Racine, Bérénice Acte 1 Scène 5
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b) Une fonction dramatique
Le thème principal est l’avenir de Bérénice, le basculement se fait très vite dès le vers 7. Cette fonction dramatique va être assumée par Phénice qui exprime ses raisons de douter de l’avenir en évoquant deux arguments : - Par rapport à Titus vers 7 « Titus n’a point encore expliqué sa pensée », - par rapport à la constitution vers 8 « Rome vous voit, Madame, avec des yeux jaloux ». La portée du danger est soulignée par les noms « romaine » et « reine » à la rime vers 11 et 12. Phénice entame dans un raisonnement l’avenir de Bérénice pour en déduire le cas particulier : Bérénice est reine. Par cette tournure restrictive Phénice met en place une incompatibilité entre le souhait de Bérénice et la volonté du peuple. Par la réplique de Phénice, c’est donc un effet d’attente qui est créé, l’avenir étant pour la première fois directement mis en cause. Dans ce travail de doute, Rome est personnifiée vers 9-10. C’est sur le plan dramatique que cette scène achève aussi de figer les relations entre les personnages, Antiochus dans un rôle d’amoureux malheureux envers Bérénice, et Bérénice et Titus unis d’un amour réciproque. A cette relation triangulaire, cette scène ajoute une adversité entre Bérénice et la ville de Rome.
Conclusion de partie : Nous constatons que cette scène qui pourrait être perçue comme transition contribue à faire progresser la présentation des personnages et les enjeux.
2) Les valeurs et les significations du discours descriptif.
Pour justifier qu’elle ne retient pas l’objection de Phénice, Bérénice se lance dans une longue description de la nuit précédente ou s’est déroulé l’apothéose de l’empereur Vespasien. Elle s’attache essentiellement à l’aspect de glorification de Titus.
a) Une vision politique
Le discours descriptif domine rapidement dans la tirade de Bérénice et en réalité elle se livre à une reconstitution politique rapide de Rome. Elle présente d’abord les institutions juridiques. La population intervient également et on précise l’unité politique de Rome vers 25-26. La puissance militaire de Rome de signale également par les références à l’armée et aux emblèmes de l’armée et du peuple romain. L’empire romain apparait également à travers la suprématie d’un chef fédérateur. Dans cette description, c’est finalement un panorama rapide de l’empire romain qui est dressé.
b) Une évocation fortement modalisée
Bérénice se pose en spectatrice de la nuit précédente à propos de laquelle elle interpelle Phénice. Elle en livre une description très méliorative. C’est uniquement l’aspect de glorification de Titus qui est ici retenu, de ce fait la scène nocturne est retranscrite en réjouissance populaire. Cela passe d’abord par le champ lexical de la lumière qui crée un effet d’antithèse. Dans les rythmes ternaires vers 19 et 20, la scène est comme actualisée par l’emploi des déterminants démonstratifs comme si les éléments étaient encore sous les yeux de Bérénice. On observe un processus d’asyndète (accumulation sans coordination). Par ce souci de réalisme et cette capacité à rendre un spectacle visuel et coloré, la description se fait hypotypose (une description rend compte de l’objet ou du sujet décrit avec une telle exactitude que le lecteur voir le tableau se dessiner sous ses yeux)
c) L’avènement de Titus
La tirade de Bérénice est construite pour amener le regard sur la personne de Titus. Un mimétisme se crée entre le regard du spectateur et celui des acteurs de cette nuit. La description est construite de façon à valoriser Titus. Le processus d’inversion que crée Bérénice jusque dans son raisonnement, la cérémonie n’est pas là pour manifester la gloire de Titus mais c’est la présence de Titus qui lui transmet sa gloire. Bérénice développe en cette tirade l’épithète homérique par lequel Suétone caractérisait Titus de « délice de l’humanité » revendiquant pour Titus l’amour unanime de son peuple. On observe donc que la tirade descriptive est construite pour amener au portrait laudatif de Titus.
Conclusion de partie : Le discours descriptif remplit ici ses fonctions essentielles de donner à voir, de signifier et d’orienter le regard de spectateur vers une perception admirative de Rome et de son nouvel empereur. Mais cela se fait car Bérénice est spectatrice de la scène.
3) Bérénice, une femme amoureuse, heureuse et sereine.
a) Un personnage proclamant son bonheur
Face aux appels à la prudence de Phénice, Bérénice affirme dès le premier vers de la tirade son bonheur, sa certitude de l’avenir. Elle ne modalise nullement par le doute l’expression de l’avenir qui est au contraire caractérisé par sa certitude. Elle triomphe de la gloire accordée à son amant. Son enthousiasme est marqué par les exclamations et l’impératif d’ordre « Allons, pour son empire heureux au ciel qui le protège offrir aussi nos vœux ». C’est donc d’un personnage heureux dont il s’agit. Le bonheur de Bérénice nait de deux causes : la certitude de l’amour de Titus et de la reconnaissance, et le triomphe de Titus. Si Bérénice se réjouit de l’avènement de Titus au statut d’empereur, elle n’envisage que la concrétisation de son amour rétorquant à Phénice, qui affirme que cet amour est impossible, que Titus est empereur et qu’il n’a qu’à se prononcer pour rendre cette union acceptable aux yeux des romains.
b) Une femme amoureuse
Bérénice se définit comme tel dès le début de la tirade et désigne alors Titus par le terme d’amant. Son amour s’exprime par l’éloge qu’elle lui fait dans sa tirade, et elle généralise son amour, le prête à l’ensemble du peuple. Elle se justifie de la pertinence de son amour par la qualité de l’être aimé ? Par l’interrogation rhétorique précédée d’un verbe de parole elle prend en partie Phénice et lui attribue ses propres sentiments vers 37-38. Dans cette éloge, la politique et l’intime, le public et le privé se mêlent, c’est en quelque sorte par ses capacités de séduction que Titus emporte l’adhésion de son peuple et de la même façon ce sont des sentiments d’affection qu’il déclenche chez Bérénice qui développe le champ lexical des sentiments pour définir le lien qui unit Titus à son peuple. Elle-même unit le lien intime qu’elle a à Titus et les manifestations de citoyenneté. En cette tirade dans laquelle elle proclame sa confiance en l’avenir, les conflits paraissent comme résolus. Bérénice prend ici sa noblesse par la valeur conférée à Titus qu’elle manifeste au monde entier. Il convient cependant d’observer que si Bérénice voit une confirmation de l’avenir dans la valeur de son amant, elle reste quand même distante à la sphère de l’intime, du privé. Au vers 39 « Aussitôt sans l’attendre, et sans être attendue » on peut relever un parallélisme de production et un polyptote du verbe attendre, ce qui met en évidence l’attende et elle définit aussi sa situation amoureuse par la réciprocité
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