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Le devoir

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Par   •  10 Mars 2022  •  Dissertation  •  2 967 Mots (12 Pages)  •  431 Vues

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Le devoir

Le devoir renvoie tout d’abord à un ensemble d’obligations auxquelles sont tenus les hommes. Cette série d’obligations peut relever de la société, avec notamment les devoirs civiques, politiques et citoyens, ce qui implique que ces devoirs sont partagés par un ensemble d’individus suivant les mêmes devoirs qui sont formellement énoncés par la société. Cependant, le devoir peut également renvoyer à la morale et ainsi être dicté par une représentation individuelle et propre à tout un chacun de distinguer d’une façon conceptuelle ce qu’est le bien et le mal : agir par devoir revient dans ce cas à soumettre volontairement l’ensemble de ses actions à une forme d’interrogation implicite consistant à savoir si celles-ci sont en accord avec les principes et valeurs fondant notre morale. De plus, il est également nécessaire de rappeler que le devoir ne relève pas d’une contrainte mais d’une obligation, c’est à dire que l’ensemble des devoirs que nous avons ne sont pas le fruit d’un rapport de force qui nous empêche d’agir autrement, mais celui-ci est pleinement issu de nous-même et fait appel à notre libre-arbitre, c’est à dire la faculté que nous avons de faire librement nos choix et d’ainsi penser indépendamment de toute influence extérieure. Seulement, si le devoir repose sur une construction individuelle de ce qui est bien et mal, on pourrait légitimement se demander si celui-ci doit prendre en compte avant tout notre bien-être ou, à l’inverse, prôner le bien commun afin que le tout prime l’individu. Mais en plus de cela, affirmer que le devoir est un pur produit de notre libre-arbitre pose problème : sommes-nous en capacité de réellement construire une morale conduisant à une définition du devoir cohérente et pragmatique ? Le devoir doit-il avant tout reposer dans l’utilité ou dans l’inconditionnalité ? Tout cet ensemble de problèmes relatifs à cette notion nous mène à nous poser la question suivante :

L’homme doit-il privilégier la construction du devoir selon un idéal universel et intangible ou, au contraire, fonder celle-ci selon la subjectivité de tout individu, et comment peut-il parvenir à concrètement réaliser cette notion de devoir dans la vie réelle ?

Après avoir vu que le devoir peut découler d’un ensemble d’entités telles que la société, la nature ou, de façon plus spirituelle, à une forme de commandement divin, nous verrons s’il est réellement possible de définir une raison inconditionnelle et universelle, ou au contraire, si celle-ci doit se distinguer par sa complexité et son adaptabilité aux différentes situations. Finalement, nous nous demanderons envers qui l’homme peut-il prétendre avoir des devoirs, et si le devoir peut s’avérer a posteriori être un fardeau pour le but ultime de notre existence, le bonheur.

Tout d’abord, il est nécessaire pour prétendre à une bonne compréhension des enjeux relatifs au devoir de comprendre les origines de celui-ci. Le devoir repose, comme affirmé en introduction, sur la morale. Il semblerait que l’origine la plus évidente de celle-ci soit notre société : en effet, tout au long de notre vie, l’être humain est régi par une série de normes et de règles de conduite de la société, qui lui permettent de faire le choix d’adhérer aux valeurs prônées au sein de cette société et d’ainsi se plier à un ensemble de devoirs. De plus, les devoirs imposés par la société ne sont pas tous clairement stipulés : en addition aux règles de conduite établies par l’ensemble des textes juridiques, une autre série de devoirs « officieux » viennent s’établir à l’aide des mœurs et viennent poser problème. Les devoirs énoncés par la société sont ainsi explicites et implicites, mais peuvent se révéler être superficiels et peu faibles . Dans son ouvrage La République, Platon dénonce la fragilité de la notion de morale et de devoir dans la société à l’aide de l’exemple de l’anneau de Gygès. En effet, Gygès est un berger vivant en société et parait être tout à fait moral et agir par devoir dans la mesure où il se plie à toutes les règles de la société. Seulement, celui-ci parvient à devenir invisible et se met à commettre une séries de crimes effroyables : il viole la femme du roi et le tue et transgresse toutes les règles de la société. Ainsi, De ce point de vue, son obéissance à la morale n’est fondée que sur un simple calcul avantage/désavantage et montre la rupture de l’hypocrisie entre les mœurs et les valeurs sociales.

De plus, le devoir a également pour source la nature : effectivement, l’homme a tendance à observer et hiérarchiser ses comportements en fonction d’une norme naturelle pour définir ce qui est bon et mauvais afin de se fixer un ensemble de devoirs. En ce sens, l’ensemble des actions qui viendraient s’établir contre les normes naturelles en les transgressant serait immoral, fixant donc notre devoir dans l’idée selon laquelle l’homme doit respecter et se limiter au domaine du « naturel ». Un exemple révélateur de cette tendance de l’homme à fixer ses devoirs en fonction de la nature est celui de l’avortement : beaucoup d’individus considèrent qu’il est de notre devoir de ne pas procéder à l’avortement car cette action provoquerait la fin d’un processus naturel mettant en jeu l’être humain et serait ainsi immoral. Cependant, le devoir et la morale ne peuvent pas toujours se reporter sur la nature car affirmer que « tout ce qui est naturel est bon » en prônant une morale définie à l’aide d’une opposition conceptuelle entre l’idée d’artificiel et de naturel est peu envisageable. Certains comportements naturels sont nocifs pour l’homme, et considérer par exemple qu’assouvir toutes nos pulsions au nom de l’argument d’autorité naturel peut conduire à la perte de l’homme et il s’avérerait ainsi plus intéressant de se reporter à une morale détachée de la nature qui permettrait par conséquent à l’homme de mettre en place un idéal du devoir bénéfique pour l’homme. Ainsi, le devoir peut également avoir une origine plus spirituelle en faisant appel à une forme de commandement divin.

Le devoir a également pour source, comme mentionné précédemment, une notion beaucoup plus conceptuelle et relevant de la croyance de l’homme : la religion. En effet, l’homme, à l’aide de la religion, va percevoir sa vie comme une épreuve morale le poussant à agir de la façon la plus vertueuse possible dans le but d’atteindre le salut, c’est à dire la reconnaissance divine de la moralité de son existence. Ainsi, tout au long de sa vie, l’homme va se reporter aux valeurs prescrites par ce commandement divin dans lequel il a foi. Cette source de la morale et donc du devoir va permettre à une grande partie d’individus de créer en l’homme un fort sentiment d’adhérence à ces valeurs qui va lui permettre de les appliquer de son plein gré et de façon efficace, étant persuadé que la morale qu’il suit provient d’une entité supérieure. Dans son ouvrage Les deux sources de la morale et de la religion, Bergson reprend cette notion de morale fondée sur la religion qu’il intitule la morale ouverte : il affirme ainsi que la morale religieuse est forte du fait de son universalité en appelant tout le monde à suivre ces règles en ne faisant aucune distinction entre tout type d’ethnies et de nationalités, permettant à tout individu de répondre à cet appel. Il affirme que le monothéisme permet de mettre fin à la dispersion de l’humanité en liant celle-ci par son créateur commun, Dieu.

Après avoir vu que le devoir avait pour origine une morale pouvant relever de la société, de la nature mais également de la spiritualité, nous allons à présent nous pencher sur la façon dont l’homme doit appliquer et mettre en œuvre le devoir.

On peut considérer que le devoir doit, dans sa réalisation, prendre uniquement en compte la raison. Effectivement, pour construire une notion du devoir suffisamment pertinente, celle-ci ne peut en aucun cas être fondée par rapport aux affects de l’homme, car ceux-ci sont conditionnés et déterminés par notre environnement sur lequel nous ne pouvons avoir un réel contrôle. En effet, fonder le devoir sur nos sentiments revient à complétement empêcher l’idée d’un devoir reposant sur notre libre-arbitre : étant donné que nous ne sommes pas réellement libres du point de vue de nos affects qui peuvent constamment fluctuer et varier, il est nécessaire de faire reposer la notion de devoir sur la raison uniquement. Dans son ouvrage Fondements de la Métaphysique des Mœurs, Kant affirme « Agis uniquement d’après la maxime dont tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle ». Ce passage explique ainsi que la construction de la notion de devoir doit être la même pour tous pour qu’elle soit universelle et applicable à tous : si le devoir n’est pas un idéal universel et commun à tous les hommes, la coexistence des individus entre eux viendrait superposer des notions de devoirs différentes qui s’entremêleraient et empêcheraient ainsi une notion de devoir valable pour tous. Selon Kant, la notion de devoir doit par conséquent être universelle et se soumettre à l’impératif catégorique, c’est à dire que l’ensemble des décisions prises selon le devoir doivent être a priori et ainsi dénuées de toutes formes d’affects. Cependant, il s’avère que dans certaines situations, se fier uniquement à la raison peut ne pas être moral.

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