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Pere Goriot

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e de Nucingen. Leur père, veuf de bonne heure, leur a voué un amour exclusif, aveugle, est animé à leur égard d’une passion paternelle exagérée ; « martyr de la paternité », il s’est dépouillé peu à peu de ses biens en leur faveur, s’est ruiné, s’est condamné à une vie misérable pour leur assurer de somptueux mariages, ses gendres le payant de mépris insolent, ses filles d’ingratitude indifférente.

C’est, pour Rastignac, une première expérience de la vie de Paris. Cependant, Vautrin, colosse de quarante ans, plaisantin mais mystérieux et inquiétant, guette le jeune ambitieux, dont il a deviné les rêves mais qui perçoit confusément que cet homme qui le fascine n’est sans doute pas aussi limpide qu’il veut le laisser croire. Un jour, le prenant à part, disant ne vouloir que son bien, il lui expose brutalement ses théories sociales pour le faire profiter de sa part d’expériences et lui ménager le succès. Il sait que le jeune homme veut réussir, mais, comme «parvenir à une rapide fortune est le problème que se proposent en ce moment de résoudre cinquante mille jeunes gens qui se trouvent dans votre position», il lui faudra donc jeter bas tout scrupule et atteindre la prospérité par un crime. Or, à la pension, vit obscurément une pauvre fille, Victorine Taillefer, abandonnée par son père, qui réserve toute son affection à son fils auquel il léguera une fortune énorme. Vautrin, par d’obscures complicités, fera disparaître ce fils, obligera le père à reprendre sa fille, et à la rétablir dans ses droits d’héritière. Il suffira que Rastignac conquière l’amour de Victorine, et sa fortune sera faite.

L’étudiant, mordu au cœur par la tentation, se révolte pourtant contre cette offre abominable. Il cherche à poursuivre ses avantages dans le monde, et se fait présenter aux filles du père Goriot. Il échoue auprès de Mme de Restaud, mais se lie intimement avec Mme de Nucingen, encouragé par l’aveuglement paternel du vieillard qui, pour se rapprocher de sa fille, protège avec une inconscience totale leurs amours.

Le drame se précipite : Vautrin, sûr de faire tomber finalement Rastignac dans son piège, a poursuivi ses intrigues. Mais il ne s’est pas assez méfié de ses voisins de pension. Trahi par une vieille fille, espionne de la police, il est reconnu pour être le forçat évadé «Trompe-la-Mort», et est arrêté le jour même où il a fait tuer en duel le fils Taillefer par un spadassin à sa solde.

Rastignac s’abandonne à sa passion pour Delphine. Mais les deux gendres du père Goriot, avertis des intrigues de leurs femmes, les persécutent et menacent de les réduire à la ruine ; elles viennent implorer le secours de leur père ; elles lui livrent leurs secrets les plus douloureux et leurs vanité blessées s’affrontent sous ses yeux. Leur atroce querelle porte au vieillard un coup mortel. Frappé d’apoplexie, il agonise sur son grabat infect. Ses filles ne viennent pas l’assister ou viennent trop tard. Devenu clairvoyant, il maudit les ingrates, les supplie, les rappelle. Il perd la tête ; il meurt enfin, entouré d’Eugène et de Bianchon, étudiant en médecine, qui, seuls, se chargent encore de lui rendre aussi décemment que possible les derniers devoirs. Cet affreux dénouement achève la triste éducation de Rastignac : en bon arriviste qui n’a rien oublié des leçons de Vautrin, après avoir enterré le pére Goriot et avant d’aller dîner chez sa maîtresse, du sommet du cimetière du Père Lachaise, contemplant Paris, mûr désormais pour sa conquête, il s’écrie : «À nous deux maintenant !»

Analyse

Intérêt de l’action

C’est à la fois un roman social, un roman psychologique, un roman policier. L’intrigue est complexe : après la longue mise en train (qui occupe le tiers de l’ensemble), la crise est rapide, se déroulant à travers une série de dialogues et de scènes puissantes. Elle suit trois pistes différentes :

- l’éducation de Rastignac qui reçoit trois leçons (celle de Mme de Beauséant, celle de Goriot, celle de Vautrin) ;

- le drame du père Goriot (qui est fait sur le modèle de celui du roi Lear de Shakespeare ;

- le roman policier de Vautrin, le forçat évadé qui est opposé à la société (sur le modèle de Vidocq).

Deux mouvements s’opposent : tandis que Rastignac connaît une ascension, le père Goriot subit une véritable déchéance.

Dans l’édition originale, le roman ne comportait pas de découpage, le texte se déroulant d’une seule coulée.

La chronologie est linéaire : l’action se déroule en moins de trois mois, mais il y a des retours en arrière, surtout au début.

Le point de vue est objectif et balzac se voudrait neutre dans sa narration comme dans ses descriptions. Mais il laisse parler ses sentiments et intervient dans le récit, en particulier pour nous faire part du dégoût que lui inspire la montée du pouvoir de l’argent ou l’état d’esprit que cela engendre : « Qui décidera de ce qui est le plus horrible à voir, ou des cœurs desséchés, ou des crânes vides? ».

La focalisation se fait tantôt sur Rastignac, tantôt sur Goriot, tantôt sur Vautrin.

Intérêt littéraire

Balzac manifesta dans le roman sa puissance verbale, mais sans éviter des lourdeurs (en particulier dans des développements didactiques).

Il fit preuve d’une grande précision descriptive, non sans effets de style.

Les dialogues sont réalistes car Balzac avait beaucoupo de curiosité pour la langue parlée. Ainsi, il restitua l’argot des forçats, rendit des particularités de prononciation (la prononciation pseudo-tudesque de Nucingen).

Ses effusions de lyrisme sont parfois un peu exagérées et même ridicules à nos yeux. Les comparaisons et les métaphores sont nombreuses, parfois singulières.

Intérêt documentaire

Balzac, qui affirma dans la préface : « Ce drame n’est ni une fiction, ni un roman : all is true. », entendait donner un tableau réaliste, selon une vision objective, quasi scientifique. Étant convaincu de l’influence du milieu sur les individus, il décrivit avec précision la pension Vauquer (véritable microcosme de la société par son étagement de classes sociales et de différentes générations), différents quartiers de Paris. Il applique la loi de la conformité des espèces avec les milieux où elles évoluent. C’est ainsi qu’au sujet de Mme Vauquer il avait écrit : « Toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne. »

Les différentes classes : le peuple, la petite bourgeoisie, l’aristocratie, ont été bouleversées dans un passé récent, la Révolution ayant permis justement à Goriot de faire sa fortune, de marier ses filles à des aristocrates qui ont maintenant repris le pouvoir et le méprisent non sans raisons.

La volonté de réalisme de Balzac lui fait montrer le rôle essentiel de l’argent, qui est souligné surtout dans l’évolution financière du père Goriot, riche commerçant qui, la première année où il se trouve à la pension, vit à l’aise avec 1200 francs de pension et 8000 de rente, une solide condition physique, une magnifique garde-robe ; qui, dès la deuxième année, se voit obligé de prendre une pension à 900 francs et de réduire son train de vie ; qui, la troisième année, prend la pension la moins chère (45 francs), ne jouissant plus d’aucun luxe et sa condition physique s’étant dégradée sérieusement ; qui, la quatrième année, voit sa dégradation physique s’accentuer tandis que ses filles le rendent fou et que, pour leur faire plaisir et leur éviter le moindre effort, il se ruine progressivement afin de leur fournir un maximum d’argent qu’elles jettent par les fenêtres.

Mais la volonté de réalisme de Balzac ne l’empêche pas de se montrer nostalgique de la société qui s’en va avec la montée du pouvoir de l’argent, et cela se ressent à travers ses descriptions.

Intérêt psychologique

Dans cette étude de caractères encadrée par une étude de moeurs, Balzac prétend s’appuyer sur des théories scientifiques pour construire ses personnages. Rastignac et Vautrin sont l’un et l’autre représentatifs de la manière d’évoluer dans le monde lorsque les astres n’ont pas été favorables dès la naissance.

Vautrin, apparemment un farceur, est, en fait, un forçat évadé, un être cynique, un rebelle, qui se place délibérément en marge de la société et de ses lois pour mieux en profiter, qui ne recule devant aucun acte, pourvu qu’il se justifie vis-à-vis de lui-même et non de la société. Philosophe à sa façon, il analyse froidement et sans faux-fuyants ce qui fait agir les hommes : le prestige

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