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Bernard Manin, principes du gouvernement représentatif

Fiche de lecture : Bernard Manin, principes du gouvernement représentatif. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  6 Février 2018  •  Fiche de lecture  •  2 165 Mots (9 Pages)  •  1 773 Vues

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Fiche de lecture: MANIN Bernard, Principes du gouvernement représentatif

Biographie de l’auteur: Bernard Manin est un politologue français diplômé de l’Université de la Sorbonne et doctorant de Sciencespo Paris né en 1951 à Marseille. Professeur en Khâgne, puis à l’université de Chicago, de New-York et à l’EHESS, il est connu pour ses travaux dans le domaine de la pensée politique, du libéralisme, et de la démocratie représentative.

Introduction

Dans ce livre, Bernard Manin tente de nous montrer comment a évolué la perception que les gouvernants et les gouvernés ont eu sur l’idée de démocratie au cours de son développement. Pour cela, il s’adonne à une analyse historique en remontant jusqu’à la démocratie athénienne dont il tente de démythifier l’idée d’une pure démocratie directe que l’on s’en fait. Il repère ensuite la construction des principes qu’il voit comme récurrent dans les régimes représentatifs, avant de montrer les caractères différents que ces régimes ont pu adopter. Il distingue quatre principes, ce qu’il liste explicitement au début de son livre:

1/ les gouvernants sont désignés par élection à intervalles réguliers.

2/ Les gouvernants conservent, dans leurs décisions, une certaine indépendance vis-à-vis des volontés des électeurs.

3/ Les gouvernés peuvent exprimer leurs opinions et leurs volontés politiques sans que celles-ci soient soumises au contrôle des gouvernants.

4/ Les décisions publiques sont soumises à l'épreuve de la discussion.

Des gouvernants non élus, mais qui se font élire.

En effet, dans les régimes représentatif, outre le fait que le peuple n’y ait aucun rôle institutionnel, la différence avec les démocraties dites directes réside dans deux principes: l’élection et la distinction

Du tirage au sort à l’élection

La capacité d’élire et d’être élu paraît être aujourd’hui la condition sine qua non d’un régime démocratique mais il n’en a pas toujours été ainsi. On considère souvent que ce sont des raisons logistiques qui ont poussé les Etats à opter pour l’élection plutôt que pour le tirage au sort, mais Manin rappelle que la taille des électeurs français fin XIXème n’était pas plus grande que celle d’Athènes: il a eu une volonté politique.

Manin remonte dans l’histoire pour comprendre comment l’on est passé du tirage au sort à l’élection comme critère de légitimité démocratique.

A Athènes, le tirage au sort été considéré comme le pilier de la démocratie dans la mesure où chaque citoyen avait la même chance de devenir un gouvernant et dans la mesure où il permettait une rotation des fonctions et donc l’impossibilité de professionnaliser la politique. Manin rappelle que le tirage au sort n’était pas généraliser à toute les fonctions: ceux qui voulaient être magistrats étaient soumis à la Docimasie (épreuve de sélection) et l’on espérait que la charge, lourde, ne pousserait que les plus compétents à se présenter. Bernard Manin y voit déjà un processus d’auto-sélection et le début de l’émergence d’une élite aux caractères sociaux distincts. Pour Aristote et les autres théoriciens de la démocratie de l’époque, le vote favorisait les plus compétents et était donc forcément aristocratique (le pouvoir des meilleurs).

A Rome, le tirage au sort avait un caractère très mystique et n’était pas utiliser par soucis d’égalité; mais plutôt par volonté d’agréger les voix et de favoriser la cohésion politique et d’éviter les combats entre factions. Le régime romain avait un caractère à la fois démocratique (les comices), mais aussi monarchique (les consuls et les magistrats) et aristocratique (le Sénat). On s’intéresse ensuite aux cités-Etats d’Italie ayant des gouvernements « mixtes » qui mettent en place des élections combinées au tirage au sort: Florence et Venise. A Venise par exemple, on tirait au sort les grands électeurs pouvant porter des candidats aux élections qui étaient ensuite acceptés ou non par le vote (déjà secret) d’un Grand conseil.

Petit à petit, la distinction entre la légitimité par le vote et par le tirage au sort s’est estompée. Finalement, le citoyen est devenu celui qui, par le vote concède à se soumettre à des gouvernants choisis et non celui qui, peut être son propre gouvernant.

Les campagnes électorales mettent en avant le fait que les candidats restent inégaux, montrant la limite du caractère démocratique et égalitaire de l’élection. On ne peut nier qu’il est plus facile de devenir élus quand l’on pratique déjà un travail nous permettant de nous adonner pleinement à la politique, certains sont même en « campagne permanente ». Enfin, la question financière n’est pas négligeable et peu même amener parfois à promettre des faveurs personnelles aux gens pour avoir leur apport financier (c’est du clientélisme). A noter que les partis de masse ont permis une centralisation des ressources facilitant l’élection de personne avec une moindre fortune.

Savoir si l’élection est démocratique dépend donc du point de vue que l’on adopte: si l’on veut une représentation « échantillonnée » du peuple, elle est aristocratique, mais si l’on considère qu’en démocratie le peuple choisit les personnes à qu’il délègue ses pouvoirs, l’élection apparait comme démocratique.

Une élite gouvernante distincte

La généralisation de l’élection poussée par les révolutions britannique, américaine et française entraîne avec elle un autre principe qui détermine un régime représentatif: la distinction, à savoir, le fait « de faire en sorte que les élus soient d'un rang plus élevé que leurs électeurs ».

Pour certains théoriciens, les électeurs font eux-même naturellement le choix de reconnaitre une « aristocratie naturelle » (Wilson), faite des meilleurs d’entre-eux. Mais Manin montre que cela est aussi dû à une volonté politique. En Angleterre, il existait encore vers la fin du XVIIIème une culture du respect de la noblesse locale qui était donc presque toujours sûre d’être élue (déférence), mais la propriété était une obligation pour voter et être éligible. En France, il fallait distinguer les citoyens actifs (les économiquement indépendants) des citoyens passifs qui eux n’avaient pas le droit d’exercer une charge politique. L’auteur s’attarde ensuit longuement sur la rédaction puis la ratification de la constitution américaine pour montrer qu’il y a bien eu le débat chez les pères fondateurs pour savoir si les gouvernants devaient être socialement proche de leurs électeurs ou non. Ce sont les états fédérés qui devaient instaurer les conditions de suffrage. Mais pour le Congrès, les fédéralistes dont Madison voulaient des élus proches des électeurs, même s’ils ne s’opposaient pas au suffrage restreint ne concernant que les propriétaires. Car en effet, les motivations concernant suffrage restreint et les conditions d’éligibilité étaient poussées par le fait que l’on considérait les plus riches, les plus à même de prendre des décisions censées et les plus éloignés des tentatives de manipulation et de corruption. Pour Madison, la distinction « a pour effet, d'une part d'épurer et d'élargir l'esprit public en le faisant passer par l'intermédiaire d'un corps choisi de citoyens dont la sagesse est le mieux à même de discerner le véritable intérêt du pays et dont le patriotisme et l'amour de la justice seront les moins susceptibles de sacrifier cet intérêt à des considérations éphémères et partiales».

L’auteur explique qu’il existe quatre raisons donnant à l’élection les moyens de perpétuer la mise au pouvoir d’une élite distincte: « le rôle des préférences de personne, la dynamique d'une situation de choix, les contraintes cognitives, et les coûts de la diffusion de l’information. »

Cela s’illustre notamment avec les questions liées à l’actuelle « crise de la représentation » et les évolutions qui ont fait que l’on est passé du vote pour des notables dans une « démocratie parlementaire » au vote pour un parti dans une « démocratie de partis » au vote pour une personnalité médiatique professionnelle dans une « démocratie du public ».

On en arrive, aujourd’hui sans que cela ne soit trop choquant à considérer que les représentants sont situer plus haut que les représentés dans l'échelle des talents, de la vertu et de la richesse, mais qu’un régime représentatif reste démocratique parce que « les gouvernants sont élus, et surtout parce que des élections répétées contraignent à répondre de leurs actions devant le peuple. »

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