Philo
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Le choc de deux perceptions Une autre logique
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Quand le langage s’emmêle ............................................................ 61 L’art de raconter
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Pourquoi le cartoon ?
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Envoi ........................................................................................................................... 101 Notes ........................................................................................................................... 105 Bibliographie ................................................................................................... 107
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Quand j’étais petit, je rêvais de devenir quelqu’un. Mais j’aurais dû être plus précis.
Il y a longtemps que je crois à l’utilité de l’humour pour faire passer des concepts difficiles. Et il y a longtemps que je m’interroge sur la nature de ces blagues et autres histoires drôles qui ont une telle force pédagogique. En 2007, j’avais rassemblé quelques réflexions sur ce thème que mon éditeur avait publiées dans un petit livre rouge particulièrement élégant. Les nombreuses réactions que j’ai reçues depuis ont confirmé mon intuition de départ. L’histoire drôle est vraiment un superbe produit de l’intelligence humaine. Elle aide à comprendre les mécanismes de pensée, elle dissipe quelques mystères de la perception, elle permet d’expliquer certains biais cognitifs et de mieux discerner les principes de la créativité.
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Cette deuxième édition contient certes une bonne douzaine d’histoires drôles supplémentaires (et merci à tous ceux qui me les ont fait parvenir !) dans le but d’enrichir et de préciser les concepts présentés. Mais j’ai aussi profité de l’occasion pour mieux cadrer le thème, en opposant par exemple l’ironie à l’humour, et pour poser de nouvelles questions, comme celle de la construction des blagues par les professionnels du rire. Par ailleurs, cette Petite Philosophie des histoires drôles fait partie maintenant d’une trilogie entièrement dédiée au plaisir des idées. Avec Anne Mikolajczak, nous avons écrit une Petite Philosophie de nos erreurs quotidiennes qui est sortie en mars 2009 et le troisième tome, la Petite Philosophie des grandes trouvailles, est prévu à l’automne 2010. Merci à tous.
Chiesa Monti, Toscane, août 2009
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HISTOIRE DE RIRE
« Analyser l’humour, c’est un peu comme disséquer une grenouille. Cela n’intéresse pas grand monde et la grenouille meurt. »
E.B. White
Ludwig Wittgenstein déclara un jour qu’on pourrait faire un travail philosophique sérieux en utilisant uniquement des plaisanteries, des histoires drôles.1 Cela peut surprendre de la part du génie autrichien dont la vie tiendrait plus de la tragédie que de la comédie. Cela étonne moins quand on sait à quel point l’analyse des mots et du langage constitue la clé de son œuvre. Wittgenstein était convaincu que des petites blagues bien choisies sous-tendaient autant de messages philosophiques puissants. Mais il en resta là,
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Histoire de rire
laissant le lecteur sur sa faim avec, pour appuyer sa thèse, quelques rares exemples comme celui-ci, qu’il aimait raconter quand il parlait de l’infini : Deux amis se rencontrent. « … 9, 5, 1, 4, 1, 3. Ouf ! dit le premier. — Tu as l’air épuisé. — Eh oui, je viens de réciter le nombre π à l’envers. » Dommage que Wittgenstein soit resté aussi avare. Tant d’œuvres philosophiques sont rébarbatives, tant de textes spéculatifs sont ennuyeux qu’un peu d’humour aurait été bienvenu. Et si Wittgenstein avait néanmoins raison ? Et si l’auteur du Tractatus avait voulu refaire le coup de Fermat, en lançant une thèse énigmatique que la communauté des savants mettrait quelques siècles à démontrer2 ? Pourquoi ne pas essayer d’en savoir un peu plus ? Ça pourrait être drôle, non ? Ce sera en tout cas l’objet des lignes qui suivent. Cela pourrait même s’avérer original. L’humour n’a été que peu traité par les grands philosophes et,
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Histoire de rire
mis à part les propos de Wittgenstein, il n’y a quasiment aucune allusion aux bienfaits éventuels des histoires drôles. Wittgenstein a aussi dit (septième énoncé fondamental de son Tractatus) : « Ce dont on ne peut parler, il faut le passer sous silence ». Mais je vous propose de ne pas retenir cette affirmation-là, sinon ce petit livre s’arrêterait ici ! « Ceux qui cherchent des causes métaphysiques au rire ne sont pas gais », disait Voltaire dans son Dictionnaire philosophique. La lecture des quelques rares textes consacrés à l’humour par les maîtres de la pensée semble lui donner raison. Platon, Aristote, Kant… tous y sont allés de leur petite réflexion. Schopenhauer a creusé un peu plus, Freud également. Nous les retrouverons au fil de ces pages. C’est bien sûr Bergson qui est devenu en 1900 le penseur emblématique du Rire grâce au livre qui porte ce titre. Mais son livre n’est pas très drôle… Et le simple fait que Le Rire soit encore en 1900 un titre disponible suffit à montrer combien le thème avait été jusque là peu exploré.
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Histoire de rire
Bref, si les philosophes se sont intéressés au rire, ce serait plutôt pour mettre en évidence nos faiblesses, nos manques, nos insuffisances. Certainement pas pour en faire l’apologie…3 Quelle audace donc, de la part de Wittgenstein pour qui les thèses, antithèses et autres synthèses de tous ses illustres prédécesseurs pourraient être enseignées en utilisant exclusivement des histoires drôles ! Les grands de la philosophie ont étudié le rire comme un objet volant non identifié : sans y croire vraiment, sans y attribuer trop d’importance. Ils ont approché l’humour sans l’utiliser, avec professionnalisme, comme ils approchaient par ailleurs la physique ou l’esthétique. Les grands penseurs de l’Histoire ont traité de l’humour comme des observateurs étrangers, des envoyés spéciaux, en utilisant leurs techniques habituelles : recherche de définitions solides, exigence de critères discriminants… Mais sans trop investir. Ils ont vu l’humour non tel qu’il est, mais tel qu’ils étaient eux-mêmes, débordants d’a priori à son encontre. Leur raisonnement fut le suivant : si on ne peut nier l’existence de l’humour, alors voyons-le comme quelque chose de secondaire, plus comme un signe de faiblesse que de force, et en tout cas dépourvu de toute vertu.
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Histoire de rire
Bref, si les philosophes ont consacré un peu de temps à l’humour, c’est principalement dans une perspective morale.4 De manière sommaire, les philosophes attribuent à l’humour trois caractéristiques : • sa spécificité humaine (« Le rire est le propre de l’homme », disait déjà Aristote) ; • un lien incontestable avec la joie et le plaisir ; • un côté mécanique, impulsif, incontrôlable. C’est essentiellement dans le Philèbe que Platon aborde pour la première fois la question. Le « rire platonique » est une notion liée au ridicule, à la moquerie, ou encore à l’envie qui est une douleur de l’âme. Si plaisir il y a, il est indissociable d’une forme de souffrance. Le rire est une des « grimaces de la laideur », légitime peut-être face à un ennemi, mais indigne dans la Cité. Dans La Poétique, Aristote situe également le comique et le risible au niveau des choses basses et méprisables. Bref, le propre de l’homme ne l’est pas tellement. Aristote est néanmoins en retrait par rapport à Platon et laisse au comique des circonstances atténuantes :
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« Le comique n’est qu’une partie du laid car c’est un défaut qui ne cause ni douleur, ni destruction. » Courage les humoristes, il y a donc de l’espoir ! Autre siècle, autre pays, autre civilisation. On trouve chez Cicéron – peut-être pour la première fois – une vertu attribuée à la plaisanterie. Il pourrait contribuer parfois à améliorer l’éloquence,
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