Rétroactivité des lois pénales plus douces
Commentaire de texte : Rétroactivité des lois pénales plus douces. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar alfred1900 • 30 Janvier 2023 • Commentaire de texte • 5 867 Mots (24 Pages) • 311 Vues
LE PRINCIPE DE LA RÉTROACTIVITÉ DES LOIS PÉNALES PLUS DOUCES :
UNE RUPTURE DE L'ÉGALITÉ DEVANT LA LOI ENTRE DÉLINQUANTS ?
Tantôt présenté comme un principe tendant à protéger la liberté de l’homme contre les lois, tantôt considéré comme un moyen efficace destiné à assurer la sécurité juridique dans une perspective d’intérêt général, le principe de non- rétroactivité des lois suppose que la loi (ou les lois) ne peut disposer que pour l’avenir. Elle ne régira que les situations juridiques postérieures à son entrée en vigueur.
À contrario, le principe signifie que les actes ou les faits juridiques passés antérieurement à l’entrée en vigueur d’une loi échappent à l’emprise juridique de cette dernière. Néanmoins, ce principe recèle des exceptions, parmi lesquelles on peut invoquer celle des lois pénales « plus douces » ou « moins sévères ». Cette exception a été confirmée tant par les textes du droit interne que par ceux du droit international. En droit français, c’est l’article 112. 1 al. 3 du code pénal qui confirme ladite exception. Il dispose que « les lois pénales moins sévères, qui suppriment ou adoucissent une pénalité, s’appliquent aux délinquants qui ne seront pas jugés d’après la loi en vigueur au moment où l’infraction a été commise, dès lors qu’une condamnation définitive n’était pas intervenue ».
Il y a lieu de préciser que le principe a été dégagé bien avant la nouvelle disposition du code pénal par la Cour de cassation dès le début du XIX siècle. Ce qui a permis à la haute juridiction judiciaire de combler la lacune de l’ancien code pénal de 1810. Elle a estimé à cet effet que « lorsque dans l’intervalle d’un délit au jugement, il a existé une loi pénale plus douce que celle qui existait soit à l’époque du délit, soit à l’époque du jugement, c’est cette loi plus douce qui a dû être appliquée ».
En droit international, l’exception au principe de la non-rétroactivité des lois pénales plus douces est confirmée par le Pacte international relatif aux droits civils et politique de 1966 en son article 15 § 1 et par la Convention européenne des droits de l’homme en son article 7 § 1. Toutefois, la rédaction de ces deux textes est sensiblement différente de celle de l’article 112-3 du code pénal français. Bien qu’elle introduise une dérogation au principe de non rétroactivité, la disposition de l’article 112-1 du code pénal n’est pas conforme aux textes internationaux – article 15 § 1 du Pacte international sur les droits civils et politique de 1966 – et à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. En effet, les énoncés des deux premiers alinéas de l’article 112-1 du code pénal, présentent le principe de la rétroactivité in mitius comme une dérogation au principe général de non-rétroactivité des lois, alors que le Conseil constitutionnel place les deux principes au même niveau.
Le principe de la rétroactivité in mitius puise ses racines dans la philosophie humaniste qui a donné naissance aux droits de l’homme. Le rapport entre le droit pénal et les droits humains, loin d’être antinomique est caractérisé par interdépendance et une complémentarité. Dès lors, on peut affirmer que le principe de la rétroactivité in mitius n’est qu’une des conséquences de l’influence des droits de l’homme sur le droit pénal. Si le fondement juridico-philosophique du principe de la rétroactivité in mitius s’avère humaniste et cohérent dans sa logique (I), il recèle une injustice dans son application concrète entre délinquants en ce qu’il ne respecte toujours pas le principe de l’égalité des citoyens – délinquants – devant la loi (II).
I - Un principe « juste » dans sa philosophie
Dès 1789, la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen stipulait que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires », ce qui suppose que la suppression ou l’adoucissement d’une incrimination par la loi rend les peines antérieures non nécessaires et en pareil cas cet adoucissement ou cette suppression doit bénéficier au délinquant qui n’a pas été définitivement condamné. Le principe de la rétroactivité des lois pénales plus douces ou moins sévères s’inscrit alors dans la philosophie humaniste, en ce qu’il permet à tout délinquant – qui est vu avant tout, comme un être humain – de bénéficier, malgré son écart de comportement, des faveurs d’une nouvelle loi pénale favorable (A).
C’est d’ailleurs sur la base de la Déclaration de 1789 que le Conseil constitutionnel se fonde pour conférer au principe de la rétroactivité in mitius une valeur constitutionnelle, ce qui donne au principe une valeur supérieure à celle des lois. Toutefois, la consécration du principe de la rétroactivité in mitius par les textes internationaux pousse à s’interroger sur la portée juridique d’un tel principe différemment interprété par les juridictions internes et internationales (B).
A - Le fondement humaniste du principe de la rétroactivité in mitius
Les droits de l’homme ont été irrigués par la philosophie humaniste, car l’humanisme incarne « une théorie de la grandeur et de la dignité de l’homme qui tire de cette dignité humaine des conséquences éthiques et juridiques ». Bien qu’il soit devenu de nos jours un fourre-tout invoqué pour se donner bonne conscience, « l’humanisme juridique » place la dignité de l’être humain au centre des préoccupations législatives. La loi est d’abord faite pour protéger l’humain, souvent contre la loi elle-même. C’est ce qu’exprime le principe de la non-rétroactivité des lois en général et celui de la rétroactivité in mitius en particulier. Si les individus pouvaient être inquiétés du fait de leur respect et observation d’un ordre législatif antérieur par une nouvelle législation qui remet en cause l’ordre ancien, en pareil cas, la sécurité juridique pour les particuliers serait remise en cause.
Le principe de la rétroactivité des lois pénales plus douces ou moins sévères commandant à ce que la nouvelle loi pénale qui abroge une incrimination puisse profiter aux délinquants ayant commis des faits antérieurs à son entrée en vigueur et non définitivement jugés révèle une volonté clémente du législateur, qui, par humanisme juridique considère que dès lors qu’il supprime ou adoucit une incrimination, il suppose que les peines antérieures n’étaient pas nécessaires. Le principe protège ainsi la dignité des délinquants en ce qu’il suppose que la nouvelle loi pénale clémente apporte un progrès à la législation pénale d’où l’importance de consacrer par le biais du principe de la rétroactivité in mitius son effet immédiat devant les cours et tribunaux. Les raisons d’équité et d’humanité exigent à ce qu’on n’applique plus une peine reconnue inutile ou excessive. En cela, il s’apparente au principe de la subsidiarité en droit pénal – différente de la subsidiarité du droit pénal – qui consiste à choisir parmi les peines celles qui sont moins sévères. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 consacre la subsidiarité du droit pénal en son article 8 « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Pour certains auteurs, le principe de la rétroactivité in mitius n’est en réalité qu’une rétroactivité apparente. Ainsi, pour le professeur ROUBIER, la peine « ne peut pas exister sans un jugement qui la prononce », ce qui fait passer le rôle du juge d’une activité déclarative, à celle qui est « constitutive d’une situation juridique ».
C’est donc l’application concrète du juge qui rend une loi pénale plus douce rétroactive. L’auteur estime que la rétroactivité in mitius devrait être appréciée au regard de la conduite du juge, alors que le principe devrait en toute logique s’apprécier au regard des actes du délinquant. L’acte du délinquant est commis sous l’empire de la loi ancienne et devra être jugé conformément à la loi en vigueur au moment de la commission de l’acte. Mais la rétroaction permet d’intégrer l’acte sous l’empire de la nouvelle loi pénale plus douce. Toutefois il y a lieu de noter que dans l’application du principe il existe un fossé qui sépare l’interprétation des juridictions françaises de celle de la Cour européenne des droits de l’homme notamment en ce qui concerne les dispositions qui doivent être vues comme « plus douces ou moins sévères ». Là où la Cour de Strasbourg élargit le champs d’application des textes pénaux plus doux – tant à la norme écrite qu’à l’interprétation de cette dernière par les cours et tribunaux – le juge judiciaire français limite le champ d’application du principe de la rétroactivité in mitius aux seuls textes législatifs pénaux. L’humanisme juridique en matière de la rétroactivité in mitius de la Cour européenne des droits de l’homme est beaucoup plus englobant que celui des cours et tribunaux judiciaires français.
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