L’approche institutionnaliste de la monnaie
Note de Recherches : L’approche institutionnaliste de la monnaie. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoirese la valeur et la valeur, au sens usuel, par exemple lorsqu’on dit que les marchandises ont de la valeur. Pour les distinguer nous écrirons « Valeur » pour la première et « valeur » pour la seconde.
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marchandises. Or, une telle approche ne peut que reléguer la monnaie à un rôle accessoire. En effet, par construction, toutes les questions essentielles lui échappent : ni l’échangeabilité en elle-même, ni la détermination des rapports quantitatifs à travers lesquels celle-ci se manifeste ne sont plus de sa compétence. Dans un tel cadre, il ne reste plus à la monnaie qu’un rôle parfaitement secondaire : rendre plus aisées des transactions dont la logique lui échappe totalement parce qu’elle relève tout entière du principe de Valeur. En un mot être l’instrument des échanges. Pour désigner une telle conception de la monnaie, nous parlerons d’une approche instrumentale de la monnaie. C’est en grande partie une telle approche qui domine aujourd’hui l’économie néoclassique. Mais la même vision instrumentale se retrouve dans toutes les démarches qui fondent leur compréhension de l’économie sur le concept de valeur. Il faut choisir entre une approche par la monnaie ou une approche par la Valeur. Marx nous en fournit une nouvelle illustration. Considérons le chapitre premier du Capital au moment où Marx commente Aristote s’interrogeant sur le sens de l’égalité « 5 lits = 1 maison » (59). Aristote note à propos de cette situation : « l’échange ne peut avoir lieu sans l’égalité, ni l’égalité sans la commensurabilité ». Dans son commentaire, Marx souligne le « génie » d’Aristote parce qu’il a su comprendre que l’échange monétaire reposait sur un rapport d’égalité. Cependant, confronté au défi de rendre intelligible cette égalité, Aristote hésite car, à ses yeux, « il est impossible en vérité que des choses si dissemblables soient commensurables entre elles ». Il finit par conclure que : « l’affirmation de l’égalité ne peut être que contraire à la nature des choses ; on y a seulement recours pour le besoin pratique ». Autrement dit, l’égalité marchande serait d’une nature purement conventionnelle. Tel n’est pas le point de vue de Marx. Selon ce dernier, si Aristote se montre incapable de percer le mystère de l’égalité des marchandises, c’est parce qu’il vit en un temps où les rapports esclavagistes masquent l’égalité des forces de travail humaines. En effet, pour Marx, il y a bien quelque chose que ces deux marchandises ont en commun, une substance qui fonde leur commensurabilité, à savoir le travail humain : l’échange se fait au prorata du « temps de travail socialement nécessaire » à leur production. Telle est la conception marxienne de la Valeur. Elle est ce qui détermine les rapports d’échange, antérieurement à toute présence monétaire. À partir de quoi, la monnaie est pensée comme la marchandise élue pour devenir « l’équivalent général » grâce auquel la Valeur trouve sa forme universelle. Notre propre conception s’oppose à Marx et à l’hypothèse de Valeur pour suivre la piste ouverte par Aristote. À nos yeux, il n’y a nulle substance derrière l’échange des biens mais seulement la monnaie et le désir illimité et unanime dont elle fait l’objet. Aussi, loin qu’il faille lire les égalités « 1 maison = 10 euros » et « 1 lit = 2 euros » comme résultant de l’égalité « 1 maison = 5 lits » qui en serait la vérité ultime convient-il, tout à l’inverse, de comprendre cette dernière égalité comme la conséquence mécanique des deux égalités monétaires précédentes. C’est le rapport à la monnaie et lui seul qui homogénéise les biens. Il s’ensuit une construction théorique de l’ordre marchand très éloignée de cette proposée par les théories de la Valeur. Au lieu de voir dans la monnaie, une forme neutre permettant l’expression indirecte d’une Valeur qui lui préexisterait, il faut a contrario considérer que monnaie et valeur constituent une seule et même réalité. La valeur est tout entière du côté de la monnaie et d’elle seule. Elle n’existe que dans la monnaie. En conséquence, dans notre perspective, dire que les marchandises valent quelque chose équivaut à dire qu’elles permettent d’obtenir de la monnaie dans l’échange. Paraphrasant Marx5, nous pouvons écrire :
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Marx écrit : « Nous connaissons maintenant la substance de la valeur : c’est le travail. Nous connaissons maintenant la mesure de sa quantité : c’est la durée du travail » (Le Capital, Livre I, sections I à IV, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1985, p. 45).
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« Nous connaissons maintenant la substance de la valeur : c’est la monnaie. Nous connaissons maintenant la mesure de sa quantité : c’est la quantité de monnaie ». Il ne s’agit donc plus de voir dans le prix monétaire un voile conventionnel qui demanderait à être écarté pour accéder à cette grandeur cachée qu’est la valeur des marchandises. Dans notre approche, tout au contraire, le prix est la réalité première au sens où la marchandise vaut exactement son prix, c’est-à-dire la quantité de monnaie à laquelle elle donne accès dans l’échange marchand6. Autrement dit, l’approche institutionnaliste pose la dépendance universelle de tous les acteurs marchands à l’égard de la monnaie comme le fait théoriquement essentiel, celui qui demande à être compris. C’est l’adhésion de tous à la monnaie en tant que forme « socialement reconnue et légitimée de la richesse » (Aglietta et Orléan, 2002, 67) qui confère son statut à la monnaie. C’est à partir de là que l’on peut expliciter toutes ses propriétés. Il s’ensuit une démarche très différente de celle usuellement suivie par la théorie économique : notre conception a pour signe distinctif de chercher à saisir la réalité de la monnaie, non pas dans la classique énumération de ses fonctions, comme il est fait traditionnellement, mais dans sa capacité à recueillir l’assentiment généralisé du groupe social et à l’exprimer de manière objectivée. L’accent mis sur cette capacité de la monnaie à faire unanimité et, ce faisant, à construire la communauté marchande en lui procurant son unité et son identité, se révèle avec force dans des formules comme « la monnaie, expression de la société comme totalité » (Aglietta et alii, 1998, 10) ou encore « la monnaie, opérateur de totalisation » (Orléan, 2002). Autrement dit, la monnaie est, dans l’ordre marchand, ce par quoi la société est rendue présente et s’impose à tous les individus sous la forme objectivée du tiers médiateur. L’objet du présent texte est d’expliciter cette conception monétaire dans un cadre analytique structuré. Ce sera l’objet de la section Deux. Nous montrerons comment donner sens aux propositions générales exposées dans cette introduction. Dans la section Trois, nous analyserons plus spécifiquement le rôle que joue l’État dans cette construction. Enfin, la section Quatre proposera une illustration concrète sous la forme des « miracles monétaires ». Mais, avant de faire cela, nous aimerions montrer dans une courte première section que, bien que minoritaire en sciences sociales et, tout particulièrement, en économie, cette conception de la monnaie n’est pas sans précédent. Elle appartient à une tradition ancienne et négligée qui trouve en Marcel Mauss un de ces noms les plus illustres. L’étude succincte de la pensée de Mauss nous permettra de mettre en avant un certain nombre d’idées-forces caractéristiques de l’institutionnalisme monétaire comme, par exemple, le rôle central qu’y jouent les croyances collectives. Notons que François Simiand ou Georg Simmel auraient pu être également mobilisés en tant que représentants de ce courant institutionnaliste.
1. La tradition monétaire institutionnaliste : Marcel Mauss et le modèle du talisman Dans cette section, je centrerai mon attention sur la courte communication de Mauss intitulée « Les origines de la notion de monnaie » (1914) qu’on trouve dans le tome Deux de ses Œuvres aux Éditions de Minuit (1974). Il y développe une analyse d’une grande clarté dans laquelle la monnaie est pensée à partir de ce qu’on peut appeler le « modèle du talisman ». Il s’ensuit une analyse d’une grande clarté. Il s’agit de concevoir un objet, à savoir le talisman, qui possède un pouvoir d’attraction d’une telle puissance qu’il se trouve convoité
Soulignons que notre approche critique l’approche de la Valeur pour ce qui est de sa compréhension de la commensurabilité des marchandises mais que notre approche monétaire ne dit rien sur la détermination des prix qui reste à être explicitée alors que la théorie de la Valeur proposait également une explicitation de cet aspect.
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ardemment par un grand nombre d’individus au point que ceux-ci accepteront de se séparer de leurs diverses possessions aux seules fins de l’acquérir. Ce modèle souligne que le pouvoir d’achat n’est qu’une forme dérivée du pouvoir d’attraction. Mauss écrit : « La monnaie – quelle que soit la définition qu’on adopte – c’est une valeur étalon […] qui est permanente, transmissible, qui peut être l’objet de transactions et d’usages sans être détériorée, mais qui peut être le moyen de se procurer d’autres valeurs fungibles, transitoires, des jouissances, des prestations. Or le talisman et sa possession ont […], sans doute
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