Quand la santé et l’honnêteté se confrontent : un dilemme

Quand la santé et l’honnêteté se confrontent : un dilemme

Dans le secteur de la santé, de nombreuses valeurs médicales peuvent entrer en conflit et mettre les professionnels de la santé dans des situations assez délicates. Dans mon cas personnel, je suis confrontée à un dilemme éthique opposant la préservation de la santé à l’honnêteté et la conservation du lien de confiance entre le patient et le professionnel de santé. Mme Leduc, qui est aux prises avec des problèmes cardiaques, se voit obligée d’arrêter une médication lui causant de sérieux effets secondaires. Ainsi, elle est dirigée vers les services pharmaceutiques afin de se procurer sa nouvelle médication. Inquiète, elle me demande si ce médicament pourrait lui aussi causer des effets indésirables et refuse de le prendre si tel est le cas. Je sais bien que ce traitement pourrait potentiellement avoir de tels effets, mais il vaut quand même mieux pour elle de le suivre, afin de préserver sa santé et pouvoir continuer à prendre soin de son mari, très malade. Je me demande alors si je dois lui cacher la vérité ou la lui dévoiler.

Dans cette situation, je fais face à un sérieux dilemme éthique qui, peu importe la décision que je prends, m’impose de faire un sacrifice important de l’une des valeurs importantes. Je pourrais décider de cacher la vérité à Mme Leduc afin qu’elle adhère à sa nouvelle médication et préserve ainsi sa santé. Cependant, je pourrais aussi lui déclarer la vérité et mettre sa santé cardiaque en péril. Dans le premier cas, sa santé serait conservée et elle pourrait continuer de prendre soin de son mari malade. La patiente se sentirait néanmoins trahie s’il arrivait qu’elle apprenne que je lui ai menti et sa confiance envers les services pharmaceutiques s’amenuiserait. De mon côté, j’irais à l’encontre de mon code professionnel déontologique et de mon aversion pour le mensonge. En somme, je suis déchirée intérieurement par deux valeurs auxquelles je tiens à cœur : d’une part, la valeur de l’honnêteté et, d'autre part, la valeur de la préservation de la santé.

Afin d’aborder le problème à l’aide de la théorie éthique d’Emmanuel Kant, il serait bien de s’intéresser à son critère de la morale. En fait, pour qu’une action soit morale, ce philosophe est d’avis que l’intention doit être celle du devoir, c’est-à-dire que la personne « doit » absolument faire l’action et non pas en vue de quelque chose. C’est ce que l’on appelle l’impératif catégorique. Sa théorie morale n’est absolument pas conséquentialiste, mais plutôt déontologique. Ainsi, la valeur d’une action est liée au respect de principes et de lois morales et non pas aux conséquences de cette action. Dans le premier cas, c’est-à-dire celui dans lequel je mentirais à ma patiente afin de préserver sa santé physique, j’irais à l’encontre du devoir d’honnêteté et du choix éclairé par le patient, devoir qui m’est prescrit par mon ordre professionnel et mon code déontologique. Dans le second cas, c’est-à-dire celui dans lequel je dirais la vérité à ma patiente, même si cela pourrait compromettre sa santé, je respecterais ce devoir d’honnêteté et le patient pourrait jouir de son droit de prendre, par lui-même, une décision éclairée. On comprend donc que la théorie morale de Kant favoriserait plutôt la deuxième option, c’est-à-dire la déclaration de la vérité à ma patiente. Cependant, cette option ne signifie pas nécessairement que la patiente prendra une décision qui nuira à sa santé. En effet, même en lui disant la vérité, une bonne discussion sur le médicament ainsi que sur les risques potentiels d’un refus de traitement pourrait permettre à la patiente, tout en ayant été informée de la vérité, de prendre une décision éclairée et optimale pour sa santé.