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e la question

Il est présupposé qu'il est possible d'accomplir tous ses désirs, ce qui ne va pas de soi.

Réponse spontanée

Elle est plutôt affirmative.

** Plan :

I Valeur du désir

1) Définition du désir

Pour comprendre la valeur du désir, il nous faut d'abord préciser ce qu'est le désir, ce qui nous permettra de préciser pourquoi il semble bien que nous devions le satisfaire.

Le désir est la recherche d'un objet que l'on imagine ou que l'on sait être source de satisfaction. On ne désire que ce qu'on n'a pas. Le désir s'accompagne donc du sentiment d'un manque, d'une privation. Pour peu que l'objet de notre désir soit difficilement accessible, ce sentiment de manque peut devenir souffrance, douleur. On comprend, dans ces conditions, que satisfaire ses désirs c'est mettre fin à cette souffrance et, pour peu que nous désirions réellement un objet source de satisfaction, une source de plaisir. Or, si l'on en croit Kant, l'une des destinations à laquelle la nature a voué l'homme est le bonheur. On a donc l'impression que satisfaire ses désirs c'est répondre à cette destination, à condition bien sûr que le bonheur se limite à une somme de plaisirs.

2) Désir et condition humaine

Il faut souligner que seul l'homme désire. Dieu, parce qu'il est parfait, ne manque de rien et ne saurait désirer. Quant à l'animal, il ne désire pas mais reste cantonné à la sphère du besoin. Le désir n'est pas le besoin. Le besoin est vital et ne pas le satisfaire conduit à la mort. Le désir, lui, n'a rien de vital. L'animal, parce qu'il répond à ses instincts, parce qu'il est le produit d'une adaptation, vise à satisfaire ses propres besoins qui sont les besoins de l'espèce. Seul l'homme est mu par le désir.

Or, justement, le désir n'est pas seulement corporel (le corps nous est commun avec l'animal). Il existe aussi des désirs intellectuels. La philosophie elle-même est désir, désir de connaissance et de savoir. Dans le Banquet, Platon identifie le philosophe à Éros (désir, amour), fils de Poros (ressource, richesse intellectuelle ou psychologique) et de Penia (pauvreté). Éros est donc « intermédiaire » entre la ressource ou la richesse et la pauvreté, assez riche pour combler son dénuement mais trop pauvre pour être pleinement satisfait. Éros passe sa vie à philosopher. Les philosophes, dit le texte, ne sont ni sages ni ignorants. Les dieux ne philosophent pas car ils sont sages et ne désirent donc pas l'être. Les ignorants ne philosophent pas non plus car, croyant déjà connaître, ils ne désirent pas la connaissance. Fils d'un père sage (Poros) et d'une mère pauvre (Penia), Éros ne peut être que philosophe.

La philosophie est donc désir et ne saurait condamner absolument le désir. Il relève de la condition humaine et semble être notre dignité par rapport à l'animal.

3) Le désir comme moteur de vie et comme créateur de valeurs

On peut même définir l'homme par le désir. C'est ce que fait Spinoza. Pour Spinoza, l'homme est animé par ce qu'il appelle le conatus, défini comme le « désir de persévérer dans son être ». Celui-ci ne caractérise du reste pas seulement l'homme mais la Nature toute entière (c'est-à-dire Dieu). La Nature (dont nous sommes une petite partie) est elle-aussi désir de persévérer dans son être (elle est « nature naturante ») et la réalisation de son conatus est la production d'elle-même (« nature naturée »). La Nature se produit elle-même. Elle peut le faire, du reste, sans limite car, infinie, elle ne rencontre aucun obstacle. L'homme, en tant que partie de la nature, est, lui aussi, animé par ce désir de production de lui-même. Le conatus se manifeste en lui tant au niveau de son corps qu'au niveau de son âme. En tant que corps, il cherche à vivre le plus longtemps possible, à garder la santé mais aussi vise à une vie agréable, à un certain confort. Bref, il vise à l'utile. En tant qu'âme il désire connaître, et connaître pour connaître c'est-à-dire pour permettre à son âme de persévérer dans son être.

Tant que nous agissons selon notre seul conatus nous éprouvons de la joie. La tristesse vient lorsque nous sommes empêchés de réaliser notre conatus à cause de l'intervention des choses extérieures. Satisfaire nos désirs, en tant qu'ils proviennent de nous même et non en tant que nous subissons les actions extérieures, est donc pour Spinoza une bonne règle de vie. Accomplir ses désirs consiste alors à rechercher l'utile qui nous est propre, ce qui est bon pour nous. Le bon se définit d'ailleurs comme ce qui est l'objet de nos désirs. Quelque chose n'est pas désirable parce qu'il est bon mais au contraire bon parce que nous le désirons. Le désir apparaît alors comme producteur de valeurs.

Il faut satisfaire les désirs émanant de notre conatus et suivre sa nature définit exactement pour Spinoza notre liberté. Mais, justement, tous nos désirs proviennent-ils de nous-mêmes ? Satisfaire tous ses désirs contribue-t-il réellement à notre bonheur ?

II Le désir comme obstacle au bonheur

1) L'infini du désir

Il nous faut revenir à l'expression « accomplir tous ses désirs ». Accomplir tous ses désirs serait les satisfaire sans exception, sans relâche, au fur et à mesure qu'ils apparaissent. Or ne s'agit-il pas là d'un processus sans fin ?

Platon compare le désir au tonneau des Danaïdes. Selon la mythologie, les Danaïdes ont été condamnées à remplir d'eau un tonneau percé. De la même façon que le tonneau ne sera jamais rempli, le désir n'est jamais satisfait. À peine accompli, il renaît car de la satisfaction passée naît le regret qui est nouveau désir. En ce sens, accomplir tous ses désirs n'est nullement une recette de bonheur. Celui qui choisirait cette règle de vie serait sans cesse en mouvement, incapable d'atteindre la sérénité de l'âme que suppose le bonheur. Épicure décrit de même le plaisir en mouvement, toujours en quête, jamais satisfait, obstacle à l'ataraxie, absence de trouble de l'âme, seul compatible avec la béatitude. Le bonheur ne saurait être la somme de satisfaction de tous les désirs car cette satisfaction complète et totale n'existe jamais.

Il faut ajouter que la psychanalyse nous a montré que le désir est fantasme et que nous embellissons l'objet de notre désir. Dans ces conditions sa satisfaction est souvent décevante. Le seul cas de satisfaction intégrale des désirs se trouve dans la fiction romanesque, chez Sade par exemple, où l'orgie a toujours lieu dans des lieux clos et isolés qui symbolisent la dimension utopique. Bataille souligne que les personnages actifs finissent par atteindre un état de neutralité par saturation qui n'est autre qu'une extinction du désir. Le désir se nourrit justement de l'interdit.

2) Renoncer à tous ses désirs

Faut-il alors renoncer à tous ses désirs ? C'est cette solution que préconise Schopenhauer. Selon lui, tout dans l'univers (les êtres vivants comme les forces chimiques ou physiques) est animé de volonté. On pourrait rétorquer que la volonté n'est pas le désir, sauf que chez Schopenhauer la volonté n'a rien à voir avec le libre-arbitre mais est une puissance aveugle de vie, sans fondement et surtout sans finalité. L'homme est un jouet inconscient de ce qui l'anime. Il n'existe aucun plan divin et nous sommes esclaves de notre vouloir-vivre. Le désir est alors l'expression consciente et individuelle de ce vouloir-vivre. On peut donc affirmer, qu'aux yeux de Schopenhauer, l'homme est esclave du désir et oscille entre la souffrance (quand le désir est encore insatisfait) et l'ennui (après la satisfaction). La souffrance est alors notre condition.

La morale de Schopenhauer va alors être une morale du renoncement. Il faut d'abord renoncer à transmettre la vie car c'est transmettre la tromperie du bonheur, le seul sentiment moral acceptable étant la pitié qui reconnaît l'universalité de la souffrance. La seule délivrance est la négation du vouloir-vivre, non pas dans le suicide, mais dans l'acte de non-volonté (cette thèse n'est pas éloignée du bouddhisme). Il faut renoncer au désir qui est le mal radical.

Comment renoncer au désir ? Une première solution

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