Cyrano, Acte V, Scène 5
Note de Recherches : Cyrano, Acte V, Scène 5. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiresa « ne se fait pas ». Roxane s’en étonne (ce que l’on voit à travers la ponctuation interrogative « tout haut ? ») et retourne à son ouvrage. Cependant, elle n’y parvient, comme nous l’indique la didascalie «s’arrêtant, étonnée ». Elle est comme mise en demeure, contrainte, d’être attentive. Deuxième indice : la sensualité et sentimentalité de la voix. Roxane est d’abord émue avant de comprendre. C’est la vérité du cœur qui précède les déductions logiques.
- Cinq répliques de Roxane, de plus en plus brèves, coupent la lecture. La ponctuation est émotive. La vérité se fait jour progressivement dans son cœur. L’utilisation des déterminants est en ce sens révélateur : «Comme vous la lisez,/ SA lettre ! » « Comme vous la lisez, -CETTE lettre ! ». On peut noter le passage du possessif au démonstratif qui indique que Christian est peu à peu dépossédé de son statut d’auteur. C’est d’abord l’émotion qui réveille la mémoire de Roxane (Vous la lisez/ D’une voix…/D’une voix…/ Mais… que je n’entends pas pour la première fois !) Roxane reconnaît la voix qu’elle avait entendu sous son bacon. Une déduction logique lui permet de confirmer ce qu’elle avait pressenti : il fait nuit donc Cyrano ne peut plus lire, donc il est l’auteur de la lettre. Cyrano est pris en flagrant délit, Roxane ne peut plus se tromper. Il faut alors noter le passage du singulier au pluriel : Cyrano, auteur de LA lettre, est donc forcément celui de toutes les lettres qu’elle a reçues (« J’aperçois toute la généreuse imposture : / LES lettres, c’était vous… »).
Comment interpréter les dénégations de Cyrano ? Avait-il l’intention de tout révéler à Roxane ou désirait-il une dernière fois prêter sa voix à Christian ?
II) Une fonction pathétique
Les émotions sont portées à leur paroxysme (Cyrano, Roxane, le spectateur). L’émotion qui se dégage de la scène provient en grande partie des ambivalences de la lettre. Un seul destinataire (Roxane) mais qui va découvrir derrière le destinateur apparent (Christian), le destinateur réel (Cyrano). Et même pour Cyrano, la lettre est ambivalente car elle a un double sens (la mort risquée au siège d’Arras devient la mort réelle à Paris).
- L’émotion de Roxane : son trouble se traduit par le passage de répliques articulées (phrases verbales, déclaratives, vers complets) à des vers coupés (phrases nominales, modalité exclamative ou interrogative, versification bouleversée…). Emotion liée à la reconnaissance. « Et pendant quatorze ans, il a joué ce rôle/ D’être le vieil ami qui vient pour être drôle ! » Elle passe du ressenti à la déduction logique, qui s’exprime grâce à des rythmes binaires « les mots chers et fous/ c’était vous », la voix dans la nuit/ c’était vous » Cette révélation la bouleverse : quel sens donner désormais à sa vie ? « Ah ! que de choses qui sont mortes… qui sont nées ! ».
- L’émotion de Cyrano : il se déclare enfin. Son émotion amoureuse est amplifiée par l’imminence de la mort. La lettre, qui a été écrite à un moment où le personnage risquait de mourir au siège d’Arras, se trouve réactualisée dans ce passage où Cyrano est mourrant. Le thème amoureux se trouve entrelacé au thème de la mort : (champ lexical de la mort: « et je meurs », « adieu », « je vais mourir » mêlé au champ lexical de l’amour). Le fait que Cyrano tente de nier son amour renforce le pathétique de la scène (didascalie : « fait un geste d’effroi, baisse la tête » quand il est pris en flagrant délit). C’est sa dernière « généreuse imposture ». Il nie de plus en plus faiblement, vaincu par la puissance de son amour « Non, non, mon cher amour, je ne vous aimais pas ! ». Antithèse qui rend bien compte de la déchirure que ressent le personnage. Ses dénégations se retournent en aveu.
- L’émotion du spectateur : il en sait plus que Roxane. En effet, cette dernière vient d’apprendre l’amour que Cyrano a toujours eu pour elle mais ignore sa mort imminente. Elle n’a pas encore compris toute la gravité de la situation (cf sa dernière question « Alors pourquoi laisser ce sublime silence/ se briser aujourd’hui ? »), ce qui renforce encore la dimension pathétique de la scène.
- Habileté du dramaturge dans l’écriture, qui permet une recontextualisation de la lettre et par là même de redoubler les émotions ressenties déjà une fois par Cyrano à l’approche de la mort.
Conclusion : un sommet de pathétique. Mais on échappe
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