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La lettre de change et la mauvaise foi

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e la fréquente mise en circulation, par elle, d'effets dépourvus de provision certaine (...).

Les juges du fond ont donc admis la connaissance constitutive de la cavalerie, élément de preuve de la mauvaise foi du porteur (I). Le porteur « fautif » ne pourra donc pas se prévaloir du principe d'inopposabilité des exceptions en matière cambiaire (II).

I)La connaissance constitutive de la cavalerie:

L'arrêt commenté s'appuie sur la notion de cavalerie (A) comme élément de preuve de la mauvaise foi du porteur (B).

A) La notion de cavalerie:

La Cour de cassation a écarté le moyen du pourvoi qui relevait que la Cour d'appel n'avait pas constaté que la banque « ait su, à la date de l'escompte, que l'effet serait dépourvu de provision » en retenant « qu'antérieurement à l'escompte litigieux, la banque était informée du recours usuel par la société Gobenceaux à des pratiques constitutives de cavalerie (...) ».

Elle a donc considéré que l'état des connaissances de la banque, antérieures à l'escompte, dispensait de prouver que ladite banque savait au moment de l'escompte que la provision n'existerait pas. On présume donc ici l'existence de cette connaissance.

Afin d'établir cette présomption, les juges ont recouru au faisceau d'indices: le caractère semblable de l'effet litigieux à ses prédécesseurs émis à tort ainsi que la connaissance de la banque des pratiques frauduleuses. Cependant, cette solution est en contradiction avec l'article L.511-12 du Code de commerce qui prévoit que la mauvaise foi du porteur doit être appréciée au moment où il acquiert la lettre de change.

Il est important de rappeler ce qu'il faut entendre par mauvaise foi?

La question est l'objet d'un débat qui divise la Doctrine en deux positions extrêmes. En effet, pour les uns, la mauvaise foi s'identifie à la connaissance de l'exception. Cette conception est celle qui fragilise le plus, le dicit du porteur puisqu'elle permet assez facilement au débiteur cambiaire de faire valoir une exception. Selon la position opposée, la mauvaise foi s'analyse comme l'intention frauduleuse du porteur. Cette conception est plus favorable au porteur, l'intention frauduleuse devant être prouvée directement alors que la simple connaissance peut résulter d'indices, ce qui est le cas dans notre arrêt.

Avant l'entrée en vigueur de la loi introduite par la Convention de Genève du 7 juin 1930, la jurisprudence française considérait qu'est de mauvaise foi le porteur connaissant l'exception. La Convention de Genève a introduit dans la loi, une formule dans laquelle ne figure pas la mauvaise foi. La formule de l'article L.511-12 du code de commerce caractérise dans les termes suivants le comportement privant le porteur du bénéfice de l'inopposabilité des exceptions: « ... à moins que le porteur, en acquérant la lettre de change, n'ait agit sciemment au détriment du débiteur ».

Agir sciemment au détriment du débiteur est l'attitude qui suppose non seulement la connaissance de l'exception, mais encore la conscience du dommage, autrement dit la conscience du préjudice causé.

C'est ce que la Cour de cassation souligne dans l'arrêt en démontrant que la connaissance de la cavalerie du tireur par la banque entraîne la preuve d'avoir agit sciemment au détriment du débiteur, ce qui fait de cette dernière un porteur fautif.

B) La preuve de la connaissance de la cavalerie:

En admettant une telle présomption, les juges allègent la charge de la preuve pesant sur le tiré.

En effet, d'ordinaire ce dernier doit établir la preuve de la mauvaise foi du porteur, et il peut le faire par tous moyens. En l'espèce, il n'a eu qu'à établir des circonstances laissant penser que cette mauvaise foi existait à l'endossement.

La Cour de cassation a considéré que l'effet litigieux était semblable à ceux, émis à tort en ce qu'ils étaient dépourvus de provision certaine. Elle rappelle donc que la provision est une condition de validité de la lettre de change, devant exister au jour de l'échéance. Elle précise qu'il doit s'agir d'une provision certaine.

Selon une conception récente de la Doctrine, il conviendrait de se livrer à une recherche objective de la conduite du porteur en comparant celle-ci à un porteur normal. Ce concept de porteur normal serait d'ailleurs à diversifier, l'appréciation de la conduite d'un banquier appellerait à plus de sévèrité puisqu'il dispose de moyens d'appréciation dont sont généralement dépourvus les autres porteurs. Cette dernière analyse est de nature à inciter les banques à être vigilantes dans la pratique de l'escompte. C'est d'ailleurs ce que les juges ont considéré, relevant le caractère fautif du porteur, à savoir la banque.

II)Les effets de la connaissance de pratiques constitutives de cavalerie:

L'analogie avec la conscience du préjudice (A) fait du porteur un fautif de mauvaise foi qui sera sanctionné par la perte du bénéfice de l'inopposabilité des exceptions en matière cambiaire (B).

A) L'analogie avec la conscience du préjudice:

La Cour de cassation veille traditionnellement à ce que les juges du fond relèvent cette conscience de préjudice causé au tiré, qu'ils apprécient souverainement depuis la célèbre affaire Salmson (Com. 26 juin 1956, cinq arrêts).

En l'espèce, la Cour de cassation traite avec plus de sévérité le banquier escompteur qui entretient des relations privilégiées avec un client dont il est souvent le premier à connaître la naissance, puis la gravité, des difficultés financières pesant sur l'exécution de ses engagements.

En effet, alors que la seule connaissance de la situation désespérée du client était traditionnellement jugée insuffisante pour constituer la mauvaise foi au sens de l'article 121 de l'ancien Code de commerce (L.511-12) en l'absence d'une connaissance précise de l'exception lors de l'escompte, elle devient aujourd'hui le révélateur, à elle seule, de la conscience que peut (ou devrait) avoir le banquier escompteur que la provision ne sera pas fournie à l'échéance.

Ainsi, la mauvaise foi du banquier a-t'-elle été déduite de sa déclaration, à la procédure collective du débiteur, d'une créance « dont l'importance était révélatrice d'une situation très obérée », sachant que son « accès à des informations privilégiées » le rendait en mesure, lors de l'escompte, d'apprécier la situation irrémédiablement compromise du remmettant (Com. 21 mai 1996).

En l'espèce, l'arrêt relève qu'antérieurement à l'effet litigieux, la banque était informée du recours usuel par la société Gobenceaux à des pratiques de cavalerie et de la fréquente mise en circulation, par elle, d'effets dépourvus de provision certaine, afin de masquer ses déficits croissants.

L'arrêt retient que la banque avait agit sciemment au détriment du tireur pour rejeter sa demande en paiement. « Sciemment » signifie qu'elle a eu connaissance de causer un préjudice au tireur.

On peut donc dire par une interprétation à contrario, que si cette conscience n'avait pas existé, la banque aurait eu gain de cause.

La Cour de cassation nous dit que la banque a « agit sciemment au détriment du débiteur ». Il y a donc un élément psychologique, la conscience et la volonté d'agir au détriment du tireur, ainsi qu'un élément matériel : l'action en elle-même. Ces deux éléments sont bien entendus cumulatifs. Derrière cette formulation apparaît donc la notion de faute. Cela implique que la responsabilité personnelle de la banque pourraît être recherchée.

Il faut également noter que les juges ne distinguent pas entre l'existence d'un préjudice au moment de l'endossement et sa survenance. Or, les deux peuvent être différés. La réalisation du préjudice n'interviendra qu'à

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