dernières versions du texte relative à la charge de la preuve, même si celle-ci  ne modifie pas substantiellement le texte.

En revanche, la distinction du texte issu du droit positif est flagrante avec les deux autres versions puisque l'appréciation de l'abus de droit a connu une nette expansion, à telle point que des interrogations ont commencé à émerger.

Effectivement, l'élargissement de la prohibition de l'abus de droit à limiter d'une certaine façon le droit pour les contribuables d'exercer des montages fiscaux purement légaux qui viendraient améliorer leur situation fiscale.

Autrement dit, les pratiques abusives et l'optimisation fiscale tendent avec cette disposition à se confondre.

Or, dès lors que le texte vient prohiber l'abus, logiquement le droit à l'optimisation se voit restreint.

Pourtant jusqu'à un certain point l'optimisation est autorisé, en cela qu'il est logique pour un agent économique rationnel de vouloir minimiser sa charge fiscale.

Le droit fiscal octroie alors en principe une liberté de gestion de sa situation fiscale, cela a par exemple été confirmé par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendue le 10 juin 1981

Par ailleurs, la loi elle même peut encourager cela notamment avec les taxes comportementales.

Mais en réalité, en analysant le texte plus précisément, il sera démontré que la liberté du contribuable est garantie par cet article sur le plan procédural.

        Ainsi, on pourrait se demander en quoi la disposition visant à prohiber les abus de droit fiscal concilie-t-elle la nécessité de prévenir des pratiques abusives avec le respect des droits des contribuables à optimiser leur situation fiscale de manière légale ?


        Cette question est intéressante en cela qu'à première vue, cette disposition vient prohiber de manière très étendue l'abus de droit qui se distingue plutôt mal des montages fiscaux habiles  (I)

Néanmoins, cet article vient établir une conciliation avec le droit à l'optimisation fiscale par la mise en place de certaines garanties procédurales (II)

I/Une prohibition large de l'abus de droit compromettant le droit à l'optimisation fiscale

        Cette disposition vise à prévenir des pratiques abusives en cela qu'elle consacre la possibilité pour l'administration d'écarter des actes qui souffrent d'abus de droit (A).

Par ailleurs, ces actes peuvent être appréciés largement par l'administration entravant la possibilité pour le contribuable d'optimiser sa situation fiscale. (B)

A/La possibilité cohérente pour l'administration d'écarter des actes marquées d'un abus de droit

Pour comprendre que l'acte imprégné d'un abus de droit peut être écarté afin de prévenir des pratiques abusives, il faut se pencher sur le premier alinéa de l'article L64 du Livre des Procédures fiscales.

Cet article dispose que “ l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit”.

En principe, les actes de droits privés sont opposables à l'administration comme il le serait aux tiers tant qu'il n'ont pas été déclaré nul par le juge judiciaire, cette solution est affirmée par un avis du Conseil d'Etat siégeant en section du contentieux le 9 octobre 1992.

Néanmoins, cet article vient poser une exception à ce principe en cela que les actes constitutifs d'un abus de droit  quant à eux ne sont pas opposables à l'administration, quand bien même le juge judiciaire ne serait pas intervenu.

En revanche, le texte vient prévoir une nuance, en cela que la capacité pour l'administration n'est pas obligatoire mais uniquement une possibilité, “ elle est en droit ”  de le faire, elle n'y est pas tenue.

L’absence de mention de l’obligation par l’administration est assez critiquable, puisque dès lors que l’acte est constitutif d’un abus de droit, il suppose une pratique abusive et par conséquent un défaut de sincérité de la part du contribuable.

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