La Reforme Lingüistique De Kemal
Dissertations Gratuits : La Reforme Lingüistique De Kemal. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresreforme linguistique en Turquie n’a pas seulement été une reforme linguistique mais aussi et surtout une reforme politico-culturelle. Le but étant d’éliminer l’écart entre la langue turco-ottomane écrite et parlée par l’élite et la langue turque du peuple a déclanché une série de mesures linguistiques qui ont eu pour effet l’homogénéisation du paysage ethnique et linguistique et l’exaltation de la nation turque. Les conséquences du changement de l’alphabet (de l’alphabet arabe à l’alphabet latin), de la dépuration lexique (l’élimination des mots provenant du perse et de l’arabe et la récupération des mots du turc ancien) et de la modification des structures grammaticales (abandon des structures arabes, en faveur de la structure SOV) sont allées plus loin qu’une simple restructuration de la langue écrite et parlée. Les mesures linguistiques avaient des raisons politiques ; et les résultats ont eu une influence indiscutable dans le domaine social et culturel turc. À travers une reforme linguistique on a pu mener une reforme politique, sociale et même religieuse.
Le déroulement de la société turque dès la révolution kémaliste, en partie mise en place par moyen des reformes linguistiques, nous démontre l’importance de la langue dans la structure d’une société, d’où la confirmation de la relation évidente entre la langue et la culture présentée dans l’hypothèse de Sapir et Whorf. Les expressions typiques dans une langue forment un style communicatif propre de la culture qui exprime une appartenance à un groupe. Le fait de récupérer, par exemple, le lexique turc ancien, a-t-il représenté l’adoption d’une politique déclarant vouloir exalter l’importance de la nation turque ? Toutes les langues répondent aux besoins linguistiques des groupes qui les parlent (Sapir); c’était certain que les conséquences d’une telle reforme linguistique auraient de l’influence dans le développement de la société turque contemporaine.
Les résultats de la reforme linguistique étant sociaux, politiques et cultures, il faut se poser une série de questions incontournables. S’agissait-elle d’une stratégie politique ? Quelles ont été les raisons de la reforme linguistique kémaliste ? Comment peut-on expliquer ses conséquences dans plusieurs domaines ? Quels ont été les inconvénients d’une reforme si autoritaire ?
Le contexte historico-politique nous servira pour expliquer la racine de la reforme, à partir de laquelle on essayera d’établir une relation entre les mesures et leur impact dans la société turque.
La reforme linguistique dans la Turquie kémaliste
Entre les années 1920 et les années 1930, Mustafa Kemal Atatürk met en place une politique de modernisation de l’État turc. Après la proclamation de la République de Turquie et la séparation de la religion et de l'Etat, le gouvernement kémaliste adopte une série de mesures sociales, économiques et linguistiques qui ont pour but la rupture de la culture traditionnelle de l’Empire Ottoman. Mustafa Kemal, surnommé Atatürk (en turc, « père de la Turquie »), convaincu que le retard économique et social du pays vis-à-vis l’Occident était causé par l’éducation islamique, mise pour une politique nationaliste, laïque et anti-ottomane qui souligne la débâcle des racines ottomanes. Son intention de modernisation et son esprit nationaliste dans le cadre de la langue se traduisent par une tentative d’homogénéisation du paysage ethnique et linguistique du nouvel État et une exaltation de la nation turque, qui s’opposent au plurilinguisme et diversité culturelle de l’Empire Ottoman. D’entre toutes les mesures, les mesures linguistiques ont eu plus de conséquences dans tous les domaines que les autres. Mustafa Kemal croyait qu’à travers une reforme linguistique il pourrait mener sa revolution.
Selon Atatürk, si on poursuivait la rupture d’une culture tellement assimilée, les changements devaient être rapides et efficaces. Par contre, il a dû attendre cinq ans avant de pouvoir adopter la reforme linguistique, car la grande majorité de la population était contre une reforme si radicale. Une fois adoptées les mesures, le gouvernement kémaliste a donné très peu de marge de temps pour l’adaptation de la société. Certains auteurs racontent qu’Atatürk avait menacé la population de pas recevoir de l’argent à la fin de l’an dans le cas où ils ne signaient pas en alphabet latin. Son but était d’éliminer l’écart entre la langue turco-ottomane écrite et parlée par l’élite ottomane et la langue turque du peuple. La langue turco-ottomane, éloignée de la langue parlée par les turques et inconnue par la masse populaire turque, riche en termes arabes et persans, était la seule langue écrite officielle et littéraire. L’existence d’une situation de diglossie était la raison de l’incommunication entre les deux peuples, d’où le besoin d’uniformiser le scénario linguistique en se détachant de l’héritage ottoman. La modernisation du nouveau État turc commençait par la rupture avec la langue et la culture traditionnelles.
Mesures linguistiques
Les acteurs publiques chargés de la mise en place
Une fois les paramètres de la nouvelle langue turque ont été définis, le gouvernement a adopté le décret-loi de 1924 qui déterminait l’usage exclusif de la langue turque dans les écoles, associations et publications. Ainsi, l’article 88 de la nouvelle Constitution de 1924 imposait l’appellation « Turc » à tous les habitants de l’État, indépendamment de leur religion ou ethnie. Cette dernière mesure a provoqué plusieurs révoltes chez les communautés kurdes, qui réclamaient une reconnaissance de leur ethnie. Les mesures linguistiques ont été mises en place pour la Commission linguistique et pour l’Institut public de la Langue Turque, crée en 1932. Les deux institutions publiques avaient comme but d’essayer de dissoudre les dialectes et de faire appliquer tous les changements que la langue souffrait.
Les détails de la reforme : une nouvelle langue dans un nouvel État
La Commission linguistique a mené plusieurs changements. En 1928, elle a imposé l’alphabet phonétique turc latin obligatoire dans le domaine de l’enseignement et affichage public. L’alphabet arabe ne proposait des signes pour tous les sons, c’est pourquoi le gouvernement a décidé d’adopter l’alphabet latin turquisé avec comme but de rendre l’écriture plus accessible à la population. Le nouvel alphabet était presque phonologique et il évitait les diphtongues dans la langue ; ainsi, pour écrire la langue parlée on n’avait plus besoin de former des groupes de consonnes et voyelles car chaque lettre correspondait à un son. La graphie reflétait, donc, fidèlement la phonétique. De la même façon, on a substitué les constructions grammaticales arabo-persanes par les turques (SOV). L’adoption de cette graphie et cet abandon de la construction arabe permettait un rapprochement à la culture européenne.
Pour bien se détacher de la culture ottomane il fallait surtout récupérer la culture turque « pure ». C’est pourquoi une des mesures les plus célèbres de la reforme kémaliste a été la
dépuration linguistique de la langue. On a substitué le vocabulaire avec de l’influence arabe ou persane par des mots d’origine turc existants ou même par des mots de nouvelle création (empruntés ou avec des racines turques). « (…) Le propos du pouvoir turc s’apparente à une véritable entreprise de purification, au sens où l’on parle aujourd’hui de purification ethnique » (Bazin 1983)
Conséquences de la reforme linguistique
Les conséquences de ces mesures linguistiques ont eu répercussion dans plusieurs domaines. L’adoption de cette reforme a été vue comme une option idéologique plutôt que purement linguistique : on cherchait un rapprochement de l’Europe par rapport à la culture, langue et religion. La société se divisait entre les partisans des reformes, les « modernistes » ou « libéraux », et ceux qui s’opposaient à un changement si radical, qu’on identifiait avec les conservateurs et plutôt religieux. Les mesures linguistiques révélaient de telle façon l’intention d’une rupture avec la culture de l’Empire Ottoman qu’on pourrait même afirmer que toute reforme linguistique à l’époque a impliqué une reforme politico-sociale.
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