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Est-Ce Dans Le Loisir Ou Dans Le Travail Que l'Homme Réalise Son Humanité ?

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vous ne réussissez pas à reprendre le point de vue d’Aristote –cf.partie I du cours bonheur et politique-, vous dites alors que nous ne nous sentons plus heureux à travers le loisir qu’à travers le travail : la question est celle, bien moderne, de l’épanouissement personnel ; ce n’est ni la question ou la thèse d’Aristote, ni celle du sujet. Ici, on s’interroge sur l’humanité, pas sur la personnalité ou l’individualité ; que vous souffriez au travail n’implique nullement que le travail ne soit pas ce qui réalise l’humanité !

2) Problématisation :

On demande quelle est, des deux activités centrales dans la vie de l’homme, le travail et le loisir, celle qui déshumaniserait l’homme, quelle est au contraire celle qui l’humanise. Ce qui est à interroger, c’est soit notre valorisation excessive du travail soit notre dévalorisation excessive au contraire. On doit donc principalement se demander si le travail a une valeur en soi, pas seulement sociale mais au sens où il serait ce qui nous rendrait plus humain ou humain tout court. Le travail est-il pour l’homme, non pas seulement un moyen en vue d’une fin extérieure (survivre, manger) mais aussi et surtout une fin en soi ? Fait-il partie des phénomènes culturels/ spirituels ?

NB : bien sûr, on devra peut-être aussi remettre en question l’opposition tranchée " travail contre loisir " ; mais à condition que cette remise en question soit réellement amenée par un problème rencontré au cours du développement.

I-Le travail ne serait-il pas activité humaine par excellence ?

A- un animal ne travaille pas et le travail va contre la nature, la nie : il est bien ce qui nous extrait du règne naturel, ce qui nous différencie de l’animal..

1) Le mythe de Prométhée (Platon, Protagoras, 320c-321c) : quelle est l’origine des techniques (et du travail lui-même) ?

"Il fut jadis un temps où les dieux existaient, mais non les espèces mortelles. Quand le temps que le destin avait assigné à leur création fut venu, les dieux les façonnèrent dans les entrailles de la terre d'un mélange de terre et de feu et des éléments qui s'allient au feu et à la terre. Quand le moment de les amener à la lumière approcha, ils chargèrent Prométhée et Epiméthée de les pourvoir et d'attribuer à chacun des qualités appropriées. Mais Epiméthée demanda à Prométhée de lui laisser faire seul le partage. "Quand je l'aurai fini, dit-il, tu viendras l'examiner". Sa demande accordée, il fit le partage, et, en le faisant, il attribua aux uns la force sans la vitesse, aux autres la vitesse sans la force; il donna des armes à ceux-ci, les refusa à ceux-là, mais il imagina pour eux d'autres moyens de conservation; car à ceux d'entre eux qu'ils logeaient dans un corps de petite taille, il donna des ailes pour fuir ou un refuge souterrain; pour ceux qui avaient l'avantage d'une grande taille, leur grandeur suffit à les conserver, et il appliqua ce procédé de compensation à tous les animaux. Ces mesures de précaution étaient destinées à prévenir la disparition des races. Mais quand il leur eut fourni les moyens d'échapper à une destruction mutuelle, il voulut les aider à supporter les saisons de Zeus; il imagina pour cela de les revêtir de poils épais et de peaux serrées, suffisantes pour les garantir du froid, capables aussi de les protéger contre la chaleur et destinées enfin à servir, pour le temps du sommeil, de couvertures naturelles, propres à chacun d'eux; il leur donna en outre comme chaussures, soit des sabots de corne, soit des peaux calleuses et dépourvues de sang,; ensuite il leur fournit des aliments variés suivant les espèces, et aux uns l'herbe du sol, aux autres les fruits des arbres, aux autres des racines; à quelques-uns mêmes, il donna d'autres animaux à manger; mais il limita leur fécondité et multiplia celle de leurs victimes, pour assurer le salut de la race.

Cependant Epiméthée, qui n'était pas très réfléchi, avait, sans y prendre garde, dépensé pour les animaux toutes les facultés dont il disposait et il lui restait la race humaine à pourvoir, et il ne savait que faire. Dans cet embarras, Prométhée vient pour examiner le partage; il voit les animaux bien pourvus, mais l'homme nu, sans chaussures, ni couvertures, ni armes, et le jour fixé approchait où il fallait l'amener du sein de la terre à la lumière. Alors Prométhée, ne sachant qu'imaginer pour donner à l'homme le moyen de se conserver, vole à Héphaistos et à Athéna la connaissance des arts avec le feu; car, sans le feu, la connaissance des arts et était impossible et inutile; et il en fait présent à l'homme. L'homme eut ainsi la science propre à conserver sa vie (…)".

Platon, Protagoras, 320c-321c, Folio 1967, Trad.E.Chambry, Le mythe de Prométhée, ou l'origine de la technique.

Le mythe raconte que deux dieux, nommés Epiméthée et Prométhée, avaient eu pour tâche de doter toutes les espèces d’attributs nécessaires à leur survie. Or, arrivé à la fin, il resta à Epiméthée, qui avait tout voulu faire seul, l’homme; or, il avait déjà donné tous les attributs dont il disposait. L’homme était donc initialement nu, sans armes, sans couvertures, alors que l’animal, lui, était doté naturellement de tout ce qu’il lui fallait pour satisfaire tous ses besoins (instinct, griffes, poils, etc.).

Pour que l’homme puisse survivre, Prométhée, le deuxième dieu, vola le feu aux dieux.

Par la suite, du feu naquirent les techniques , par lesquelles l’homme compensa son inadaptation au milieu. Ainsi, Prométhée, en offrant aux hommes le feu, et les techniques, leur offrit le travail, puisque les techniques ne valent que dans le cadre du travail. Si l’homme travaille, c’est parce que nous ne pouvons nous procurer ce dont nous avons besoin pour vivre qu’en le fabriquant. Par le travail, l’homme adapte la nature à ses besoins, la transforme, agit sur elle, etc.

NB : cela revient à voir le travail comme une punition (= c'est un châtiment de Zeus que Prométhée a trompé), mais en même temps, comme le propre de l’homme ; que nous, en tant qu’individus, vivions le travail de façon pénible, ne veut rien dire quand à la signification réelle du travail par rapport à l’humanité elle-même

2) Marx, Le capital, : le travail est l’essence de l’homme

Mais en quoi plus précisément le travail est-il spécifiquement humain ? Car si on se contente de dire que si l’homme est l’être qui travaille (" homo laborans "), c’est parce qu’il doit créer lui-même ses conditions d’existence,on n’a pas de caractère suffisant pour vraiment différencier par lui l’homme de l’animal. Voici ce que répond Marx à cette question :

"Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l'homme et la nature. L'homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d'une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s'assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie. En même temps qu'il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail où il n'a pas encore dépouillé son mode purement instinctif. Notre point de départ c'est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l'homme. Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l'abeille confond par la structure de ses cellules de cire l'habileté de plus d'un architecte. Mais ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche. Le résultat auquel le travail aboutit, préexiste idéalement dans l'imagination du travailleur. Ce n'est pas qu'il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d'action, et auquel il doit subordonner sa volonté."

Marx, Le Capital(1867), traduction de j. Roy, Éd. Sociales, 1950.

Explication rapide : Marx distingue le travail de la nature; puis de l'activité de l'animal. Ce qui fait que l'animal ne peut être dit "travailler", c'est qu'il ne réalise pas dans la matière une idée préconçue, le résultat () n'est pas le fruit d'une activité de pensée. Ce que l'araignée ou l'abeille font, et de manière plus parfaite que l'homme, relève de l'instinct, alors que ce que l'homme a fait relève de l'esprit. (L'animal n'est pas conscient de ce qu'il fait).

B- De plus, ne serait-ce pas l’activité par laquelle on est (devient) un homme ?

Non seulement le travail définit l’homme, ou lui est propre, mais encore,

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