TROP DE FONCTIONNAIRES ?
Thèse : TROP DE FONCTIONNAIRES ?. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar trsh もぽ • 22 Décembre 2018 • Thèse • 4 114 Mots (17 Pages) • 639 Vues
Au terme de notre voyage à travers cette reconstitution des présents successifs de la
question des effectifs de l’État, le temps est venu de poser à nouveaux frais la question
de l’approche rétrospective. Fondées le plus souvent sur des informations disparates, à
partir de définitions variables et selon des méthodes différentes, les statistiques
produites sur les fonctionnaires, par leur nature même, interdisent sans aucun doute la
construction d’une série longue visant à retracer l’évolution réelle des effectifs de l’État
au cours de la période qui vient d’être étudiée. On ne saurait pourtant en rester là. Au
travers des six chapitres précédents, les données présentées étaient celles dont les
contemporains disposaient pour évaluer le nombre des fonctionnaires. En dépit de leurs
imperfections, on a pu constater que moyennant certains redressements et remises en
perspectives, ces chiffres offrent de précieuses informations concernant la nature des
transformations structurelles de l’État au regard de ses effectifs. Ils permettent, au
moins, de dégager de grandes tendances.
D’un point de vue général, les statistiques élaborées au fil des décennies attestent un
mouvement global d’accroissement du nombre des fonctionnaires essentiellement dû à
la croissance des attributions de l’État. En effet, l’augmentation des effectifs de l’État ne
répondait pas à une logique de démultiplication des agents des services en place mais à
la création progressive de nouveaux services chargés de remplir de nouvelles missions.
Ainsi, les statistiques concernant le milieu du XIXe
siècle donnaient à voir une
structuration des effectifs qui correspondait, en grande partie, à une sorte d’idéaltype
d’État libéral : l’essentiel des agents civils relevaient de l’administration des Finances,
des Cultes et de la Guerre. L’avènement de l’État républicain, puis la construction
progressive d’une conception solidariste des services publics, en transforma
considérablement la physionomie. Dès 1896, l’Instruction publique ainsi que les Postes
et télégraphes, qui avaient observé les plus fortes croissances du demi-siècle écoulé,
apparaissaient comme les principaux employeurs d’agents civils de l’État. Les effectifs
de ces deux secteurs progressèrent de façon continue, à mesure que de nouveaux
besoins furent pris en charge par l’État (développement de l’enseignement secondaire
puis technique pour le premier, développement des infrastructures de
[Émilien Ruiz – Trop de fonctionnaires ? – thèse soutenue publiquement le 16 septembre 2013] 691
télécommunications pour le second). De fait, en dépit de l’augmentation importante des
effectifs et de progressions relatives parfois spectaculaires d’autres administrations,
Instruction publique (puis Éducation nationale), Postes et télégraphes (puis téléphones)
et Finances restèrent, tout au long de la période, les trois principaux employeurs et
bénéficiaires d’effectifs supplémentaires.
Confirmant un constat remontant aux analyses de Tocqueville, l’évolution des
effectifs témoigne du rôle fondamental des deux guerres mondiales dans le
développement de l’État. Si, à chaque fois qu’ils furent comptabilisés, les militaires
constituaient la plus forte proportion des effectifs de l’État, c’est surtout dans
l’évolution du nombre des agents civils que ce phénomène est perceptible. On a ainsi pu
constater que, tant au lendemain de la première qu’à celui de la seconde, les effectifs
civils de l’État avaient augmenté dans des proportions inédites. En dehors des
explications contingentes et conjoncturelles (tels que la création de services temporaires
pendant et immédiatement après la Grande Guerre ou le renforcement considérable de
l’appareil policier sous Vichy), les deux guerres mondiales constituèrent sans conteste
des périodes propices à l’aboutissement de velléités d’interventions plus anciennes. Le
secteur social2408, notamment, vit le nombre de ses agents s’accroître considérablement
pendant et au lendemain de chacune des deux guerres – tout en représentant une faible
proportion du total des effectifs. En ce qui concerne les interventions économiques, en
dépit de quelques initiatives pendant les années 1930, c’est sous Vichy, puis sous la IVe
République que l’appareil économique de l’État fut particulièrement développé,
occasionnant de fortes croissances d’effectifs (au sein du ministère de la Production
industrielle en particulier).
Les deux guerres mondiales du XXe
siècle eurent une autre conséquence très
importantes sur la question des effectifs. La première amorça une tendance que la
seconde poursuivit sans qu’entre-temps le mouvement ne soit totalement arrêté : celle
de l’accroissement de la proportion des effectifs non titulaires. Si les plus fortes
proportions furent observées au sein d’administrations qui avaient été pensées, dès leur
création, comme temporaires, le mouvement était général. Il s’agissait de la
conséquence de deux facteurs intrinsèquement liés. L’obsession permanente de la
maîtrise de la croissance des effectifs au cours des années 1900 à 1940 a sans conteste
favorisé le recrutement d’agents dont le statut facilitait les licenciements en cas de mise
en œuvre d’une politique de compression. Compte tenu de la faible rémunération des
auxiliaires, il s’agissait aussi d’augmenter les effectifs à moindre coût. Néanmoins, ce
faisant, les gouvernements successifs aggravèrent progressivement la tension,
permanente de la fin du XIXe
siècle jusqu’à la fin des années 1940, entre la question des
traitements et celle du volume de leurs bénéficiaires.
2408 Entendu comme le regroupement des administrations relevant du Travail, de la Santé et de la
Population ainsi que des Pensions puis Anciens combattants
692 [Émilien Ruiz – Trop de fonctionnaires ? – thèse soutenue publiquement le 16 septembre 2013]
L’antienne séculaire, remise au goût du jour au milieu des années 2000, de la
nécessité de réduire les effectifs pour mieux les payer constitua le leitmotiv de toute la
période étudiée. Surtout, si elle constitua un argument central pour les promoteurs
successifs de la réduction des effectifs, elle fut aussi la condition systématique d’un
soutien des syndicats de fonctionnaires et des partis politiques les moins défavorables
au développement de l’État. Le Cartel des Gauches, en partie élu sur la base d’une
défense des petits fonctionnaires face aux compressions des années précédentes, fit ainsi
de la réduction des effectifs la condition du relèvement des traitements. De même, si le
Front populaire fit une pause dans les tentatives de réduction des effectifs des années
1930, ce fut au prix d’un maintien du statu quo concernant les traitements dans un
contexte
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