Bérénice, Acte I, scène 2, Racine
Commentaire de texte : Bérénice, Acte I, scène 2, Racine. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar mayaizq • 3 Mai 2017 • Commentaire de texte • 1 456 Mots (6 Pages) • 6 235 Vues
Proposition de commentaire. Bérénice I, 2
Consignes
Vous soulignerez en jaune les idées exposées.
en rouge les procédés
Vous encadrerez les mots de liaison.
Racine, célèbre dramaturge, avec Corneille et Molière dont il est le contemporain, est un des maîtres de la tragédie classique. Rendu célèbre par Britannicus, Andromaque, ou Phèdre, il est également l’auteur de Bérénice, qui met en scène deux personnages empruntés à l’histoire romaine. Dans la scène 1 le spectateur apprend que Titus, qui va devenir empereur de Rome, va bientôt épouser Bérénice. Cependant Antiochus est également amoureux de la jeune femme. Sur le départ, il souhaite lui parler et attend d’être reçu.
Le monologue proposé, acte I, scène 2 prolonge l’exposition comme il est d’usage dans une tragédie classique. Mais le spectateur est surtout sensible au dilemme énoncé par Antiochus. En effet le roi de Palestine, sous le choc de la nouvelle du prochain mariage de la femme qu’il aime, s’interroge : doit-il quitter la cour sans rien dire, en emportant son secret, ou aura-t-il le courage d’avouer son amour à Bérénice qui l’a déjà éconduit par le passé ? L’intérêt de ce long monologue réside dans le fait que le discours intimiste d’Antiochus surprend en ce début de pièce où l’on attendrait les grandes lignes de l’intrigue plutôt que les hésitations d’un personnage déjà prêt à s’effacer de la scène !
Nous montrerons donc comment Racine poursuit l’exposition de sa pièce tout en privilégiant le dilemme tragique d’un homme malheureux de ne pas être aimé.
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Voyons donc comment, à travers ce monologue d’Antiochus, Racine prolonge l’exposition amorcée dans la scène précédente.
Il nous renseigne d’abord sur les personnages. Antiochus, personnage inventé par Racine ; est présenté dans le paratexte comme le roi d’une province d’Orient, dont est également originaire Bérénice comme l’indique le complément de lieu : « Elle m’écoute mieux que dans la Palestine. V.10 » C’est donc, comme Titus et Bérénice, un homme de haut rang qui apparait sensible et bon. Point de jalousie ici contre son rival, il veut juste faire savoir à Bérénice qu’il l’aime : « Et que peut, craindre, hélas, un amant sans espoir/ Qui peut bien se résoudre à ne jamais la voir ». En effet, une fois son amour avoué, Antiochus est prêt à s’effacer sans faire d’histoires. Sont également évoqués Bérénice et Titus, personnages tirés de l’histoire romaine, connus du public de l’époque, instruit de leur sort tragique, puisque l’empereur Titus devra, sous la pression du sénat, renoncer à Bérénice au motif qu’elle n’est pas romaine. Le public d’aujourd’hui, qui ignore souvent ces faits historiques, découvre une jeune femme altière, qui, conformément au code précieux de l’époque, a tout pouvoir sur son « amant ». « Elle m’imposa même un éternel silence » confie Antiochus au vers 7. Les mots placés à la rime « espérance/silence » soulignent l’indifférence de Bérénice. Elle ne partage pas les sentiments d’Antiochus et le lui a fait clairement savoir ! Enfin l’empereur Titus, nommé à deux reprises, n’est évoqué qu’en tant que rival d’Antiochus dans le cœur de Bérénice, sans qu’il soit fait mention de son caractère ou des sentiments qu’il inspire à Antiochus.
L’intrigue, en revanche, est plus explicite, même si elle apparait comme très légère : Bérénice va épouser l’empereur Titus ! Cette nouvelle n’était pas forcément attendue. En effet lorsqu’il déclare v.23 « après m’être longtemps flatté que mon rival/ Trouverait à ses vœux quelque obstacle fatal », Antiochus explique au public par le biais de la double énonciation qu’il avait pu espérer, jusqu’ici, que ce mariage ne se ferait pas. Or c’est précisément l’annonce de ce mariage : « Aujourd’hui (…), que votre hymen s’annonce » qui va pousser ce roi d’Orient à se déclarer. En effet l’’union prochaine de Titus et de Bérénice est l’élément déclencheur de la tragédie qui s’annonce. L’extrême concision de la phrase « Il l’épouse » vers 10 souligne l’émotion du jeune roi que cette nouvelle anéantit. Antiochus est prêt à faire un aveu (qui vient souvent plus tard), dans les tragédies de Racine, aveu peut-être d’autant plus perturbateur qu’il a été longuement refoulé .L’indication temporelle « cinq ans » répétée à deux reprises (vers 7 et vers 27) montre combien contenir ses sentiments a coûté à Antiochus. Et ce d’autant plus, qu’outre l’obligation de se taire, Antiochus a aussi dû dissimuler comme l’indique la métaphore vers 8 : « D’un voile d’amitié, j’ai couvert mon amour ». C’est donc un homme malheureux, qui n’a plus rien à perdre qui met ici son cœur à nu.
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Voyons donc maintenant comment ce monologue expose surtout le dilemme tragique d’un homme amoureux qui souffre de ne pas être aimé.
C’est en effet autour de l’expression d’un dilemme qu’est construit ce monologue délibératif. Antiochus doit-il partir sans rien dire ou avouer son amour à Bérénice ? Dans un premier temps c’est la résignation qui semble l’emporter : « Ah ! Puisqu’il faut partir, partons sans lui déplaire »v14. Le ton est triste comme l’indique l’interjection « Ah ! », mais le roi est déterminé à partir sans avoir parlé : comme le souligne la répétition du verbe partir. Cette même intention est réaffirmée au vers suivant, sur un mode impératif qui donne aux propos un caractère péremptoire: « Retirons-nous, sortons ». C’est pourtant sur une décision diamétralement opposée que se clôt le monologue : « Quoi qu’il en soit, parlons : c’est assez nous contraindre » vers 30. Comment s’explique un tel revirement ?
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