L'ignorance selon Aristote
Commentaire de texte : L'ignorance selon Aristote. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar palamède Bernadine • 30 Décembre 2020 • Commentaire de texte • 2 184 Mots (9 Pages) • 860 Vues
Kremer Raphaël DM philosophie morale
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« Les choses qui ne dépendent pas de nous et ne sont pas volontaires, personne n’incite à les faire, attendu qu'on perdrait son temps à nous persuader de ne pas avoir chaud, de ne pas souffrir, de ne pas avoir faim, et ainsi de suite, puisque nous n'en serons pas moins sujets à éprouver ces affections. Et, de fait, l’ignorance elle-même entraîne un châtiment si l’on est tenu pour responsable de cette ignorance, comme par exemple dans le cas d'ébriété où les pénalités des délinquants sont doublées, parce que le principe de l'acte réside dans l'agent lui-même, qui était maitre de ne pas s'enivrer et qui est ainsi responsable de son ignorance. On punit également ceux qui sont dans l'ignorance de quelqu'une de ces dispositions légales dont la connaissance est obligatoire et ne présente aucune difficulté. Et nous agissons de même toutes les autres fois où l'ignorance nous paraît résulter de la négligence, dans l'idée qu'il dépend des intéressés de ne pas demeurer dans l'ignorance, étant maîtres de s'appliquer à s'instruire. Mais on objectera peut-être: un pareil homme est fait de telle sorte qu'il est incapable de s’en préoccuper ? Nous répondons qu’en menant une existence relâchée les hommes sont personnellement responsables d'être devenus eux-mêmes relâchés, ou d'être devenus injustes ou intempérants, dans le premier cas en perpétrant des méfaits et dans le second en passant leur vie à boire ou à s’adonner à des plaisirs de ce genre : en effet, c'est par l'exercice des actions particulières qu'ils acquièrent un caractère du même genre qu'elles. On peut s'en rendre compte en observant ceux qui s'entraînent en vue d'une compétition ou d'une activité quelconque : tout leur temps se passe en exercices. Aussi, se refuser à reconnaître que c'est à l'exercice de telles actions particulières que sont dues les dispositions de notre caractère relève d'un singulier manque d’observation. »
Aristote, Ethique à Nicomaque, livre III (1113b 26 – 1114a 10)
Dans ce texte, il est question de la maitrise du soi-même par l’idée de volonté dont peut faire preuve l’homme. Autrement dit, se peut-il que l’homme puisse être injuste volontairement ? Est-il possible que l’homme agisse injustement par ignorance ? Et de ce fait s’il est capable de le faire par ignorance, n’y a-t-il pas par extension une causalité à cette ignorance ? Voici une définition possible d’être injuste : « Qui juge, qui agit d’une manière qui n’est pas conforme à la justice ». De cette manière, l’homme injuste ne respecterais donc pas la justice, faisant de lui un homme vicieux, et serait impropre à pouvoir aider la cité. Ainsi, si l’homme injuste est néfaste à la cité, d’où vient cette manière d’agir ? Cet homme serait-il vicieux par ignorance ou par un choix ? Serait-il capable reconnaitre que les conséquences de ses actions sont originaires de celles-ci ?
Dans l’Ethique à Nicomaque, Aristote consacre une partie de son travail à l’idée de « volontaire », c’est-à-dire qu’une partie des connaissances de l’homme ne serait pas conceptuelle, qu’il serait nécessaire qu’il ne se réfère pas à des règles transcendantes, par la notion de πρᾶξις, de par ses actions le sujet transforme son rapport au monde. Cependant, les actions faites par un sujet relèvent le plus souvent de sa volonté, sauf certaines qui sont régies par une cause importante : l’ignorance. La thèse d’Aristote à ce sujet apparait distinctement dans « l’ignorance elle-même entraîne un châtiment si l’on est tenu pour responsable de cette ignorance ». En d’autres mots, l’ignorance peut être de deux façons abordée, il y a un facteur de responsabilisation du sujet. En effet, si l’ignorance d’un sujet ne semble pas être de sa faute et donc elle peut être excusée, comme des manières particulièrement rustres durant un diner de la part d’une personne complétement étrangère aux coutumes du pays, alors que celui qui qui y habiterait depuis longtemps et se conduisant de même serait juste impoli envers ses hôtes. Cependant, il convient de délimiter ce que l’ignorance peut excuser. C’est pourquoi Aristote finit par définir la responsabilité du sujet par « c'est par l'exercice des actions particulières qu'ils acquièrent un caractère du même genre qu'elles ». De cette façon, c’est par l’habitude, concept central chez Aristote, de la pratique d’actions d’un mal ou d’un bien Souverain que le sujet est en conséquent, non pas par nature mais par le cycle de ses actions, accommodé à un cheminement de pensées tendant vers le vice ou la vertu. C’est donc dans ce cadre que celui qui commet l’action vicieuse ou injuste doit être considéré comme l’ayant volontairement faite par choix du fait qu’il ne dépendait pas de lui de se comporter ainsi.
Face à la thèse développée dans le texte la question du statut de l’ignorance dans la morale se pose : L’ignorance peut-elle être utilisée en tant qu’excuse ? Est-elle capable d’acquitter le sujet de la responsabilité de ses actions ? Lorsque le sujet agit sans la connaissance des conséquences de ses actions, agit-il involontairement ? Ainsi la responsabilité et le caractère volontaire des actions entendent-ils vraiment que le sujet ne soit pas dans l’ignorance quand il agit, ou alors cette ignorance, si discutée, serait-elle compatible avec la volonté et la responsabilité, dont il est question dans cet extrait de l’Ethique à Nicomaque ?
Ce texte d’Aristote se structure en plusieurs étapes :
- La première concerne la manière dont Aristote met côte à côte l’ignorance et le châtiment et ainsi évoque la responsabilité et l’instruction. Cela permet notamment d’envisager comment il en vient à légitimer le châtiment à celui qui est ignorant et qui aurait alors dû s’instruire. En somme, l’ignorance due à la négligence.
- La seconde aborde l’incapacité d’un sujet à s’instruire : « Mais on objectera peut-être: un pareil homme est fait de telle sorte qu'il est incapable de s’en préoccuper ? ». En effet, si cette objection trouve écho en le fait qu’Aristote définit précédemment la responsabilité vis-à-vis de l’instruction. N’en est-il pas moins que le sujet est toujours responsable de ses actions par l’habitude de celui-ci à l’exercice d’actions impliquant dès lors un caractère vicieux. Ainsi, si chacun est responsable de ses actions comment se fait-il que certains excusent cela par une nature innée ? Non, l’injuste ne peut être de manière innée injuste, mais le cesse-t-il de volontairement l’être pour autant s’il ne veut plus agir ainsi ?
Peut-on être responsable de notre ignorance et être en conséquent punis ? N’est-ce pas quelque chose de profondément contre-intuitif ? Pourquoi Aristote soutiendrait-il cela ? Être responsable semble impliquer qu’une faute, autant sur le point de vue juridique que sociétal, nous est reprochée d’où la nécessité de répondre de ses actes et de ses intentions (devant soi-même ?). S’il y a un reproche alors il est possible de penser qu’il y avait moyen d’y remédier et de ne pas être ignorant envers cela. Il devait y avoir le devoir de ne pas être ignorant, c’est-à-dire que le sujet avait la liberté ainsi que le devoir de ne pas se retrouver ignorant. Je pense qu’Aristote soutient cela à travers « le principe de l'acte réside dans l'agent lui-même ». L’agent/le sujet dépend de sa volonté d’accomplir ou non de l’acte de ne pas pratiquer tel action pouvant le rendre inopérant à la raison. Par un champ lexical de l’éducation (maitre, connaissance, responsable et punir), Aristote montre bien le désir qu’il a de lier instruction et responsabilité. En effet, punir, de par sa nature, implique que le sujet soit en cause de quelques méfaits et qu’une personne ou une autorité supérieure le corrige, « On punit également ceux qui sont dans l'ignorance de quelqu'une de ces dispositions légales ». Donc, ce qui est punissable semble ici être l’ignorance même et non l’erreur de jugement ou le mensonge car ce sont les dispositions légales dont la connaissance est obligatoire qui justifient cette opinion semblant expliciter une notion de bon sens commun. Cependant, Aristote insiste sur la certitude de la responsabilité du sujet, il ne peut pas être question de pénaliser une personne si son acte ne dépend pas d’elle. Cette nuance est introduite par l’exemple d’une personne en état d’ébriété qui si elle agit en dehors du cadre de la morale trouve son excuse en le fait qu’elle n’était pas maitre d’elle-même, sa liberté était muselée par un facteur qui est extérieur à elle : l’alcool. Mais la responsabilité et la peine due à cette ignorance est d’autant plus grave parce que le sujet avait la possibilité d’être ivre ou non, « le cas d'ébriété où les pénalités des délinquants sont doublées ». Ainsi donc si le sujet agit librement et que sa volonté est la cause de ses actions, alors il est responsable. De fait vient alors la notion de négligence selon Aristote. Par définition la négligence est l’attitude de celui qui fait les choses avec moins de soin, d'attention ou d'intérêt qu'il n'est nécessaire ou qu'il n'est souhaitable, il est alors possible d’établir qu’ignorer par négligence suppose que le sujet avait la capacité de bien faire ou non, que le sujet est maitre de son action qui dépendrait de lui. Ainsi Aristote ne sous entendrait-il pas que le sujet avait devoir de faire une action avec application ? cependant, est-ce un devoir pour le bien du sujet ? En quoi cela pourrait revenir à un devoir moral ? Il faut rappeler qu’Aristote précise « qu’il dépend des intéressés de ne pas demeurer dans l'ignorance », qu’ainsi le sujet est maitre et libre de s’instruire. Mais cela ne revient-il pas à dire que chacun désir naturellement s’instruire ? s’agirait-il du devoir de chacun de vouloir s’instruire ? (Ici je n’ai pas de réponse…)
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