La Cité Radieuse

Nature, d'espace et de Soleil, dans la définition qu'il en fait lui-même :

«Les œuvres sont rendues lisibles par des formes simples et dépouillées, organisées en constructions ordonnées, génératrices d'harmonie.» C'est un mouvement contemporain du cubisme, mais qui ne s'y mêlera pas. Dans la citation, l'”harmonie” dont il est question est l'harmonie avec la Nature, très importante pour l'architecte. Il déclare, en 1933, au Congrès international d'architecture moderne d'Athènes que : «Les matériaux de l'urbanisme sont le soleil, l'espace, les arbres, l'acier et le ciment armé, dans cet ordre et dans cette hiérarchie.» Cependant, il a tout de même décoré les façades, avec une alternances de couleurs vives : bleu, jaune, rouge; sur les fenêtres, tel un algorithme. Le bâtiment est orienté Nord-Sud, si bien que les appartements sont orientés Est-Ouest. Le bâtiment a l'air d'un énorme navire, impression renforcée par les aérations en toiture qui ressemblent à des cheminées de paquebot. Il était à l'origine conçu pour abriter un certain nombre de services de proximité, situés pour l'essentiel au troisième étage, le long d'une “rue commerçante” intérieure. C'est un peu la notion de “centre commercial” avant l'heure. Il y avait là tous les magasins, épicerie, boulangerie, coiffeur, etc... Aujourd'hui il ne reste qu'un boulanger, un hôtel-restaurant et des galeries d'art. Le but était de permettre de vivre en relative autonomie, comme une grande communauté, sans avoir besoin de se déplacer loin pour la vie de tous les jours. Il y avait une laverie commune au 4e étage, aujourd'hui abandonnée. Une école maternelle est située au dernier étage de l'immeuble. Sa cour de récréation n'est autre que la terrasse supérieure d'où l'on a une vue circulaire sur tout Marseille, et la mer, jusqu'aux îles proches.

II Il y a 9 étages (chacun en duplex, donc 18 etages si on veut), avec environ 44 appartements par étage. Ceux-ci sont organisés autour d'une “rue intérieure”. Il y a plusieurs types d'appartements : des 60 m2, des 98 m2 (avec deux chambres), des 140 m2 (avec quatre chambres) et 200 m2 (avec 6 chambres). A partir de 98m2, les appartements traversent le bâtiment : ils sont sur une double hauteur côté séjour, et, après un passage au-dessus (ou au-dessous) de la rue intérieure, sont de simple hauteur du côté chambre. La hauteur de base du module est plus petite que celle des appratements habituels, elle est de l'odre de 2,20m (un homme touche le plafond avec sa main) : Il faut savoir que la cité a été construite selon le concept de modulor, selon lequel l’unité de mesure est la hauteur moyenne d’un humain adulte. On peut trouver que le plafond bas (2,20m) crée une sentation d'étouffement, mais Le Corbusier a justifié ce choix en disant que son oeuvre était : “Faite pour des hommes, faite à l’échelle humaine, dans la robustesse des techniques modernes, manifestant la splendeur du béton brut, pour mettre les ressources sensationnelles de l’époque au service du foyer ". D'ailleurs, il l'appelait lui-même «L’unité d’habitation de grandeur conforme»

Les appartements sont très bien isolés, puisqu'ils ont chacun leur propre cloison, avec du vide entre elles. C'était un point très important pour l'architecte, qui prononce ces phrases, durant le discours inaugural de son bâtiment :"Dans ce village vertical de 2000 habitants, on ne voit pas son voisin, on n’entend pas son voisin, on est une famille placée «dans les conditions de nature»-soleil, espace, verdure. C’est la liberté acquise sur le plan de la cellule, l’individu, le groupe familial, le foyer. Au plan du groupe social, c’est un bénéfice des service communs confirmant la liberté individuelle ".

Son premier but, en proposant cet habitat aux marseillais, était de “fournir dans le silence, la solitude et face au soleil, à l’espace, à la verdure, un logis qui soit le réceptacle parfait (cf: utopie Thomas Moore) d’une famille”.

La notion de “rue intérieure” était marquée par le fait que chaque appartement avait sa propre boîte aux lettre, et une “boîte à commissions” dans laquelle le livreur pouvait mettre les denrées, qui pouvaient être commandées à l'aide d'un téléphone intérieur gratuit. De même, on pouvait téléphoner gratuitement d'un appartement à l'autre. Le Corbusier n'avait pas anticipé le développement des réfrigérateurs, il avait donc prévu également un casier à glace accessible de l'extérieur, dans lequel les livreurs pouvaient déposer les pains de glace, et qui communiquaient directement avec la glacière située dans la cuisine !

Il y avait d'autres grands points innovants dans le bâtiment, comme un chauffage à air pulsé collectif, des doubles vitrages et des aménagements internes très fonctionnels, dessinés par l'architecte d'intérieur Charlotte Perrian : des placards comme dans un bateau, un évier aluminium sans joints, un “vide-ordure organique” (situé en dessous de l'évier, il récupère les épluchures et autres débris organiques, et se vide directement au moyen d'un genre de chasse d'eau jusque dans un réceptacle situé au rez-de-chaussée, où l'on fait du compost).

Les appartements ont des proportions inhabituelles : ainsi un appartement de 98 m2 dit “traversant montant” a une longueur de 24 m (d'un côté à l'autre du bâtiment). Sa largeur est de 3,70m. Il possède une mezzanine. Depuis la “rue”, on entre par un genre de cagibi, sombre, qui donne à droite sur la cuisine (mais la cuisine est masquée lorsqu'on ouvre la porte). On a alors la vue sur le salon, avec le double niveau, ce qui donne une impression de grande luminosité. Lorsqu'on a avancé dans le salon, on voit derrière soi l'escalier qui monte à la mezzanine. Cet escalier a été dessiné par Jean Prouvé, le technicien de la tôle pliée. Il est plus large en bas qu'en haut, ce qui accentue la perspective, et il possède deux rampes de hauteurs inégales, une pour les adultes à droite, l'autre pour les enfants à gauche. Lorsqu'on est en haut de l'escalier, on peut revenir sur ses pas vers la suite parentale avec une salle de bain, ou bien continuer, et passer au-dessus de la “rue” : on se trouve alors dans un espace sombre dans lequel se trouvent des rangements, un cumulus indépendant et une petite douche pour les enfants. Les deux chambres d'enfant sont l'une à côté de l'autre, leurs dimensions sont donc de 1,80m par 7m. Elles sont séparées par une cloison amovible qui n'est autre qu'un tableau noir sur lequel on peut écrire. Le balcon des chambres d'enfant possède une grille sur toute la hauteur de l'étage, si bien que les enfants même petits ne courent aucun danger.

Aujourd'hui, elle est toujours habitée. L'édifice a été inscrit le 26 octobre 1964, du vivant