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Le Desir Pour Schopenhauer

Mémoire : Le Desir Pour Schopenhauer. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
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et, tout le bonheur qu'ils nous donnent, c'est d'écarter de nous certaines souffrances. Il faut les perdre, pour en sentir le prix , le manque, la privation, la douleur, voilà la chose positive, et qui sans intermédiaire s'offre à nous. »Schopenhauer, Monde comme volonté et représentation | |

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Annale bac 2009, Série L - France métropolitaine

Introduction

A travers l'analyse de la notion de désir, elle-même directement liée à l'idée que les hommes se font du bonheur, et dans la mesure où le bonheur serait en quelque sorte la résultante de la satisfaction de ce désir - Schopenhauer, philosophe allemand du 19ème siècle, nous livre une vision pessimiste ou négative de la manière dont sont organisés les désirs humains. Le désir correspond essentiellement, à travers la conception qu'il nous en présente, à un manque que les hommes ne pourraient jamais combler. Pour trouver le bonheur, il faudrait renoncer aux désirs, jamais satisfaits, toujours renouvelés. Le caractére insatiable du désir l'annule en effet comme condition de possibilité du bonheur.

Dans le premier moment de ce texte, Schopenhauer explique que le désir est une sorte de moteur à travers lequel, par la satisfaction de ce désir, nous pourrions accéder au bonheur. Mais il n'en est rien, puisque la satisfaction du désir, provoquant la disparition de ce désir, provoque en même temps la disparition du bonheur qui aurait pu résulter de cette satisfaction. Dans un second temps, le philosophe allemand explicite la thèse selon laquelle le désir, orienté vers la "conquête" d'un bien, n'aboutit jamais, contrairement à ce que l'on pouvait espérer, à la possession véritable de ce bien. Le désir est essentiellement défini, dans ce passage du texte, comme "besoin", lequel est lié à une "douleur". Schopenhauer en conclut, dans un troisième moment, que le désir, parce qu'il est fondamentalement lié à un manque, ne peut en aucun cas être lié à un plaisir : il ne représente que le symptôme d'un manque ontologique, c'est-à-dire constitutif de l'essence même de l'homme, lui-même associé à une souffrance. Le seul bonheur que nous puissions expérer, c'est celui que nous procure la cessation des souffrances.

Partie I

Schopenhauer n'établit pas de distinction véritable entre la satisfaction et le bonheur, et ne semble pas s'embarrasser, par conséquent, de ce qui les différencie. Traditionnellement en effet, dans l'histoire de la philosophie, la satisfaction est un état transitoire, non durable, que procure la réalisation de certains désirs, la concrétisation de certains espoirs, mais qui ne suffisent pas à construire un bonheur véritable, même s'ils peuvent contribuer à ce bonheur. En outre, le bonheur est considéré comme un état durable, auquel seul, d'après Aristote ou d'après Platon, le philosophe pouvait prétendre accéder. Le bonheur est en effet ce "bien suprême" ou ce "Souverain Bien" auquel on ne peut comparer les satisfactions. Spinoza, au 17ème siècle, reprend d'une certaine manière cet héritage lorsque dans l'Ethique, il assimile le bonheur à la béatitude à laquelle parvient celui qui, grâce à l'usage de la raison, est parvenu à la connaissance et donc à la maîtrise de ses passions.

La satisfaction, ou le bonheur, selon Schopenhauer, est donc "négatif" et ne contient rien de "positif". Il affirme donc clairement, en ayant explicitement recours à une antonymie, que nous ne devons rien attendre de la satisfaction ou du bonheur. D'emblée, il annonce donc la thèse selon laquelle nous devons renoncer à faire de cette satisfaction ou de ce bonheur une finalité.

Le désir est ensuite défini comme "privation" : cette définition du désir est elle-même classique dans l'histoire dela philosopbie, notamment dans "Le Banquet", à travers le mythe de la naissance d'Eros ou à travers le mythe d'Aristophane, que retranscrit Platon dans ce dialogue.

L'expression selon laquelle le manque ou la "privation", assimilée au "désir" serait "la condition préliminaire de toute jouissance" peut nous laisser perplexe. Comment la "privation", d'une part, pourrait-elle être un "désir", et en quoi cette privation ou ce désir pourraient être, d'autre part, la condition même du bonheur ? La conception schopenhauerienne du désir s'exprime ici de manière relativement claire : il faut comprendre que tout désir n'est que l'expression d'une privation. Si nous désirons, c'est que quelque chose nous manque. C'est pourquoi le désir est négatif : il résulte d'une instisfaction première. Comment, donc, une satisfaction pourrait-elle naître d'une insatisfaction ? C'est en substance la question que pose implicitement Schopenhauer - et la réponse est évidemment contenue dans cette question purement rhétorique. Toutefois, c'est par un autre procédé que Schopenhauer nous fait comprendre pourquoi le désir est essentiellement négatif : lorsque nous satisfaisons un désir, ce désir, naturellement, disparaît, et donc avec lui la satisfaction qui en résultait. Le procédé est ici de type aporétique : nous sommes dans une impasse. Nous recherchons une satisfaction qui s'évanouit aussitôt que nous l'avons obtenue. La quête est inutile. Nous nous épuisons dans une recherche sans objet. Le philosophe en arrive à la conclusion selon laquelle toute satisfaction est la résultante d'une "délivrance à l'égard d'une douleur, d'un besoin". Non seulement le désir naît de la douleur, mais encore il n'est finalement que l'expression d'un "besoin" : ici également, Schpenhauer ne s'embarrasse pas de la disctinction classique entre "désir" et "besoin" - le désir relèverait d'une quête en quelque sorte spirituelle, tandis que le besoin, coïncide avec la partie biologique ou physiologique du fonctionnement de notre corps. Le besoin est ce qui nous lie à la partie naturelle animale de nous-même : comme les animaux, nous avons besoin de manger, de boire, de nous protéger des dangers extérieurs, de posséder un habitat, pour survivre. Le besoin serait donc lié à la survie, tandis que le désir serait lié à la vie, au sens noble du terme : nous accédons à la vie authentique lorsque nous avons satisfait tous nos besoins.

Schopenhauer, pour définir le désir, livre à la fin de ce premier moment du texte une précision supplémentaire : le désir n'est pas seulement une souffrance, il est encore ce qui peut troubler "notre repos"; il peut être aussi "l'ennui, qui nous fait de l'existence un fardeau". Le désir revêt donc plusieurs facettes, toutes également négatives. Le désir est un tourment, il nous arrache à la sérénité à laquelle nous prétendons. Il est un trouble. Mais il est aussi, de manière presque opposée, ce qui nous plonge dans la torpeur. A l'opposé du trouble en effet, ou de l'agitation qui menace notre tranquillité, il y a l'ennui, qui nous installe dans un état léthargique. Agitation quasi névrotique d'un côté, pourrait-on dire, ou désoeuvrement pathologique et mortifère, qui ne ressemble en rien à l'"ataraxie" des Epicuriens : voilà quels sont les états dans lesquels nos désirs nous plongent.

Partie II

Mais ce n'est pas tout : la poursuite d'un bien est en elle-même épuisante. Nous travaillons vainement à acquérir des biens en eux-mêmes quasiment inaccessibles. Quand bien même nous finirions par les atteindre, ils sont de toute façon en eux-mêmes incapables de nous procurer la satisfaction que nous en attendions. C'est une grande et forte illusion que dénonce Schopenhauer à travers la critique du désir qu'il établit; l'argumentation qu'il développe vise à nous débarrasser de cette illusion. Les biens que nous recherchons ne sont pourtant jamais définis. En effet, de quoi s'agit-il ? Nous l'ignorons. S'agit-il de désirer la gloire, les honneurs, l'argent, la possession d'une femme, la santé, une maison luxueuse, des mets raffinés, des boissons exquises ? S'agit-il de désirs naturels et nécessaires (ceux qui correspondent à des "besoins", et qui doivent être satisfaits), de désirs naturels non nécessaires (boire du vin et non de l'eau, ou manger plus que notre corps n'en a besoin), ou de désirs non naturels et non nécessaires (la richesse et les honneurs) ? Epicure en effet, dans la "Lettre à Ménécée" hiérarchisait les désirs en en établissant trois sortes - afin de montrer, principalement, que tous les désirs n'avaient pas à être satisfaits - qu'il en existait de nobles et de moins nobles.

Pour Schopenhauer, tous les désirs sont négatifs, pour la simple raison que la réalisation d'un désir ne peut jamais correspondre à un avantage ou à un gain. Nous sommes toujours perdants. Nous revenons toujours à "l'état où l'on se trouvait avant l'apparition de ce désir".

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