Commentaire de l’arrêt du 11 février 2010 Civ. 1Ère
Dissertations Gratuits : Commentaire de l’arrêt du 11 février 2010 Civ. 1Ère. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires08, la Cour d’appel de Douai rejette la fin de non recevoir soulevée par Mme X.
Un pourvoi en cassation est alors formé. Les juges du fond, pour rejeter la fin de non recevoir et accueillir la demande de la banque, constatent que la 1ère échéance impayée date du mois de mai 2004 et énoncent que l’action a été engagée dans les 2 ans du 1er incident non régularisé intervenu après le réaménagement des modalités de paiement de la dette et que, dès lors que ce réaménagement avait vocation à profiter à Mme X, intéressée aux nouvelles stipulations convenues pour l’amortissement progressif du solde du prêt, celle-ci ne pouvait prétendre que l’avenant, quand bien même elle n’y avait pas apposé sa signature, n’aurait d’effet sur la recevabilité de l’action du créancier qu’à l’égard de son coobligé.
Ici, on peut donc se demander si le principe de représentation mutuelle entre les coobligés solidaires peut être de nature à faire échouer le principe de l’effet relatif des contrats (article 1165 du Code civil), spécialement en cas de réaménagement par un seul des co-emprunteurs, des modalités de règlement des échéances impayées d’un crédit à la consommation consenti à plusieurs emprunteurs.
La Cour de cassation casse, au visa de l’article L311-37 du Code de la consommation et des articles 1165 et 1208 du Code civil. Elle pose le principe selon lequel « en cas de réaménagement ou de rééchelonnement des modalités de règlement des échéances impayées d’un crédit à la consommation consenti à plusieurs emprunteurs, le report du point de départ du délai biennal de forclusion n’est pas opposable à l’emprunteur, fût-il tenu solidairement, qui n’a pas souscrit l’acte de réaménagement, à moins qu’il n’ait manifesté la volonté d’en bénéficier ». Ainsi, la Cour d’appel, sans rechercher si Mme X avait manifesté la volonté de bénéficier de ce réaménagement du crédit litigieux, n’a pas donné de base légale à sa décision.
Dans un 1er temps, il s’agira d’étudier la notion de solidarité passive existant en l’espèce, puis, dans un 2nd temps, il sera nécessaire d’étudier le raisonnement de la Cour de cassation.
1. La solidarité passive et ses effets
A) La notion de solidarité passive
La solidarité est une institution dont le but principal est d’éviter la division des créances et des dettes en présence d’une pluralité de créanciers ou de débiteurs.
La solidarité passive permet au créancier qui a plusieurs débiteurs de réclamer à chacun le paiement de la dette dans son intégralité. Cette solidarité passive a sa source dans la loi ou dans la convention (ici, par l’acte sous seing privé du 12 novembre 2002, Mme et M. X s’obligent solidairement à rembourser la banque).
L’unicité est un élément essentiel de l’obligation solidaire. L’idée est que chacun des codébiteurs solidaires doit la même chose au créancier. Lorsqu’un débiteur est sollicité de préférence à un autre par le créancier, il ne peut invoquer aucun privilège par rapport aux autres. Toutefois, certaines exceptions peuvent être opposées par le codébiteur poursuivi ; selon l’article 1208 du Code civil, « le codébiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer toutes les exceptions qui résultent de la nature de l’obligation, et toutes celles qui lui sont personnelles ».
S’ils sont tous tenus de la même dette, les codébiteurs le sont en vertu de liens qui leur sont propres. Ainsi, la solidarité n’exclut pas, et c’est le cas en l’espèce, que l’un des codébiteurs puisse obtenir, seul, un aménagement conventionnel de la dette.
B) Les effets de la solidarité passive sur les autres codébiteurs
On peut alors se demander quels sont les effets sur les autres codébiteurs de cet aménagement obtenu par un seul d’entre eux. Les juges du fond se fondent sur un effet secondaire de la solidarité : la représentation mutuelle entre les coobligés secondaires. Ainsi, pour eux, Mme X, intéressée aux nouvelles stipulations convenues pour l’amortissement progressif du solde du prêt, ne pouvait prétendre que l’aménagement obtenu n’aurait d’effet qu’à l’égard de son époux.
Au sens large, la représentation est un procédé juridique qui permet à une personne, le représentant, d'agir aux lieu et place d'une autre personne, le représenté. La représentation mutuelle entre les coobligés solidaires est une fiction selon laquelle les codébiteurs sont censés s’être donné mutuellement mandat d’agir, les uns au nom des autres, dans leurs relations avec le créancier. Toutefois, la représentation mutuelle ne peut aboutir à une augmentation de la dette commune ; elle ne joue que in favorem. Surtout, la représentation semble devoir être écartée lorsque le codébiteur peut faire valoir une exception qui lui est personnelle.
D’une certaine manière, la convention litigieuse pouvait avoir, à la fois, un effet favorable (aménagement de la dette) et un effet défavorable (recul du point de départ du délai de forclusion), excluant la représentation. L’exception, ici opposée par Mme X, la forclusion tirée de l’article L. 311-37 du Code de la consommation, était une fin de non-recevoir purement personnelle à ce codébiteur solidaire.
Parmi les règles du droit de la consommation qui visent à protéger la partie faible au contrat, c'est-à-dire le consommateur, l’article L. 311-37 du Code de la consommation, énonce que, en matière de crédit à la consommation, les actions « en paiement engagées devant le tribunal d’instance à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’évènement qui leur a donné naissance ». Ce délai de 2 ans est un délai préfixé et non un délai de prescription. Dans tous les cas, l’emprunteur est libéré de sa dette au bout de deux ans, si le créancier n’agit pas dans ce délai. Les juges font partir le point de départ du délai au temps du premier incident non régularisé, autrement dit de la plus ancienne échéance restant impayée Lorsque le prêteur accepte de réaménager les modalités de règlement, le délai part du 1er incident non régularisé, intervenu après le 1er réaménagement conclu.
Ici, contrairement à ce qu’admettent les juges de Douai, la convention signée par M. X, seul, avait eu pour effet d'entraîner un report du point de départ de la forclusion biennale, jusqu'au 1er incident non régularisé après l'aménagement, mais à l’égard de M. X seulement.
2. La décision de la Cour de cassation
A) Une décision s’appuyant sur le principe de l’effet relatif des contrats
Le raisonnement de la Cour d’appel était défaillant : un aspect important de la théorie générale des contrats empêchait le recours à la représentation mutuelle des codébiteurs solidaires. La Cour de cassation casse, pour manque de base légale, l’arrêt attaqué en se fondant sur le droit commun des contrats. En effet, s’applique en matière contractuelle la théorie de l’« autonomie de la volonté ». L’un des aspects de cette théorie, est le principe de l’effet relatif des contrats, ou plus largement des conventions. Parce que la volonté des uns ne saurait entraver la liberté des autres, l’article 1165 du Code civil, ici visé, dispose que « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes
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