Les déterminants du choix entre un conseil d'administration et un conseil de surveillance
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Finance Contrôle Stratégie – Volume 1, N° 4, décembre 1998, p. 39 – 61.
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Beaucoup de travaux ont traité du comportement des dirigeants et des facteurs qui l’influencent. Parmi ces facteurs, il en est un, le choix du type de conseil, qui a reçu peu d’attention. Or, les sociétés anonymes peuvent être administrées et gérées : – soit par un conseil d'administration traditionnel (structure duale), le dirigeant étant président du conseil (conseil d'administration avec PDG) ; – soit par un directoire et un conseil de surveillance1 (structure indépendante), auquel cas il y a séparation de la fonction de direction et de la fonction de contrôle. Il s’avère que très peu d'entreprises françaises ont adopté la forme « conseil de surveillance et directoire ». Cette forme juridique semble contraire à la tradition française, qui veut que le pouvoir ne se partage pas. Selon l'enquête réalisée par le cabinet Vuchot Ward Howell auprès de 2 500 dirigeants français (1995), plus d'un tiers des dirigeants n'a pas d'explication à fournir quant à ce manque de succès. Les raisons, le plus souvent mentionnées, sont la lourdeur du reporting, le manque de prestige du titre de Président du directoire, la tradition et la méconnaissance du mécanisme. Il convient cependant de souligner que le cas de la France n’est pas atypique. Si l’on compare les données françaises aux données américaines, on s’aperçoit qu’elles sont, en valeur relative, assez proches. Dans l’étude Peat-Marwick réalisée par G. Charreaux et J.P. Pitol-Belin en 1987, sur un échantillon de 120 entreprises françaises, 13 seulement, soit 11 %, avaient un directoire et un conseil de surveillance. Selon l'étude de Korn/Ferry International, dans 80 % des sociétés américaines interrogées (en 1989 et 1993) il n’y a pas séparation des fonctions de Président du conseil d'administration et de Directeur général. Néanmoins, la forme conseil de surveillance et directoire semble à l'heure actuelle avoir la faveur de certaines entreprises. De grands groupes ont abandonné la formule du conseil d'administration traditionnel au profit de la structure conseil de surveillance (Club Méditerranée, Accor, DMC). Sur la p é1 Loi du 12 juillet 1967 (articles 119, 120 et 128). Dans cette seconde formule,
empruntée au droit allemand, le directoire est chargé de la direction de la firme alors que le conseil de surveillance prend en charge la fonction de contrôle.
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riode 1988-1993, nous avons recensé vingt entreprises qui sont passées de la forme conseil d'administration à la forme conseil de surveillance, alors que, dans le même temps, huit entreprises passaient de la forme conseil de surveillance à la forme conseil d'administration. L’objet de cet article est de mettre en évidence les facteurs qui expliquent le choix de la structure du conseil et de déterminer si ces facteurs sont liés au contrôle des dirigeants ou à d’autres éléments. En particulier, le choix du type de conseil dépend-il de la performance de l’entreprise et du pouvoir des actionnaires ? D’autres facteurs non liés au gouvernement d’entreprise peuvent également intervenir. La date de création de l’entreprise est un élément à prendre en considération afin de tenir compte de l’introduction relativement récente du conseil de surveillance en France. De même, des caractéristiques relatives au secteur d’appartenance des entreprises sont susceptibles de déterminer le choix de la structure du conseil. L'article comprend trois section. Après avoir apprécié l’efficacité des deux organes de contrôle dans la première section, un modèle d’explication du choix de la structure du conseil est proposé dans la deuxième section. Ce modèle fait l’objet d’une validation empirique présentée dans la troisième section.
1.
L’efficacité du conseil d’administration et du conseil de surveillance Le point de vue théorique
1.1.
Un grand nombre d’auteurs, représentant principalement la théorie de l'agence, ont affirmé que l’incapacité des conseils d'administration à exercer leur rôle de contrôle provient de leur domination par les dirigeants. Dans ce courant théorique, la « dualité » correspond à l’absence de séparation décision/contrôle [E.F. Fama, M.C. Jensen 1983, p. 314]. Elle accorde un rôle influent au dirigeant au sein du conseil d'administration et remet donc en cause l’indépendance de ce dernier [M.S. Mizruchi 1983 ; S.C. Vance 1983]. Selon J.W. Lorsch [1989 p. 185], « l’existence d’un leader au sein du conseil différent du di-
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rigeant pourrait significativement aider les administrateurs à prévenir les difficultés ainsi qu’à agir en cas de crise ». J.R. Franks, C. Mayer [1992] adoptent cependant un point de vue différent. Selon leur analyse du cas de l’Allemagne, le conseil de surveillance laisserait aux dirigeants une marge de manoeuvre importante. Les défenseurs de la dualité, qui se rattachent principalement à la théorie de la « convergence » 2 , avancent qu’elle devrait conduire à une performance supérieure car elle permet d’avoir un leadership clair dans une perspective de formulation et de mise en oeuvre de la stratégie 3 . La séparation des fonctions dilue le pouvoir du dirigeant et augmente la probabilité que les actions et les attentes du dirigeant et du conseil soient en contradiction. En outre, selon J.A. Brickley et al. [1997], la forme conseil de surveillance est à l’origine de deux types de coûts d’agence : des coûts de contrôle du comportement du président et des coûts d’information (transfert coûteux et incomplet de l’information spécifique entre le dirigeant et le président du conseil). Enfin, un inconvénient du système du conseil de surveillance pourrait provenir de la suppression de la surveillance mutuelle entre dirigeants au sein du conseil. Selon E.F. Fama, M.C. Jensen [1983], le conseil doit utiliser l'information provenant du système de contrôle mutuel. Dans ce but, il devrait inclure plusieurs administrateurs-dirigeants (administrateurs internes). Le conseil d'administration permet l’exercice de la surveillance mutuelle puisqu’il autorise la présence de plusieurs membres de l'équipe dirigeante en son sein. En revanche, la surveillance mutuelle à l'intérieur du conseil est rendue impossible dans un conseil de surveillance puisqu'il exclut par définition les membres de l'équipe dirigeante.
2 Ou théorie du stewardship : théorie selon laquelle le dirigeant n'est pas oppor-
tuniste et agit dans l'intérêt de l'entreprise. 3 P.A. Stoeberl, B.C. Sherony [1985] ; C.A. Anderson, R.N. Anthony [1986].
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1.2.
Les résultats empiriques
Pour étudier l’efficacité des deux structures de conseil, un certain nombre de modèles analysent les décisions prises par le conseil. Trois principales décisions sont mises en relation avec la structure du conseil : les changements de dirigeant, le choix des administrateurs, l'adoption de « pilules empoisonnées ». J.R. Harrison et al. [1988] relient la structure du conseil aux changements de dirigeant. Le taux de rotation des dirigeants est trois fois plus élevé lorsque ces derniers ne sont pas en même temps Présidents du conseil d'administration que lorsqu’ils occupent les deux fonctions. J.L. Fizel et al. [1990] aboutissent au même résultat. La capacité du conseil de surveillance à remplir sa fonction de contrôle est renforcée par la séparation des fonctions de direction et de contrôle. Pour les décisions qui portent sur le choix de nouveaux administrateurs, J.D. Westphal, E.J. Zajac [1995] partent de l'hypothèse selon laquelle le dirigeant d'une entreprise avec un conseil d'administration traditionnel disposerait d'un pouvoir formel et informel supérieur à celui des administrateurs externes. En particulier, ils supposent que la structure duale est positivement associée au choix d'administrateurs ayant des caractéristiques démographiques4 similaires à celles du dirigeant et qu’il en va de même pour la structure indépendante relativement aux administrateurs en place. La domination du dirigeant lui permettrait donc de nommer des administrateurs susceptibles d'adopter un comportement en sa faveur, étant donné les similitudes qui les rapprochent5 . Les résultats montrent que la dualité est significativement et positivement reliée à la similitude entre le dirigeant et le nouvel administrateur pour toutes les dimensions démographiques, à l'exception du niveau d'études. En revanche, dans un conseil de surveillance, les administrateurs sont en position
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