L'Avenir Selon Bernanos

plus élémentaires notions de respect de l’autre. Le pouvoir s’est fait politique, économique, militaire. L’évolution des sciences qui pourraient servir l’humanité a été détournée de ses buts louables pour doter les puissances d’armes sans cesse plus raffinées dans l’art de tuer. Cette science sans conscience (pour paraphraser Rabelais) a engendré la ruine et la désolation. L’homme, peu à peu, a oublié Dieu et le message de fraternité livré par le Christ. La conscience morale a reculé. L’être est peu à peu oublié au profit de l’avoir qui donne dans l’immédiat un nouveau sentiment d’existence beaucoup plus individuel. Et ce petit morceau de pouvoir que l’on a sur les choses dans les sociétés nanties fait oublier le devoir de fraternité tout en développant davantage un sentiment de propriété auquel on est prêt à sacrifier une partie de sa liberté, de son libre arbitre et de sa conscience. Si ceux qui nous gouvernent nous confortent dans le sentiment qu’ils nous protègent et protègent nos biens, qu’ils font tout pour développer le bien-être de la nation, s’ils tiennent le discours que nous voulons entendre et si leurs projets éducatifs relayés par les acteurs de l’enseignement mettent en avant le nationalisme, le patriotisme et toute forme d’intégrisme idéologique ou religieux en se gardant bien, évidemment, d’œuvrer au développement de l’esprit critique, alors nous cèderons à la tentation de l’assoupissement de nos consciences, à la tentation de l’obéissance servile, à la docilité du laisser-aller.

Parmi les autorités intellectuelles qui mettent en évidence les mutations morales de nos sociétés et la capacité de l’humanité de s’autodétruire, il peut être intéressant de citer Albert Jacquard (p. ex. dans « Cinq milliards d’hommes dans un vaisseau » -1987). Ses œuvres dénoncent les dérives et les excès de notre société et donnent des perspectives, aux allures utopistes certes, qui amèneraient une ébauche de solution.

N.B., Saint-Exupéry tient un discours assez proche de celui de Bernanos en mettant en évidence la notion de responsabilité collective (« Terre des hommes »)

Un petit développement pourrait aussi être fait à propos de la démocratie. Si, théoriquement, elle peut apparaître comme le meilleur des systèmes politiques garantissant la liberté d’expression et donc aussi celle de manifestation de la conscience critique face au(x) pouvoir(s), il faut néanmoins reconnaître ses faiblesses. Le peuple qui s’exprime par le vote n’a pas nécessairement l’intelligence et la formation intellectuelle suffisante pour porter un jugement lucide et éclairé sur la pratique de ceux qu’ils ont choisi pour gouverner.

Les élus eux-mêmes n’ont pas toujours les qualités intellectuelles et morales pour assumer au mieux leur mission de gouvernance. Si les démocraties (et notamment celles des grandes puissances) donnent l’apparence d’être des régimes préférables à tout autre, il ne faut pas oublier qu’elles ne sont plus régies par les « philosophes » mais qu’elles sont manipulées par les lobbies économiques qui leur ôtent ainsi toute autre forme de raison que celle du profit et de la recherche du pouvoir économique, renforçant ainsi les inégalités et donc les jalousies, les conflits d’intérêts, la peur de perdre des avoirs ou du pouvoir. Ce qui est aussi générateur de risques majeurs pour l’avenir de l’humanité.

Y a-t-il une solution