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Allaiter, ne pas allaiter, le choix des mères

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t maternel l’une de ses priorités, et réitérées l’an dernier par l’Académie de médecine en 2009, qui en décrit les bienfaits. Le lait maternel est reconnu pour protéger l’enfant contre une série de maladies infectieuses, virales et bactériennes, notamment les gastro-entérites mais aussi les infections respiratoires et les otites.

Dans le même temps, de nombreuses associations se sont créées, certaines très radicales, comme la Leche League, née aux États-Unis, d’autres plus modérées, la plupart regroupées au sein de la Cofam (Coordination française pour l’allaitement maternel), qui informent et conseillent les jeunes mamans.

Il est constaté que les enfants nourris sans lait maternel sont plus souvent malades. Et l'allaitement «exclusif», pratiqué sans rien donner d'autre à l'enfant, même pas de l'eau, protège mieux que l'allaitement non exclusif.

D’ailleurs, une augmentation du taux et de la durée de l'allaitement maternel en France aurait des effets bénéfiques incontestables au niveau de la santé publique. C’est pourquoi les pouvoirs publics se mobilisent pour inciter les mères à allaiter. Le Programme National Nutrition Santé vise un taux d’allaitement de 70% en 2010. Le 2 juillet dernier, le professeur Dominique Turck a rendu à la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, un rapport sur l’allaitement. Son idée force : le soutient de l’allaitement permet des économies au système de santé, aux employeurs, aux familles. Les hôpitaux son encouragés à promouvoir l’allaitement maternel : un label « Hôpital ami des bébés » est attribué aux établissements qui respectent les « dix conditions pour le succès de l’allaitement maternel ». La CPAM du Morbihan a même décidé en 2003 de donner une «prime à l'allaitement» de 50 euros pour un allaitement minimum d’une semaine.

Mais déjà, en 1998, le ministre de la santé de l'époque, Bernard Kouchner, avait signé un décret, qui, en conformité avec les directives européennes, interdisait la publicité pour les laits en poudre dans les maternités publiques, ainsi que le don de ces laits.

Concernant la durée de l’allaitement, beaucoup de femmes arrêtent dès la fin du congé maternité, soit souvent à peine après les 2 mois de l’enfant. Certaines réussissent pourtant à concilier les recommandations pro-allaitement et la reprise du travail.

En effet, alors que certaines utilisent un tire-lait sur leur lieu de travail pour donner le lendemain : le biberon de lait tiré, d’autres se déplacent sur le lieu de garde de l’enfant ou font venir le papa avec le bébé, le temps de midi. D’autres encore, ne maintiennent que les tétés du matin et du soir, grâce au complément du lait en poudre. Toutes les configurations sont possibles. Une loi autorise même les salariées à prendre une heure (non rémunérée) par jour pour allaiter, et demande aux employeurs de mettre un local à disposition.

Il y a dix ans, le sevrage était quasi systématique à la reprise du travail. Aujourd’hui, l’information passe mieux et de plus en plus de mères poursuivent l’allaitement.

Ainsi, elles sont aujourd’hui 66% à allaiter à la naissance (selon les derniers chiffres de 2007), contre 31% en 1972. En France, près de 400 000 mères arriveraient à concilier allaitement et travail. Selon une étude , 70% des cadres supérieures allaitent contre 52% des ouvrières ou des employées. Ce sont donc les plus aisées qui allaitent le plus, et le plus longtemps, alors qu’elles ont les moyens d’acheter du lait en poudre. Cela semble paradoxale, mais en apparence seulement ; puisque pour savoir que l’on peut allaiter tout en travaillant, il faut se documenter, trouver conseil auprès d’une association, parfois aller « contre » l’avis de son gynéco. Cela suppose un accès à l’information que n’ont pas toutes les femmes. Ayant fait des études supérieures, elles sont également plus sensibles aux discours des professionnels sur les bienfaits de cette pratique. A contrario, ce n’est pas facile de recueillir son lait trois fois par jour quand on est caissière par exemple.

Malgré cette hausse du taux d’allaitement en 30 ans, la France est l’un des pays de l’Ouest où l’on allaite le moins.

Comme il l’a été dit précédemment, en France, 66% des femmes allaitent à la naissance, mais seulement 25% continueraient à 12 semaines (10% à 20 semaines). Dans les pays scandinaves, le taux de femmes allaitantes se situe autour de 80-90% à la sortie de la maternité et de 60-90% à 3 mois. Cela pourrait s’expliquer en partie du fait que la durée du congé maternité est de 6 mois au Danemark et de 12 mois en Suède, contre 12 semaines en France.

Ces forts taux d’allaitement dans les pays scandinaves, peuvent en parti s’expliquer par l’idéologie des féministes de l’Europe du Nord, qui souhaitent reprendre possession de leurs corps et de leur maternité face à des pouvoirs médicaux et industriels vécus comme aliénant (et masculins). En France, au contraire, l’allaitement est perçu comme un moyen pour les hommes de maintenir les femmes hors de la sphère publique et de la vie professionnelle, pour les cantonner dans un rôle de « Kinder, Kücher, Kirche » (enfant, cuisine, église). Il existe également un refus plus ou moins conscient d’être renvoyé à son statut animal (vache laitière), considéré comme humiliant, pour un grand nombre de mères.

Cependant, ces représentations traduisent une perception de l’allaitement, qui peut varier selon les différents milieux sociaux des femmes, leur niveau d’étude ou encore selon leur profession. En effet, dans la société française contemporaine, les représentations concernant l’allaitement, mais également la femme, l’enfance, la santé … varient. De même le taux d’allaitement ainsi que sa durée varient en fonction des caractéristiques sociodémographiques des mères. On peut mettre en évidences trois types d’allaitement, faisant référence à deux modèles bien distincts.

Tout d’abord, il y a le modèle dit « populaire », pour lequel l’allaitement est une affaire de famille et dont la durée est longue. On le rencontre le plus souvent chez les femmes de milieu populaire, peu diplômées et plus particulièrement chez les femmes ayant passées leur enfance dans un pays d’Afrique ou d’Asie. Ce modèle est caractérisé par la prédominance de la famille dans les sources de conseils. Il repose sur une imitation familiale et/ou sur les conseils dispensés en centre de PMI, surtout pour les femmes immigrées qui y cherchent un mode d’intégration à la société française.

Le second modèle, dit « savant », est caractérisé par un allaitement de durée variable. On le rencontre surtout chez les femmes diplômées de l’enseignement supérieur ou appartenant aux classes dominantes de la société. Il est associé à un discours normatif extrêmement construit et argumenté, d’origine médicale ou paramédicale, reposant sur des arguments multiples. Ces arguments relèvent aussi bien de la santé de l’enfant que de la construction du lien mère-enfant, du caractère pratique de l’allaitement, ou bien encore du plaisir, qui est présent comme dans le modèle populaire, mais n’est pas souvent le principal argument et n’est surtout jamais le seul.

Enfin, un troisième modèle existe également, dit : « intermédiaire », puisqu’il correspond essentiellement aux femmes appartenant aux classes moyennes, dont les fréquences d’allaitement sont parmi les plus faibles. Cela s’explique, du fait qu’elles ne bénéficient pas d’une proximité suffisante avec l’école ni avec le milieu médical pour adhérer au modèle savant, sauf celles d’origine sociale élevée ou celles qui connaissent des trajectoires ascendantes.

Ainsi, les discours de promotion de l’allaitement maternel correspondent le plus souvent à un modèle « savant » d’allaitement. Ils sont donc voués à l’échec auprès de femmes qui ne relèvent pas de ce modèle. 11

De plus, de fait de favoriser l’allaitement chez celles qui désirent allaiter peut conduire insidieusement à des effets pervers, dans la mesure où un discours trop monolithique de promotion de l’allaitement peut s’avérer inadapté auprès de certaines femmes, et surtout culpabilisant auprès de certaines autres. En effet, de nombreuses mères en viennent vite à se culpabiliser, voire à mettre en doute leurs capacités maternelles, ou pire l’affection qu’elles portent à leur enfant.

Or, cette question, qui ne devrait relever que du choix intime de la femme (ou du couple), a pris depuis quelque temps une dimension sociale importante. Les expertises scientifiques redécouvrant les vertus oubliées du lait maternel ou en découvrant de nouvelles, se sont multipliées. Et les recommandations du corps médical, relayées par les professionnels de la petite enfance, se sont faites plus pressantes,

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