Dissertation Sur Frère Jean Des Entommeures (Gargantua)
Mémoire : Dissertation Sur Frère Jean Des Entommeures (Gargantua). Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoireselais fait de ce moine étonnant de progressisme un être à fière allure chargeant ainsi son portrait d'une satire de la pratique religieuse qui lui est contemporaine. Ce moine à part fait preuve d'un courage à toute épreuve.
II] Un moine courageux
a. un courage déployé
Frère Jean symbolise une vertu active. Ainsi défend-il légitimement l'abbaye. Ses actions débouchent le plus souvent sur une bonne action qui se veut utile pour tout un chacun. La première scène où le moine actif apparaît est particulièrement symbolique. A la passivité des moines débitant machinalement leurs prières s'oppose Frère Jean, le moine hardi et courageux. En effet, la communauté monastique préférait s'en remettre à Dieu. Leurs invocations sont répétitives comme veut le mettre en lumière Rabelais : « Ini-nim-pe-ne-ne-ne [...] » (p. 223). Ces louanges fantomatiques contrastent clairement avec le courage généreux de Frère Jean qui de son côté «écrabouillait » les cervelles, « brisait » les jambes, « démettait les vertèbres du cou », « disloquait les reins » (p. 227). Ces scènes cruelles, décrites avec indulgence, sont même saluées en conclusion : « tous ceux de l'armée qui étaient entrés dans le clos furent déconfits, et leur nombre se montait à treize mille six cent vingt-deux » (p. 231).
b. un courage salué
Avant la bataille décisive face à Picrochole, Frère Jean est l'objet d'un éloge de Grandgousier : « Il en arriva au moment de narrer comment Frère Jean des Entommeures avait triomphé lors de la défense du clos de l'abbaye. Il fit son éloge et plaça sa prouesse au-dessus de celles de Camille, Scipion, Pompée, César et Thémistocle » (p. 283). Comparé à des généraux de renom en raison de son courage, le moine se montre plein de sympathie et de dévouement ce qui lui vaut en retour la reconnaissance des autres protagonistes et notamment de Gargantua qui, à l'image de son père, en fait un éloge : « Mais maintenant, voici quel est notre bon Frère Jean ; voici pourquoi chacun recherche sa compagnie : il n'est point bigot ; ce n'est point une face de carême ; il est franc, joyeux, généreux, bon compagnon ; il travaille ; il peine à la tâche ; il défend les opprimés ; il console les affligés ; il recourt ceux qui souffrent ; il garde les clos de l'abbaye » (ch. XL ; p. 293). Cet éloge a une autre fonction que celle consistant à louer les qualités du moine. Il vise à pointer du doigt les autres moines qui, à l'inverse, sur les mêmes critères, ne paraissent pas aussi exemplaires aux yeux de Gargantua : « De même, un moine, j'entends un de ces moines oisifs, ne laboure pas comme le paysan, ne garde pas le pays comme l'homme de guerre, ne guérit pas les malades comme le médecin, ne prêche pas ni n'instruit les gens comme le bon docteur évangélique et le pédagogue, ne transporte pas comme le marchant les biens de consommation et les choses nécessaires à la société. C'est pourquoi ils sont hués et abhorrés par tout le monde » (p. 293). Cette description satirique fait écho à celle faite de Frère Jean.
III] Un moine imparfait
a. une impulsivité mal contenue
Bien sûr, les actions auxquelles participe Frère Jean sont souvent peintes par Rabelais avec le courage comme marque de fabrique, un courage dont il fait preuve ou bien qu'il transmet. Ainsi est-il dit de lui : « Et le moine leur donna courage » (p. 301) ou bien « avec son grand braquemart, il frappait sur ces fuyards à tour de bras, sans se ménager, sans épargner sa peine » (p. 315). Mais ce portrait n'est-il que louable et loué ? N'y a-t-il pas quelques zones d'ombres, quelques points négatifs à soulever ? A y regarder de plus près, on constate deux erreurs commises par le moine. D'abord, c'est lorsqu'il s'emporte – « disant ces mots avec colère » (p. 301) – qu'il se retrouve pendu à un arbre. Cet emportement témoigne de son manque de maîtrise et partant il a été puni. Ensuite, autre erreur, dans la bataille l'opposant aux armées de Picrochole, il cogna « tout ceux qu'il rencontrait, sans avoir pitié de qui que ce fût » (p. 309), et ce sans manifester une once de prudence. Gargantua, quant à lui, montre cette prudence en retenant à ses côtés ses hommes, en faisant bon usage de sa raison : « Attendons ici en silence, car je pense déjà connaître suffisamment la tactique de nos ennemis » s'exclame-t-il (p. 309).
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