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Déclaration constitutive du conseil national pour les libertés en Tunisie

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éduite au silence, creusant de jour en jour l'écart entre le discours et la pratique.

Ce divorce entre la société et l'Etat a été à l'origine d'un conflit qui a pris plusieurs formes et auquel la citoyenneté a payé un lourd tribut fait de graves violations qui se sont amplifiées ces dernières années, touchant tous les domaines de la vie publique et privée.

C'est ainsi que le pays connût un nombre impressionnant de procès politiques qui se sont déroulés dans le mépris le plus total des droits de la défense et des normes de procédure juridiques. Ces procès ont donné lieu à des jugements sévères, contrevenant parfois aux principes établis comme la "territorialité des lois". Ainsi furent poursuivis des citoyens pour des déclarations ou des réunions ayant eu lieu à l'étranger. D'autres furent jugés deux fois ou plus pour les mêmes faits, en violation du principe de "l'autorité de la chose jugée". Les prisons se remplirent d'opposants, dans des conditions incompatibles avec les règles élémentaires de traitement des prisonniers. La torture est devenue une préoccupation constante dans la majorité des affaires, qu'elles soient politiques ou de droit commun. Un certain nombre de décès eurent lieu dans des circonstances suspectes et qui n'ont jamais fait l'objet d'une enquête sérieuse.

Les violations de domicile se sont multipliées, hors de tout cadre légal, comme les arrestations arbitraires pour de longues périodes dans les commissariats de police, touchant parfois les proches et les voisins de l'intéressé, en violation du principe de "la responsabilité personnelle".

Du fait de ces graves abus, la peur et la prudence ont gagné tous ceux dont l'opinion diffère peu ou prou de celle du pouvoir. Les espaces de réflexion, d'expression et de créativité se sont rétrécis par le fait de la censure et de l'autocensure.

Qui plus est, le pouvoir s'est appliqué à instaurer une étroite surveillance des institutions en charge de l'éducation, de la culture et du sport. Ni les mosquées, ni les hôtels n'ont échappé au quadrillage. Divers ministères ont émis des circulaires exigeant, pour toute activité scientifique ou culturelle, toute manifestation sociale quelle qu'elle soit, que la liste des participants ainsi qu'une copie des interventions soient soumises au préalable au ministère de l'intérieur.

Toutes ces entraves sont de la même inspiration que les lois répressives régissant l'information. Le dépôt légal est devenu une arme entre les mains du ministère de l'intérieur contre tous les journaux et publications qu'elles soient nationales ou étrangères. La liberté d'opinion et d'expression est devenue un privilège accordé aux uns, refusé aux autres, par un pouvoir monopolisant tous les moyens d'information, démettant, et parfois emprisonnant des journalistes. Cette situation a entraîné la disparition de journaux indépendants, tandis que l'on vit se multiplier les titres reproduisant le discours officiel, par ailleurs propagé par l'agence officielle de l'information. Parmi ces titres, certains se sont spécialisés dans la diffamation et les calomnies portées contre les organisations et les personnalités indépendantes, violant en toute impunité leur honneur et leur vie privée.

L'absence de tout contre-pouvoir, et surtout d'une presse libre a permis d'occulter le développement de la corruption et l'opacité dans la gestion publique.

La loi sur les partis et les associations a accordé au ministre de l'intérieur un pouvoir absolu faisant du droit d'association, un monopole des partisans du régime. Les associations antérieures à cette loi, qui se sont montrées récalcitrantes et attachées à leur indépendance, ont été ciblées et soumises par diverses méthodes d'encerclement et d'absorption.

Il en a été de même avec la liberté de circulation. La nouvelle loi sur les passeports qui les limite davantage implique la justice dans des affaires où l'initiative vient toujours de la police.

Assimilant tout citoyen usant de son droit de critique à un traître à la patrie, le pouvoir établit délibérément une confusion entre la fidélité à la patrie, un concept sacré et immuable, et l'allégeance, changeante et éphémère.

Toutes ces pratiques ne visent qu'un objectif : quadriller tous les domaines de la vie quotidienne des citoyens. L'obsession sécuritaire est devenue le principal moteur du pouvoir, et la partialité manifeste de l'administration a convaincu la majorité des citoyens que seule l'allégeance peut leur permettre de résoudre leurs problèmes quotidiens et éviter les tracasseries.

Il est clair que si la volonté des dirigeants a joué un rôle essentiel dans ces dérapages, le régime n'aurait pu aller si loin s'il n'avait trouvé des éléments favorisant cette dérive au sein même des institutions et des lois établies après l'indépendance, permettant l'installation du système du parti unique et du pouvoir personnel.

Les slogans qui se sont succédés : "construction de l'Etat", "lutte contre le sous-développement ", "lutte contre le terrorisme", ont servi de prétextes pour monopoliser le pouvoir en vidant le principe de la souveraineté populaire de toute substance, et en refusant les droits inhérents à la citoyenneté.

La constitution a permis de conforter de façon évidente cette orientation, non seulement en insistant sur le caractère présidentiel du régime, mais en autorisant tous ses excès. Le principe de séparation des pouvoirs et leur indépendance fait totalement défaut.

La nomination du gouvernement (le pouvoir exécutif), celle des membres du haut conseil de la magistrature (le sommet de l'autorité judiciaire), ainsi que celle des hauts cadres de l'état, sont autant de pouvoirs concentrés dans les mains du chef de l'Etat. Ce dernier est aussi le chef du parti au pouvoir et choisit donc à ce titre la majorité des députés.

En contrepartie de tels pouvoirs, rien dans la constitution ne suggère une quelconque responsabilité du président, comme si la fonction présidentielle impliquait l'infaillibilité. Il n'existe, par ailleurs, aucune structure constitutionnelle susceptible d'en contrôler l'application. L'exercice des libertés fondamentales : liberté de vote, d'expression, d'association, de circulation, mentionnées dans la Constitution, a été laissé au "cadre défini par la loi " ; ce qui laisse tout loisir de retirer par la main droite ce qu'on a donné par la main gauche. En effet on s'est évertué dans la majorité des lois organisant ces libertés à en restreindre l'exercice et à conforter le pouvoir discrétionnaire du ministère de l'intérieur.

Dans ce contexte incompatible avec les règles de gouvernement d'une société démocratique, l'alternance, pilier fondamental de toute démocratie, est loin d'être à l'ordre du jour.

Le véritable pluralisme reposant sur l'existence de contre-pouvoirs comme les partis politiques, les syndicats, les associations, les organes d'information, ne peut s'exercer en l'absence des libertés fondamentales et d'un régime démocratique moderne essentiellement garanti par l'équilibre des pouvoirs.

Eu égard au fait que cette situation ne correspond pas aux aspirations de notre peuple à la liberté, à un régime démocratique, à la non discrimination et au respect des droits de la citoyenneté, nous sommes convaincus que le développement du pays, le progrès de la société et l'invulnérabilité de la patrie, sont des objectifs qui ne peuvent être atteints que dans le cadre d'un régime démocratique garantissant les libertés et fonctionnant selon les principes suivants :

* l'équilibre des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) et leur séparation,

* l'indépendance de la justice par la neutralité de l'exécutif dans la nomination, la promotion et la mutation des juges, • le plein exercice de la liberté d'opinion par la levée de toutes les entraves contre l'information,

* la protection des libertés individuelles et collectives, la seule limite à leur exercice étant l'atteinte aux droits des autres, * l'égalité effective entre les deux sexes grâce à une législation mieux adaptée,

* la garantie de la neutralité de l'administration, de la transparence de la gestion et de la lutte contre la corruption,

* l'exercice effectif du droit des citoyens à choisir leurs gouvernants, aussi bien à l'échelle locale que nationale, par des élections libres et sincères,

* la mise sur pied d'un tribunal constitutionnel dont la composition en garantit l'indépendance et qui peut être saisi autant par les individus que par les institutions.

Pour

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