Lucien Leuwen, scène de rencontre

ut disparut »

2) L’apparition féminine

• tradition issue de l’amour courtois : motif de la « dame » (21) à la fenêtre, en hauteur, militaire (// chevalier), jeu sur le montré/caché (l. 5, 12), motif du rideau, théâtralité

• portrait : créature parée de toutes les grâces, pureté des couleurs claires, adjectifs valorisants stéréotypés ; « air dédaigneux » : supériorité aristocratique (Bathilde de Chasteller), expression énigmatique → Lucien ébloui et comme défié.

3) Le jeu des regards

• importance du champ lexical du regard : détournement vers le haut = cause de l’incident ; Lucien littéralement désarçonné, comme frappé par le coup de foudre (en fait raisons matérielles exposées : pavé glissant, rosse, embarras…)

• alternance mais jamais de véritable échange : chacun, de sujet regardant, devient objet regardé, perte des repères (« tout disparut »)

T : Au cours de cette scène, Stendhal exploite la tradition de la « surprise de l’amour » préparatrice à la « cristallisation ». Simultanément, le lecteur se familiarise avec un personnage complexe, placé dans une situation que le marquera de manière indélébile.

II – La présentation du personnage : détournement des codes du topos

1) La révélation d’un caractère

• importance du personnage : éponyme, élément dynamique, centre d’intérêt de l’extrait, emploi d’une focalisation interne « à éclipse » (regards, émotions, jugements…) qui permet de brosser son portrait.

• naïveté : esprit romanesque, « romantique » même (mal de vivre, le décor reflète son humeur maussade / enthousiasme), versatilité

• prétention : Parisien riche et guindé qui méprise la province (§1 : « mesquine » + DIL)

• complexe de persécution : tout semble contre lui : « boue noire », « méchant pavé » ; se sent victime de ses camarades (adj. l.9, répétition du mot « exprès » en italiques l. 22) ; monologue intérieur l. 14-15 sur l’expression de la jeune femme

2) La présence de l’auteur : une volonté démystificatrice

• la voie oblique : certaines expressions montrent qu’il porte un jugement négatif sur son héros, se désolidarise de lui : « se complaisait dans cette idée peu polie » (l.5) ; ironie ( ?) de « son âme en fut ranimée » (l.8) ; nous informe que victime d’un bizutage de la part de ses camarades : rosse donnée « peut-être exprès » (l.11), comparaison l.22

• le ridicule dans lequel place son héros au moment le plus inopportun : casse le stéréotype de l’éblouissement réciproque pour en faire une scène burlesque, rompt le charme en retournant le hasard contre Lucien et lui fait perdre la face : « tout à coup » (l.16) ; du « mécanique plaqué sur du vivant » (cf. Bergson) : accélération du rythme, 4 PS de 2 syllabes, responsable du coup d’éperon / 3 infinitifs + concession-opposition (« à la vérité »/ « mais »), mouvements symétriques séparés dans 2 §. Ridicule accentué par caractère hautain du personnage, il tombe « de haut », est « dégradé », inversion des rôles : seuls dialogues du passage = remarques ironiques (personnages moins gradés mais expérimentés). Lucien cible de tous les regards, vedette malgré lui d’une scène tramée à ses dépens.

Conclusion :

Étant donnée l’importance de l’épisode romanesque, Stendhal a chargé cette scène de rencontre de rappels culturels tout en la démystifiant par le recours à