Session 1 Salvador Perignon
Mémoire : Session 1 Salvador Perignon. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresilégient le retour à la nature, en mettant en avant des plats à base de fleurs, d’herbes et de racines2, ou en privilégiant les produits artisanaux. Synonymes d’authenticité, ces produits deviennent le reflet d’un retour à de vraies valeurs, celles d’une recherche de la qualité et du goût incomparable de l’aliment. Le goût constitue en effet un critère majeur de qualité, que les individus évaluent grâce à leurs expériences passées si elles existent, ou en réalisant des inférences à partir des attributs extrinsèques du produit (Pinson 1986), comme la marque ou le packaging. Alors que le camembert est désormais « de campagne » et que les chips sont « à l’ancienne », nous nous sommes demandés jusqu’où ce discours teinté d’artisanal pouvait influencer le goût perçu du produit chez les individus, d’une part, et quelle était la part de l’influence du capital de marque dans ce goût perçu d’autre part. Nous présenterons donc le cadre théorique de cette recherche, puis décrirons l’ensemble de la validation empirique. Nous conclurons par les apports théoriques et managériaux ainsi que ses limites et des propositions de voies de recherche.
Cadre théorique
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François Ascher (2005)
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Nous pensons ici aux chefs M. Veyrat à Annecy, ou à J. Chauvel à Le Perreux sur Marne. Alors que dans le même temps, d’autres chefs pratiquent une cuisine moléculaire, comme F.Adria ou T.Marx
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Le goût à la frontière de différents champs disciplinaires Si le goût est d’abord le sens permettant de distinguer les quatre saveurs fondamentales que sont le sucré, le salé, l’acide et l’amer (approche physiologique), la perception sensorielle et la sensation gustative qui en découle, déclenchent des réactions cognitives (des informations) et affectives (du plaisir ou non). Cette approche psychologique tient également compte des apprentissages sociaux et culturels du goût : l’homme fait appel à sa mémoire, à ses expériences antérieures personnelles et à ses apprentissages pour reconnaître et classer les aliments. Dès lors, l’approche anthropologique du goût définit celui-ci comme une « élaboration sociocognitive qui procède d’une capacité de symbolisation innée du sujet et d’un savoir commun propre à une culture » (Merdji 1995). Cette dimension symbolique ayant une importance capitale dans le domaine alimentaire, la prise en compte des représentations apparaît dès lors judicieuse puisque les individus achètent des produits alimentaires pour se nourrir mais également pour ce qu’ils représentent (Gallen 2005). Les représentations sociales se situent à l’interface entre la dimension psychologique et la dimension sociale d’un phénomène (Jodelet 1999). Ces images aux significations multiples constituent pour les individus des systèmes de références pour faire face à toutes les situations d’incertitude, « une manière d’interpréter et de penser notre réalité quotidienne, une forme de connaissance sociale (…) élaborée et partagée » (Jodelet 1999). Elles sont une simplification de la réalité permettant à l’individu de catégoriser les choses, les faits, les idées afin de maîtriser son environnement. En ce sens, on peut considérer que les éléments les plus stables d’une représentation, qui constituent ainsi son noyau central (Abric 1994), sont des éléments stéréotypés. En sciences de gestion, Gallen (2005) les définit comme un ensemble de croyances permettant au sujet de comprendre son environnement. Des croyances qui peuvent être de nature informative lorsqu’elles concernent les attributs tangibles du produit alimentaire, ou encore de nature évaluative lorsqu’elles sont en rapport avec les bénéfices
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procurés par le produit comme le goût. Nous avons tenté de faire émerger un noyau commun en dégageant les éléments significatifs autour desquels se cristallisent les représentations du mode de fabrication du produit. Car selon Lambert (1996), le système de représentations qui domine encore aujourd’hui a intégré un univers du comestible qui s’est constitué avec des aliments provenant du secteur primaire agricole, par opposition aux autres produits provenant du secteur industriel qui formeraient l’univers du non comestible. La perception des produits alimentaires actuels continuerait à s’élaborer de manière fréquente dans ce double univers de représentations auxquelles sont associées des effets supposés positifs ou négatifs. Fischler et Masson (2008) soulignent cette forte présence dans les discours européens, de l’opposition radicale entre le frais-naturel et l’industriel-transformé, à la différence des Américains, et allant de pair avec le sentiment d’une perte de goût des aliments perçus comme « moins sains » qu’il y a quarante ou cinquante ans. En définitive, le système de production appliqué à un produit alimentaire apparaît étroitement lié à son goût, avec un schéma mental simplifié. Mais si la prise en compte du mode de production par les individus est évoquée, nous n’avons pas trouvé dans la littérature de précisions sur la distinction entre des modes de fabrication dont l’un serait industriel et l’autre artisanal. Dans l’étude réalisée par Aurier, Fort et Sirieix (2005), le terroir est opposé dans les discours à l’industriel mais sans plus de précisions sur ce terme employé. Néanmoins, il est raisonnable d’envisager que certaines dimensions du terroir3 puissent être évoquées pour définir un produit artisanal.
Stimuli épistémiques et goût Les stimuli épistémiques sont ceux issus de l’information sur le produit (prix, marque, label, allégations nutritionnelles, ingrédients) et ceux qui contribuent à façonner les croyances des individus à propos du produit, qui n’émanent pas directement de celui-ci mais davantage des
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Proximité perçue entre le producteur et le consommateur, avec la région, avec le producteur, importance du lieu d’achat, absence de packaging, de marque et de publicité, goût et typicité
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médias, des discours diététiques, ou des campagnes d’informations (Steenkamp 1989). Les individus soumis à un stimulus épistémique infèrent à partir de ce seul stimulus un ensemble d’autres attributs sur la qualité du produit, dont le goût (Zeithaml 1988). Les réponses aux stimuli de nature cognitive, formées au fur et à mesure des expériences gustatives, viennent affecter les réponses conatives. Les réponses affectives affecteraient la consommation du produit et donc les réponses conatives, puisqu’une absence de plaisir ou un dégoût n’incite pas au rachat (Lenglet 2006). Le goût étant considéré comme le déterminant majeur des préférences alimentaires, il semblait évident que les stimuli sensoriels de la dégustation l’emportent sur les effets des stimuli épistémiques dans l’évaluation de la qualité globale d’un produit. Or Lange (2000) et Siret et Issanchou (2000) suggèrent au contraire que l’information serait à même de primer sur le goût. Et les travaux de Lenglet (2006) ont montré que le goût d’une crème dessert avait été mieux évaluée en présence de la marque qu’en dégustation aveugle. Nous proposons de renforcer ces premiers résultats en étudiant l’impact de la marque au travers du capital de marque. En effet, le capital de marque, défini par Keller (1993) comme l’effet différentiel de la marque sur la réponse du consommateur au marketing de la marque, exprime l’influence directe d’une marque sur la formulation d’une préférence (Jourdan 2008). Dans la mesure où les industries du secteur agro-alimentaire ont pour impératif de communiquer sur leurs produits des valeurs autres que de simples valeurs fonctionnelles, elles doivent également montrer en quoi les avantages de leurs marques sont uniques. Korchia (2001) propose donc de tester les bénéfices qui seraient les plus associés à un haut niveau de capital marque puisque certains bénéfices pourraient avoir plus d’impact sur le capital marque que d’autres. Dans le cadre de cette recherche, nous avons donc testé la fabrication artisanale du produit comme bénéfice supposé.
Congruence et incongruence modérée, une variable explicative du goût perçu ?
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Le discours artisanal mis en avant par certaines marques agroalimentaires crée de fait des situations de congruence ou d’incongruence. Ce processus, activé par les individus, défini comme la concordance ou cohérence entre un produit et le schéma catégoriel auquel il est associé (Meyers-Levy et Tybout 1989), est un jugement immédiat (Lee 1995) et s’appuie sur les attributs caractéristiques du produit. Les études réalisées dans le domaine alimentaire ont montré que la congruence pouvait être source d’influence sur les réponses cognitives, affectives et conatives à l’égard d’un produit. L’effet positif de la congruence (Cohen et Basu 1987) s’explique du fait du mode de traitement activé par l’individu : puisqu’il perçoit une conformité par rapport à son schéma catégoriel de référence, il se contente de transférer son attitude pour la catégorie cognitive du produit vers le produit à évaluer, mode de traitement holiste plus économique en termes d’efforts à produire qu’un
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