Conflit De Génération
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tématique mais bien plutôt d'une mise en question d'un mode de penser
l'homme, d'une philosophie par conséquent, qui a le mérite de se référer à
tout moment au terrain de la recherche. C'est aussi un ouvrage essentiell
ement dialectique, qui se réfère à la fois au passé et à l'avenir et se veut luimême
inachevé. Ce qui peut paraître négatif dans la pensée de G. Lapassade,
le « manque de concept », la mise en question de tout ce qui est concept
achevé pour y substituer le « concept de manque », se justifie dans cette
perspective.
M. C. ďUNRUG.
Les conflits de générations. Paris, Presses Universitaires de France,
1963, viii-191 p., bibliogr. 10 F (Bibliothèque de Prospective) .
A cet ouvrage collectif ont participé plusieurs groupes de travail réunis
sant sociologues, administrateurs, dirigeants de mouvements de jeunesse et
divers autres experts. Us nous livrent un ensemble de réflexions partant
d'études monographiques (Afrique Noire et milieu rural français) et de
renseignements de première ou de seconde main sur les positions des géné
rations en présence dans d'autres milieux (ouvriers, enseignants, hauts fonc
tionnaires, médecins, architectes, etc.). Cet effort de clarification du problème
complexe des rapports de générations, poursuivi dans le cadre du Centre
International de Prospective et avec la collaboration de la VI' section des
Hautes Etudes, a. eu pour initiateur Gaston Berger. Du fait de sa disparition,
l'ouvrage présent est, du point de vue des auteurs, incomplet tant sur le plan
documentaire que sur le plan de l'élaboration théorique.
Le problème posé se révèle dans toute sa complexité au travers de données
très nombreuses, sinon toujours scientifiquement recueillies : dans les sociétés
traditionnelles, c'est-à-dire non historiques, les générations se confondent avec
les classes d'âge et leurs rapports sont étroitement liés au jeu d'une fonction
sociale précise : les anciens sont à la fois ceux qui portent le patrimoine
social et le transmettent et ceux qui détiennent les fonctions d'autorité,
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Revue française de sociologie
tandis que les jeunes sont ceux qui recevront ce patrimoine, et en attendant,
subiront l'autorité légitimée des anciens.
Dans les sociétés historiques, la génération tend à se définir d'abord
par la place de ses membres dans un système mouvant. Plus le changement
social est rapide et plus le nombre de générations dans un même laps de
temps est grand. A la limite, les fils ne peuvent plus être dépositaires du
patrimoine dont les pères sont porteurs, ou même, deux groupes d'âge plus
proches encore que ceux des pères et des fils arrivent à ne plus pouvoir
participer aux mêmes normes, aux mêmes méthodes, à la même éthique.
Cette évolution n'est pas génératrice de conflits si la durée de la vie des
individus est suffisamment courte pour que les générations se succèdent les
unes aux autres sans s'être côtoyées à l'âge de la maturité. Il n'en est plus
de même lorsque la longévité de la vie s'accroît, ce qui est précisément un
des phénomènes frappants de l'évolution sociale moderne.
Les auteurs développent et illustrent longuement cette idée, sans se poser
toutefois nettement le problème de la frontière entre différences inter-générations
et conflits de générations. Pour quelles raisons les anciens sont-ils
des agents de conservation et les jeunes des agents de changement ? Est-ce
par suite d'un mécanisme social extérieur ? Est-ce parce qu'ils sont «sclé
rosés ■» alors que les jeunes ne le sont pas ? Il y a pourtant bien des exemples
de « générations perdues » et bien des cas (cités par les auteurs) où les
anciens sont aussi progressistes que les jeunes. Ces difficultés tiennent d'abord
au fait qu'il n'est pas clairement distingué entre les niveaux de disparité
inter-générations. Suivant que les jeunes et les vieux divergent sur le choix
du « genre de vie », ou sur les méthodes de travail, ou sur les moyens de
réussite sociale, ou sur les options politiques et les causes à défendre, c'està-
dire suivant que l'une des générations en présence menace ou non l'autre,
il peut y avoir soit simple différence, soit conflit ouvert sur le plan des options
pour l'action. Il est également essentiel de tenir compte du degré de parti
cipation de l'une et de l'autre au changement technique et social et du tempo
du changement social : les exemples ne manquent pas de jeunes générations
qui ayant simplement profité des transformations accomplies par leurs pèrespionniers,
se caractérisent par leur passivité (i).
Si les générations ne sont plus mécaniquement interdépendantes dans le
cadre d'une fonction sociale (assurer la continuité d'une civilisation ou
même mener à son terme une transformation sociale) le schéma de leurs
rapports possibles devient extrêmement complexe. Sans formuler clairement
ces idées, les auteurs en apportent certaines illustrations : dans de nombreux
cas les forces de conflit interfèrent avec des forces de solidarité organique
et non plus mécanique. C'est le cas pour une société traditionnelle se trans
formant en société moderne : les principes modernes de différenciation des
générations (selon la mentalité, les méthodes, les options socio-politiques) y
remplacent le principe de clivage traditionnel (selon l'âge), et malgré tout
une volonté de solidarité existe parce qu'une oeuvre urgente doit être accomp
lie en commun (en Afrique Noire par exemple). C'est le cas également
dans certains milieux socio-professionnels dominés par la notion de « service »
et de travail d'équipe, où les facteurs de cohésion l'emportent sur les fac
teurs de tension (médecins des hôpitaux, par exemple).
On constate d'autre part, dans les sociétés modernes, différents types
de conflits inter-générations, du fait que la distribution de l'autorité dans
(i) On peut citer à ce propos le cas de la jeunesse polonaise analysé par Zygmunt
Bauman « L'avenir de la jeunesse » La Pologne, 12 (100), décembre 1962.
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Bibliographie
un milieu socio-professionnel donné tient bien plutôt à des dysf onctions
sociales d'une autre origine, telles la bureaucratie des institutions au sein
desquelles des individus d'âges différents travaillent et agissent (c'est le cas
pour le milieu des hauts fonctionnaires, par exemple), ou une politique de
formation et de recrutement
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