Commentaire de l’arrêt 1ère civ., 3 mai 2000 « Baldus »
Commentaire d'arrêt : Commentaire de l’arrêt 1ère civ., 3 mai 2000 « Baldus ». Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Derya Uguzer • 20 Novembre 2020 • Commentaire d'arrêt • 1 997 Mots (8 Pages) • 1 014 Vues
Commentaire de l’arrêt 1ère civ., 3 mai 2000 « Baldus »
Selon l’adage du philosophe français Alfred Fouillé : « Qui dit contractuel dit juste », toute conclusion du contrat doit être juste, c’est-à-dire que tout contrat repose sur la volonté mutuelle, à savoir le consentement des deux contractants, et ce consentement ne doit pas faire preuve de vice. En effet, les vices du consentement sont au nombre de trois, dont le dol qui est une action trompeuse « ayant entraîné le consentement qu'une des parties à un contrat n'aurait pas donné, si elle n'avait pas été l'objet de ces manoeuvres. » selon le dictionnaire juridique. La dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information déterminante, entraine la nullité du contrat pour motif de dol, c’est ce qui est appelée la réticence dolosive.
C’est ce que la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 3 mai 2000 « Baldus », a précisé.
En l’espèce, une venderesse a vendu aux enchères 50 photographies au prix fixé de 1000 francs chacune à un acquéreur très intéressé qui, trois années après son premier achat, a acheté successivement 35 puis 50 photographies au même prix fixé. Ayant appris que le personnage sur les photographies était un photographe de très grande notoriété, la venderesse décida de déposer une plainte contre son acquéreur devant une juridiction pénale avec constitution de partie civile qui fut close par une ordonnance de non-lieu. Elle l’assigne alors en justice afin d’obtenir la nullité des ventes pour dol en raison du prix dérisoire auquel elle a vendu ces clichés.
La Cour d’appel retient que l’acheteur, ayant déjà vendu les photographies achetées à des prix sans rapport avec leur prix d’achat, savait qu’il contractait à un prix dérisoire par rapport à la valeur des clichés sur le marché de l’art et que de ce fait, il a manqué à l’obligation de contracter de bonne foi en n’informant pas la valeur exacte des images à la venderesse. La Cour d’appel a condamné l’acheteur à payer la somme de 1 915 000 francs à la venderesse représentant la restitution en valeur des photographies vendues lors des ventes gré à gré.
Ainsi l’acheteur forme un pourvoi en cassation.
Le silence d’un acheteur sur la valeur du bien constitue-t-il une réticence dolosive ?
Dans un arrêt en date du 3 mai 2000, la 1ère Chambre de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel en affirmant qu’aucune obligation d’information ne pesait sur l’acheteur, ce que la Cour d’appel avait retenu dans son arrêt. La Cour estime que l’acheteur n’était pas tenu d’informer le vendeur sur la véritable valeur des photographies et qu’aucune obligation d’information ne pesait sur l’acheteur.
Dans son arrêt, la Cour de cassation affirme que l’obligation d’information ne pèse pas sur l’acheteur (I), ce qui démontre une certaine négligence progressive de la protection des contractants (II).
Une obligation d’information non pesante sur l’acheteur
Cette obligation d’information qui ne pèse pas sur l’acheteur est démontrée par l’affirmation indirecte de la charge partagée de l’obligation pré-contractuelle d’information (A), ainsi que par la non caractérisation du dol par la Cour de cassation (B).
Une charge partagée de l’obligation pré-contractuelle d’information
Dans l’arrêt, la Cour de cassation affirme sa position en autorisant la vente d’une photographie à un prix inférieur de sa valeur suite à une absence d’informations pré-contractuelles entre la vendeuse et l’acheteur.
La Cour prend une position libérale dans la mesure où elle autorise le fait, pour l’acheteur, d’acquérir, en l’espèce, une photographie à un prix bien inférieur à sa valeur. Elle a estimé que si le cas contraire se passait, l’économie libérale serait remise en cause et ne fonctionnerait plus, il appartient à chaque contractant de défendre ses intérêts économiques.
Cependant, cette dernière estime indirectement que l’obligation pré-contractuelle d’information doit être une charge partagée entre la vendeuse et l’acheteur. En refusant d’admettre l’existence d’une obligation d’information incombant à l’acheteur, la Cour montre bel et bien son exigence d’une charge partagée.
Elle suppose que même les vendeurs doivent être soumis à une phase d’information pré-contractuelle, c’est de leur ressort de s’interroger, en l’espèce, à la personne présente sur les photographies. C’est à eux aussi qu’incombe la charge de s’intéresser, ce n’est pas que l’acheteur qui doit renseigner au vendeur des informations puisque les deux doivent être actifs dans la conclusion de leur futur contrat. En l’espèce, l’acheteur savait que la personne représentée sur les photographies était une personne de renom, et il est dans son droit de ne pas l’en informer à la vendeuse si cette dernière ne s’est pas préalablement renseignée.
La Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence dans cet arrêt. En effet, l’arrêt rendu le 27 février 1996 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait reconnu l’existence d’une réticence dolosive lorsque le directeur de la société n’avait pas informé à son vendeur certains éléments concernant la valorisation de titres et en avait occulté le profit et ainsi a reproché au directeur de ne pas avoir respecté son obligation d’information. Contradictoirement, dans l’arrêt Baldus du 3 mai 2000, la Cour de cassation a estimé le contraire en affirmant que l’obligation d’information devait être partagée entre d’une part la vendeuse et de l’autre l’acheteur, et ne considère pas que l’acheteur est coupable pour manquement d’obligation d’information.
Un dol non caractérisé par l’absence d’obligation d’information
L’article 1137 alinéa 2 du Code civil, disposant que : « Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. », montre que le dol peut être caractérisé par le fait qu’un acheteur puisse dissimuler intentionnellement une information dont lui seul en a la connaissance. Cependant, l’alinéa 3 du même article, disposant que : « Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. », affirme que l’obligation d’information n’est pas une cause de la réticence dolosive.
C’est ce que la Cour de cassation a démontré dans l’arrêt puisqu’elle a estimé que l’obligation d’information ne pesait pas sur l’acheteur, et en a déduit donc que le dol ne pouvait pas être caractérisé en l’espèce.
L’acheteur, étant resté silencieux quant à la valeur exacte des photographies représentant une personne de renom, n’a pas entrainé la réticence dolosive.
Or, dans l’arrêt critiqué de la Cour d’appel, cette dernière s’est contentée d’affirmer que l’acheteur savait l’exact prix des photographies et qu’en contractant de nouveau il le faisait à un prix dérisoire par rapport au prix proposé par la vendeuse. Elle estime qu’il a manqué à son devoir d’obligation d’information, et estime enfin que ce dernier aurait incité à conclure une vente avec la vendeuse alors que cette dernière n’aurait pas cette vente dans les conditions tenant au manquement d’informations. En effet, la Cour d’appel s’est surement inspiré de jurisprudences précédentes, notamment celle de l’arrêt Vilgrain du 27 février 1996 dans lequel la Cour de cassation avait affirmé qu'une obligation d'information pèse sur le cessionnaire sur la valeur des actions cédées et sur le fondement « du devoir de loyauté qui s'impose au dirigeant d'une société à l'égard de tout associé ». La Cour d’appel reprend effectivement ce raisonnement en évoquant la responsabilité de l’acheteur pour manquement de renseignement sur la réelle valeur des photographies.
Contrairement à la Cour d’appel,
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