Les Philosophes Des Lumières
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En premier lieu, les données biographiques : Rousseau, élevé à Genève dans la foi protestante (dans le calvinisme genevois), se laisse convertir au catholicisme romain lors de son passage à Turin à l'âge de 17 ans, puis abjure le catholicisme à l'âge de 42 ans, pour renouer avec les autorités genevoises. Au final, en 1768, il épouse civilement Thérèse Levasseur à Bourgoin en France, sans pour autant consacrer religieusement cette union (ce qui, à l'époque, rend le mariage invalide).
Ensuite, il faut tenir compte des différents écrits publiés de son vivant, qui tous occupent une fonction stratégique et sont proposés sous une forme rhétorique différente. 3 groupes de textes sont ainsi à prendre en compte :
a) les écrits "théoriques", ou "dogmatiques", comme par exemple la Lettre à Voltaire sur la Providence; le livre IV de l'Émile (Profession de foi du vicaire savoyard, livre ajouté in extremis à l'ouvrage, peu avant l'impression); le chapitre 8 (et dernier) du Contrat social (lui aussi ajouté au dernier moment à la fin du livre; ce chapitre 8 est le plus long de l'ensemble de l'ouvrage); enfin, la Nouvelle Héloïse. On remarquera que ces 3 derniers ouvrages ont été publiés sur la même période (1762-1763).
b) Les écrits de justification ou de polémique : la Lettre à Christophe de Beaumont, les Lettres écrites de la montagne et les Dialogues (Rousseau juge de Jean-Jacques).
c) La correspondance privée (notamment les lettres à Paul Moultou et la lettre à Franquières de 1769[81].
Si on s'attache à une brève synthèse (inévitable ici), ce qui ressort de manière frappante dans l'ensemble des textes (publics et privés) peut-être résumé dans la formule que Rousseau adresse à C. de Beaumont : « Monseigneur, je suis chrétien, et sincèrement chrétien, selon la doctrine de l'Évangile. Je suis chrétien, non comme un disciple des prêtres, mais comme un disciple de Jésus-Christ ...». Cette formule, si on l'étudie de près avec les textes sous les yeux, fait signe vers un christianisme singulier, débarrassé de toute théologie : Jean-Jacques Rousseau nie la nécessité des médiations (ni prêtres, ni pasteurs, ni théologiens), ne croit pas la foi nécessaire et ne croit pas aux miracles, ni à la doctrine du péché originel. Sa foi chrétienne est une sorte de déisme rationaliste, héritée de Bernard Lamy et de Nicolas Malebranche[82] : il y a un dieu parce que la nature et l'univers sont ordonnés. Rousseau n'est pas matérialiste (voir la Lettre à Franquières), mais il n'est ni un protestant orthodoxe, ni catholique romain. Pourtant, il se dit croyant, y compris dans sa lettre du 14 février 1769 à Paul Moultou (qui semble désireux de renoncer à sa foi), qu'il exhorte à ne pas « suivre la mode »[83]
Les critiques de la religion par Rousseau.Dénonciation des prêtres.Les premiers livres des Confessions montrent des prêtres odieux ou ridicules, qui font songer aux personnages de Rabelais ou de Molière. Les prêtres de Turin sont ignorants. Il ridiculise son premier instructeur : « Mon vieux prêtre parlait beaucoup, s'échauffait, battait la campagne, et se tirait d'affaire en disant qu'il n'entendait pas bien le français. » Ces hommes d'Église sont pour les moins caricaturaux. Leur ignorance est toutefois moins importante que leur hypocrisie en matière de mœurs ! Un « saint missionnaire » de l'hospice, qui recherche les faveurs d'une jolie femme prétend qu'elle n'est pas prête pour le baptême, il prolonge ainsi indéfiniment le séjour de celle-ci auprès de lui. Un des pères de l'institution n'est pas contre l'homosexualité. Le narrateur ne se contente pas de faire une caricature ironique de ces prêtres. Il les condamne en des termes assez rudes : « imprudence », « infâme », « dégoût ». Le vocabulaire porte la marque de son dégoût.
Une religion des apparencesRousseau reproche à la religion (et surtout à la religion catholique) d'être très superflue. Il critique avec violence les conversions, qui semblent ne pas avoir de sens, nul ne s'inquiète jamais des sentiments profonds des nouveaux adeptes. A Turin, ceux qui adoptent la religion catholique sont des aventuriers qui font commerce de leur âme. Si le clergé ferme hypocritement les yeux sur ces abus, c'est qu'il n'a pas, en la matière des intentions très pures. Il cherche avant tout à développer et étendre son pouvoir. Le jour de la conversion, il réserve aux protestants un traitement qui « sert à persuader au peuple que les protestants ne sont pas chrétiens ». La cérémonie est donc fondée sur un mensonge. Sans doute tous les prêtres ne sont-ils pas aussi calculateurs que ceux de Turin, mais l'aveuglement du curé de Confignon n'est pas plus sympathique. M de Pontverre se soucie peu de ce que deviendra Jean Jacques quand il l'aura rallié le catholicisme. Rejeté à la rue le jour de sa conversion, le héros erre dans les rues de Turin. Ce sont paradoxalement les prêtres qui l'ont condamné à « périr de misère ou à devenir vaurien ».
--La religion a toujours occupé une place importante dans la vie de Rousseau. A titre personnel d’abord : il déclare à la fin de son existence qu’il a toujours cru, et il s’estime lui-même, face aux détracteurs de tous bords, « vrai chrétien ». Mais le plan politique compte aussi. A la fin du Contrat Social, Rousseau affirme en effet la présence indispensable de la religion dans l’État sous les espèces d’une religion civile. Une telle affirmation a suscité la haine des autorités de son temps et l’incompréhension de la postérité. Pourtant cette religion ne constitue ni la prémisse du totalitarisme, ni la manifestation de l’incohérence du système de Rousseau. La religion civile proposée n’est ni un simple compromis, ni un concept contradictoire. Cette religion politique est cohérente, malgré les apparences. Elle a un sens précis qui s’accorde avec les principes de Rousseau, et l’on peut même penser qu’elle constitue un concept pertinent pour y voir plus clair dans certaines questions politiques contemporaines.
Voltaire et la religionVoltaire était un grand critique de l’Église catholique. Il ironisait par exemple le fait que les conciles ecclésiastiques ont condamné la notion des antipodes comme hérétique et pourtant les antipodes ont été découverts par ceux qui respectent le pape et les conciles et on y exporte activement la même foi qu’on croyait la destruction sure, au cas où on pourrait trouver un homme qui eût la tête en bas et les pieds en haut par rapport à nous.[1]
Mais quand on lit Voltaire, on voit qu’il critique non seulement l’Église catholique mais aussi le protestantisme anglais, le presbytérianisme, les Quakers... Comment faut-il comprendre cela ? Affirmer que Voltaire était un critique de la religion en tant que telle et former une image de Voltaire athée serait une mauvaise interprétation. En réalité c’était un homme profondément croyant. Mais il refusait deux aspects de la religion : 1.) le confessionnalisme (c’est à dire l’appartenance à une dénomination religieuse spécifique querellant toujours avec les autres) et 2.) ce qu’il considérait comme superstitieux.
À l’exemple des hérétiques médiévaux et des réformateurs, Voltaire confrontait l’état de l’Église de son époque avec l’Évangile. Ce qu’il concevait comme le véritable christianisme était une religion simple, rationnelle, humaniste, non confessionnaliste. D’après lui le judaïsme et le christianisme n’ont pas une valeur plus grande que les autres religions du monde. Dans sa conception, Europe cesse d’être le monde ; elle n’est plus qu’un monde. Ainsi Voltaire reprenait la tradition humaniste qui mettait en cause les fondements idéologiques du colonialisme et l’idée de conversion universelle des aborigènes au christianisme.
Quelle était la religion de Voltaire ? Aujourd’hui on utilise le terme déisme pour la désigner. C’est une religion non dogmatique, non métaphysique, fondée sur les valeurs morales et quelques conceptions considérées comme généralement acceptables pour chacun de la planète. Dans ce système Dieu est plutôt un horloger, créateur de l’Univers qui intervient peu dans les affaires du monde. Dieu est avant tout le garant des valeurs éthiques. Voltaire par exemple méprisait les efforts de prouver l’existence de Dieu. Il était convaincu que toute la nature nous montre qu’il y a un Dieu[2] ; je crois que l’article indéfini qu’il utilise dans ce contexte est très symptomatique.
Dieu
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