Le Racisme

ie des races en fondant les racines des races européenne, asiatique et africaine aux trois fils de Noé, Japhet, Sem et Cham. Canaan, fils de Cham, et toute sa descendance, sera maudit et voué à l’esclavage de ses frères. Les siècles futurs feront des Africains les descendants de Cham. Au Moyen Âge, on voyait plus en Cham l’ancêtre des serfs, en Sem celui des clercs et en Japhet celui des seigneurs. La race a donc toujours servi de prétexte à une hiérarchisation des hommes, au gré des besoins d’identification humaine ou sociale. Il n’existe pas de racisme en tant que tel dans les civilisations antiques. L’esclavage est un mode de production qui touche autant les autochtones pauvres que les peuples étrangers vaincus. Cependant, la supériorité de tel ou tel peuple apparaît déjà dans les hagiographies et les monuments. Dans l’Égypte des pharaons, les couleurs de peau les plus diverses se mêlent sans problèmes. Un premier racisme avoué apparaît dans la civilisation grecque, où il n’y a pas d’égalité entre les hommes, ni d’ailleurs entre homme, femme et enfant. Aristote a légitimé le système social fondé sur l’esclavage, et l’esclave est classé dans la même catégorie que les animaux domestiques. La différence entre les hommes se fondait sur l’infériorité des peuples barbares, destinés à servir les Grecs. Pour autant, il reconnaît que tous les hommes sont faits de la même matière. L’antisémitisme en tant qu’acte visant l’ensemble de la communauté juive n’apparaît que tardivement dans l’histoire, après des siècles de cohabitation tranquille. Les premières manifestations semblent dues à la répression du soutien par cette communauté de factions rivales en Égypte. C’est encore en Égypte que seront créés les premiers ghettos, à travers la création de quartiers spéciaux et obligatoires à Alexandrie. Le Moyen Âge et l’époque des découvertes vont créer le mythe du sauvage. Les hommes lointains sont souvent vus comme des monstres. Plus tard, les attaques des musulmans conduiront au renforcement du racisme comme corpus identitaire, au nom de la défense de la civilisation européenne et de la chrétienté.

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Au XVIe siècle, les Espagnols légitiment leurs conquêtes et leurs massacres en Amérique par une prétendue mission civilisatrice face à l’infériorité naturelle et à la perversité des Indiens. Bartolomé de Las Casas et Paul III s’émeuvent des mauvais traitements et du sort des Indiens. Le commerce triangulaire mis en place pour continuer à bénéficier d’une population servile et corvéable à merci, à travers l’esclavage, ne suscitera pas tant de réticences. La colonisation de l’Afrique reprendra ensuite le même justificatif humanitaire et fondera la domination de la race blanche sur les indigènes. 2. LES THÉORIES DE LA SUPÉRIORITÉ DE LA RACE BLANCHE Le siècle des Lumières verra paradoxalement les premiers essais de justification scientifique du racisme. Henri de Boulainvilliers (1658-1722) fondera une première différence entre sang bleu (les nobles, issus des Francs ayant conquis la Gaule) et sang rouge (le peuple, issu de ces Gaulois vaincus) pour défendre la race dans le concept de lignage. François Bernier (1620-1688), médecin et grand voyageur, décrit les 5 races existantes selon leur niveau de développement : les blancs, les Indiens, les Africains, les Asiatiques et les Lapons. Les trois dernières races sont assimilées à des animaux. Carl von Linné (1707-1778) reprendra cette classification, en ne retenant que 4 races dont les capacités intellectuelles et morales vont en ordre décroissant : blancs, Américains, Asiatiques et Africains. Pierre-Louis de Maupertuis (1698-1759), mathématicien et astronome, développe la théorie de la dégénérescence des races, qui sera reprise par Buffon (1707-1788) : la race blanche est la race originelle, la variété des races humaines étant due à des modifications climatiques qui ont transformé la physionomie des hommes et provoqué une altération. Les études sur la race pure se développent au XIXe siècle : - Gobineau (1816-1882) se fonde sur l’anatomie du cerveau pour affirmer que celui d’un Huron ne saurait contenir le même esprit que celui d’un Européen. La race supérieure ne saurait se trouver que dans la France et l’Allemagne médiévales. Et encore cette race s’est-elle altérée quand Louis XIV s’est appuyé sur les bourgeois issus du métissage des sangs ; - Le Britannique Galton (1822-1911), inspiré par le darwinisme des races, a cherché à définir les moyens de préservation de la race blanche contre toute impureté de sang en prônant la restriction de la prolifération des races et individus inférieurs. Il convenait en effet, non seulement de laisser agir la sélection naturelle au profit des races les meilleures, d’où la colonisation, mais également d’intervenir pour limiter l’afflux de sang impur. Il donnera naissance à l’eugénisme en 1883 ; - Gustave Le Bon (1841-1931) établira la loi psychologique de l’évolution des peuples. Pour lui, il existe une menace de déferlement des races inférieures, favorisée par les progrès de la démocratie. L’eugénisme doit empêcher les inaptes de procréer et le cantonnement des Juifs doit limiter leur extension numérique ; - Vacher de Lapouge (1854-1936) justifie la défense de la race aryenne par l’infériorité des races non blanches ou juive du fait d’un indice céphalique. Ses écrits, notamment Race et milieu social et L’aryen, son rôle social, inspireront les politiques du XXe siècle ; - Houston Stewart Chamberlain (1855-1927), gendre de Wagner (qui avait également commis un ouvrage intitulé Le judaïsme dans la musique) va exalter la supériorité de la race allemande et inspirer la politique eugéniste du IIIe Reich ; - Alfred Ploetz, auteur de Fondements d’une hygiène raciale (1895), prône la mainmise de l’État sur le processus de reproduction des individus. Hitler pourra ainsi écrire « le juif empoisonne le sang des autres mais préserve le sien de toute altération » pour justifier l’élimination de la race. L’Europe occidentale n’a cependant pas le monopole des justificatifs racistes : dans les pays slaves, des mouvements panslavistes ont cherché dans la littérature, les moeurs et les langues les preuves d’une supériorité qui conduisit à susciter les pogroms contre les races indésirables et nuisibles, en premier lieu les Juifs, parfaits boucs émissaires susceptibles d’attirer la haine du peuple agité par d’habiles propagandistes. Durkheim explique ce phénomène en écrivant : « Quand la société souffre, elle éprouve le besoin de trouver quelqu’un à qui imputer le mal et sur qui elle se venge de sa déception ». Les boucs émissaires changent selon les époques et les lieux, les méthodes demeurent.

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3. LE RACISME AUJOURD’HUI Le racisme a changé de nature : alors qu’il y a vingt ans, il était caché et décrié (bien que répandu), aujourd’hui, une partie importante de la population n’hésite pas à se dire raciste. Les motivations restent pour autant les mêmes : peur de l’autre, montée de la délinquance dont on accuse les jeunes de banlieues, souvent issus de l’immigration. Il est présent dans toutes les catégories socioprofessionnelles et dans toutes les couches de la population, même si le multiethnisme semble mieux accepté par les jeunes aujourd’hui. Le racisme n’est pas réservé à l’élite, qui souhaite défendre sa domination. Il existe aussi un racisme des dominés, des faibles, contre ceux qui sont encore plus faibles (et qui servent d’exutoire aux frustrations) et contre ceux qui les maintiennent dans cette situation. Memmi cite en exemple l’expulsion bruta le de travailleurs nord-africains par des municipalités communistes dans les années 80. Diverses étaient les raisons évoquées pour étayer une décision allant dans le sens souhaité par l’électorat : la nécessité de logements HLM pour les ouvriers et petits salariés clientèle de base du PC -, la baisse du niveau d’éducation à l’école du fait d’un trop grand nombre d’étrangers, le bruit, des modes de vie trop différents pour maintenir cohésion sociale et calme dans des zones résidentielles... Pour autant, le racisme