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Cyrano

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ymnastique, ils ont pris l'habitude ! ROXANE Je vous parle en effet d'une vraie altitude ! CYRANO Certes, et vous me tueriez si de cette hauteur Vous me laissiez tomber un mot dur sur le coeur ! ROXANE, avec un mouvement Je descends ! CYRANO, vivement Non ! ROXANE, lui montrant le banc qui est sous le balcon Grimpez sur le banc, alors, vite ! CYRANO, reculant avec effroi dans la nuit Non ! ROXANE Comment... non ? CYRANO, que l'émotion gagne de plus en plus Laissez un peu que l'on profite... De cette occasion qui s'offre... de pouvoir Se parler doucement, sans se voir. ROXANE Sans se voir ? CYRANO Mais oui, c'est adorable. On se devine à peine. Vous voyez la noirceur d'un long manteau qui traîne, J'aperçois la blancheur d'une robe d'été Moi je ne suis qu'une ombre, et vous qu'une clarté ! Vous ignorez pour moi ce que sont ces minutes ! Si quelquefois je fus éloquent... ROXANE Vous le fûtes ! CYRANO Mon langage jamais jusqu'ici n'est sorti De mon vrai coeur... ROXANE Pourquoi ? CYRANO Parce que... jusqu'ici Je parlais à travers... ROXANE Quoi ? CYRANO ...le vertige où tremble Quiconque est sous vos yeux !... Mais ce soir, il me semble... Que je vais vous parler pour la première fois ! ROXANE C'est vrai que vous avez une toute autre voix. |

CYRANO, se rapprochant avec fièvre Oui, tout autre, car dans la nuit qui me protège J'ose être enfin moi-même, et j'ose... Il s'arrête et, avec égarement. Où en étais-je ? Je ne sais... tout ceci, -pardonnez mon émoi,- C'est si délicieux... c'est si nouveau pour moi ! ROXANE Si nouveau ? CYRANO, bouleversé, et essayant toujours de ratraper ses mots Si nouveau... mais oui... d'être sincère La peur d'être raillé, toujours au coeur me serre... ROXANE Raillé de quoi ? CYRANO Mais de... d'un élan !... Oui, mon coeur Toujours, de mon esprit s'habille, par pudeur Je pars pour décrocher l'étoile, et je m'arrête Par peur du ridicule, à cueillir la fleurette ! ROXANE La fleurette a du bon. CYRANO Ce soir, dédaignons-la ! ROXANE Vous ne m'aviez jamais parler comme cela ! CYRANO Ah ! si, loin des carquois, des torches et des flèches, On se sauvait un peu vers des choses... plus fraîches ! Au lieu de boire goutte à goutte, en un mignon Dé à coudre d'or fin, l'eau fade du Lignon, Si l'on tentait de voir comment l'âme s'abreuve En buvant largement à même le grand fleuve ! ROXANE Mais l'esprit ?... CYRANO J'en ai fait pour vous faire rester D'abord, mais maintenant ce serait insulter Cette nuit, ces parfums, cette heure, la Nature, Que de parler comme un billet doux de Voiture ! -Laissons, d'un seul regard de ses astres, le ciel Nous désarmer de tout notre artificiel Je crains tant que parmi notre alchimie exquise Le vrai du sentiment ne se volatilise, Que l'âme ne se vide à ces passe-temps vains, Et que le fin du fin ne soit la fin des fins ! ROXANE Mais l'esprit ?... CYRANO Je le hais, dans l'amour ! C'est un crime Lorsqu'on aime de trop prolonger cette escrime ! Le moment vient d'ailleurs inévitablement, -Et je plains ceux pour qui ne vient pas ce moment ! Où nous sentons qu'en nous une amour noble existe Que chaque joli mot que nous disons rend triste ! ROXANE Eh bien ! si ce moment est venu pour nous deux, Quels mots me direz-vous ? CYRANO Tous ceux, tous ceux, tous ceux Qui me viendront, je vais vous les jeter, en touffe, Sans les mettre en bouquets : je vous aime, j'étouffe, Je t'aime, je suis fou, je n'en peux plus, c'est trop ; Ton nom est dans mon coeur comme dans un grelot, Et comme tout le temps, Roxane, je frissonne, Tout le temps, le grelot s'agite, et le nom sonne ! De toi, je me souviens de tout, j'ai tout aimé Je sais que l'an dernier, un jour, le douze mai, Pour sortir le matin tu changeas de coiffure ! J'ai tellement pris pour clarté ta chevelure Que, comme lorsqu'on a trop fixé le soleil, On voit sur toute chose ensuite un rond vermeil, Sur tout, quand j'ai quitté les feux dont tu m'inondes, Mon regard ébloui pose des taches blondes ! ROXANE, d'une voix troublée Oui, c'est bien de l'amour... CYRANO Certes, ce sentiment Qui m'envahit, terrible et jaloux, c'est vraiment De l'amour, il en a toute la fureur triste ! De l'amour, -et pourtant il n'est pas égoïste ! Ah ! que pour ton bonheur je donnerais le mien, Quand même tu devrais n'en savoir jamais rien, S'il ne pouvait, parfois, que de loin, j'entendisse |

Rire un peu le bonheur né

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