Existence Et Communication Chez Karl Jaspers

la science dure ou ce que l’on appelle communément « la pensée objective ».

Or la science comme la mathématique, la logique ont un objet d’étude manipulable. La philosophie ne doit pas avoir un objet comme la science l’entend. Sinon elle remet l’homme dans un système de connaissance complexe qui le prive d’être unique, individuel et personnel. Si la philosophie pense posséder un objet déterminé, manipulable, avec un esprit de système bien adopté, elle se voit abstraite, utopique, vide de sens.

Qu’est ce qu’alors le sujet de la philosophie existentielle ? Karl Jaspers et nous même dans cette étude de recherche ne prétendons pas avoir une réponse toute faite car la philosophie n’en a jamais une. La philosophie doit réfléchir profondément sur l’homme, l’homme individuel en situation. C’est l’individu posé dans une situation concrète et qu’on connait réellement comme existant. Qu’est ce qu’une situation concrète ? C’est le fait d’être « jeté in medias res, entre un commencement et une fin ». Et que la fin est encore inconnue, hors de ma situation, une fiction : c’est un sujet métaphysique. C’est de cet « être dans une situation concrète », non fictive ou d’un être en soi, que nous allons parler tout au long de cette recherche. Mais cet être concret en situation, nous l’étudions avec Karl Jaspers et selon Karl Jaspers. L’Homme dans une situation concrète, l’individu dans l’immédiat, l’être présent, c’est notre sujet de conversation dans ce projet de thèse. Une thèse qui parle de l’existence et de la philosophie existentielle comme « la vraie philosophie » proposée par Karl Jaspers où il parle de l’existence humaine en corrélation directe avec la communication. Une recherche qui part de la réflexion de Karl Jaspers sur l’impossibilité de résoudre le problème de l’existence par la seule voie de l’intelligence ou de la raison. Lui qui voudrait trouver concrètement un point fixe objectivement certain, un terrain stable, bien éclairé, et « non sujet lui-même à la contestation philosophique.»

Mais confronté à des situations limites, impossibles à être universelles, Jaspers lui-même, s’est déclaré loin de l’expérience immédiate de l’être. Et sans laisser tomber son choix, il affirme que tout effort pour constituer une vraie doctrine philosophique objective et universellement acceptable n’aboutissant point « je suis ramené à mon être personnel concret ». Le sujet de l’être moi-même, l’être là, l’être en situation, l’être personnel, l’être concret est né. Mais ne nous trompons pas car « être » et « existence » ne s’explique pas d’un terme. C’est pour cette raison, que nous établissons ici l’idée d’éclaircir la valeur de l’existence. Préciser les idées directrices de cette philosophie, observer la structure et les articulations de cette doctrine, élucider à fond les notions, et les situer dans un ensemble concret et en « action », tel est notre objectif, « la philosophie doit devenir concrète et pratique, sans oublier un instant ses origines »

Dans cette recherche, nous allons essayer de comprendre l’idée « d’exister » en partant de la philosophie de Karl Jaspers, qui a compris et a traité durant sa vie qu’exister est l’acte de communiquer. Ainsi le titre : « Existence et Communication » en dit long. La question qui doit se poser est celle-ci : Comment puis-je, en tant que sujet existant, accéder à mon devenir ? Ou, comment puis-je, en tant que sujet existant, me réaliser dans la communication ?

En tant que recherche scientifique nous devons adopter une méthode de recherche. La méthode consiste à situer la philosophie de Karl Jaspers dans le cheminement philosophique de la philosophie existentielle en général. C’est ce qu’on appelle habituellement méthode diachronique, qui évolue dans le temps. Mais aussi comprendre Jaspers et sa philosophie existentielle à partir des grands philosophes (nous avons choisi Nietzsche et Kierkegaard) avant de plonger au cœur de cette philosophie jaspersienne qui a son devenir dans la communication. Cette deuxième méthode s’appelle la méthodologie comparative.

Mais pourquoi Nietzsche et Kierkegaard ? Parce que philosophiquement et idéologiquement, Karl Jaspers a beaucoup puisé dans ces deux grandes figures. En Nietzsche, comme le modèle de recherche incessante et hors de nous-mêmes de la vérité : la philosophie de la critique et de l’estimation de la liberté de l’homme à partir de la source vitale vers le Surhomme. Mais aussi chez Kierkegaard, comme le maître incontesté de la base de l’idée de communication de l’être dans l’existence ; et de penser l’Unique comme l’idéal de l’homme. C’est à Kierkegaard, dit Karl Jaspers, qu’il doit le concept d’ « existence », dont il s’est servi depuis 1916 pour désigner ce qu’il avait jusqu’alors « cherché dans la peine et l’inquiétude ».

C’est vrai qu’il a beaucoup réfléchi sur d’autres philosophes que nous avons signalés plus haut, comme Descartes, Kant, Hegel, mais il les a critiqués un par un : il a critiqué Kant de son « chose en soi» comme un jugement empirique qui n’a rien avoir avec la réalité de l’existant ; il a parlé de l’idéologie hégélienne comme un « système » qui recherche l’objectivité ; or la vérité n’est pas dans l’objectivité; en même temps il a examiné la philosophie de Descartes dans son « doute » comme une philosophie existentielle inachevée. Sur ce dernier Karl Jaspers dit que la certitude atteinte dans le Cogito est valable sans doute, mais elle est étroite, superficielle et vide du contenu existentiel.

Pour ce faire, la question du « d’où venons-nous ? qui sommes-nous ? et où allons-nous ? » doit se poser. D’où vient-elle l’idée de l’existence : expliquons la valeur intrinsèque de l’existence à partir des problèmes de la présence continuelle de l’homme dans le passé, l’actuel et le devenir ; existons-nous concrètement ; et où allons nous pour nous réaliser : c’est le problème du devenir, du choix, de la liberté.

Pour répondre à cela nous aborderons le problème comme suit. Observer et examiner l’idée d’existence dans sa vraie situation, dans un monde de foi philosophique, qui englobe en même temps le sujet et l’objet comme une réalité immédiate. La mettre en face de l’inévitable sujet de communication car l’existence, elle ne se fait pas toute seule : comme la communication doit se faire à deux. La notion de communication est l’un des éléments principaux et spécifiques de la philosophie jaspersienne. Et pour élucider ces parties distinctes mais dépendantes l’une de l’autre, nous ne pouvons pas ne pas mentionner le livre phare de Jaspers « La Foi philosophique » où il a dit que la foi philosophique est inséparable d’une disponibilité sans réserve à la communication… car seuls les croyants réalisent la communication. Cette communication véritable et propre entre les êtres est la communication existentielle, celle qui d’abord essentiellement relie les existences mêmes.

Des termes et expressions comme : communication existentielle, choix, chiffre, Dasein, existence, historicité, liberté, nihilisme, situation limite, transcendance, vérité existentielle, vérité communicative, seront des sujets d’éclaircissement et de précision pour cette recherche. Le but est de ne pas tomber dans des généralités d’expressions qui ne nous aident pas à comprendre l’auteur. Parce que même la traduction la plus sûre peut nous tromper car entre la langue française (la langue de notre lecture, de notre compréhension, de notre rédaction) et la langue allemande de Jaspers, il y a des incompréhensions complexes. Notre seul souci est de mieux comprendre cette philosophie allemande qui est la philosophie existentielle, issue de l’idéalisme allemand . La philosophie existentielle, la philosophie du réel qui a pris le devant pour être moderne, dynamique, en devenir, en action :

« Pour plusieurs philosophes modernes, le réel est essentiellement mobilité, changement, non pas ce qui est, mais ce qui devient, non pas la chose faite, la vérité acquise, mais l’action ».

C’est dans cette perspective d’action, de changement, de devenir, de conquête, de mouvement que nous allons essayer de mettre en valeur la philosophie existentielle de Karl Jaspers. Une philosophie qui se veut être « la vraie philosophie » sur le chemin de la vérité, la seule philosophie du réel, comme signale Jeanne Hersch :

« Qu’il l’avoue ou non, il (Jaspers) prétend bien enseigner à ses contemporains l’unique voie de la vérité, la seule attitude correcte à l’égard du réel, le seul moyen d’atteindre l’être et de se mettre en rapport avec la Transcendance »

Et il ajoute qu’ainsi chaque homme doit s’engager en toute liberté et répondre à l’exigence de la transcendance :

« l’homme devait sans cesse engager sa liberté et avoir l’exigence d’une transcendance » 

LE CHOIX DU SUJET :

Pourquoi un sujet sur « l’existence » et sur « la communication » ; pourquoi l’auteur, Karl Jaspers ?

Qualifiés d’ « athées », de « chrétiens » (ou même de théistes et marxistes) les philosophes de l’existence ont toujours à cœur et dans l’esprit le souci de chercher « la vérité de l’être» avec beaucoup « de liberté ». Car devenir un philosophe existentiel