Les Etats sont-ils en voie de disparition ?
Dissertation : Les Etats sont-ils en voie de disparition ?. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Joanna Vergilova • 2 Octobre 2017 • Dissertation • 1 978 Mots (8 Pages) • 1 168 Vues
Louise Guéry
Plan détaillé : Les Etats sont-ils en voie de disparition ?
Déjà au dix-neuvième siècle le révolutionnaire russe Mikhaïl Bakounine prophétisait la fin de l’Etat : « L’Etat, c’est le mal, mais un mal historiquement nécessaire, aussi nécessaire dans le passé que le sera tôt ou tard son extinction complète ». Aujourd’hui, cette prophétie s’avère toujours irréalisée, mais pour autant il s’agit de savoir si elle est en cours de réalisation, autrement dit, « les Etats sont-ils en voie de disparition ? »
L’Etat, avec une majuscule, renvoie à une entité abstraite qui correspond à une organisation humaine encadrée par un pouvoir politique qui exerce sa souveraineté sur le territoire étatique. Le terme d’Etat renvoie donc à un triptyque composé d’une population, d’un territoire et d’une puissance souveraine. L’apparition des premiers Etats dans l’Histoire remonte à la Rome antique suite aux cités grecques telles qu’Athènes ou Sparte qui constituaient des embryons d’Etats. Depuis, les sociétés n’ont cessé de se regrouper au sein d’organisations politiques et le format des Etats s’est diversifié. Ainsi, l’Etat unitaire s’oppose aux Etats fédéraux comme les Etats-Unis d’Amérique, qui sont d’ailleurs un Etat-continent alors que le plus petit Etat du monde, le Vatican, ne réunissait que 451 habitants en 2012 selon l’ONU. Par conséquent, les Etats sont un groupe très hétérogène et la formulation du sujet avec le pluriel invite justement à s’interroger sur les relations que peuvent entretenir ces Etats si différents et à se placer d’un point de vue global, tout en réfléchissant à ce que ces Etats ont en commun. Il convient aussi de se demander si aujourd’hui, les Etats doivent faire face à des menaces qui mettent en péril leur survie et donc à orienter la réflexion sur la situation actuelle. Enfin de nombreux enjeux se profilent derrière la question de la survie ou de la disparition des Etats et ne se limitent pas au champ politique. En effet, les Etats ont un rôle social indispensable et prennent également part aux grandes orientations économiques au sein d’institutions comme le Fond Monétaire International par exemple. Mais dans un contexte de mondialisation, définie par le géographe Laurent Carroué comme un « processus d’extension du capitalisme dans le monde »[1], la place et le rôle des Etats se transforment.
Dès lors, l’évolution du rôle des Etats est-elle une preuve de leur disparition à venir ? Il semble que si la forme et le rôle des Etats évoluent, ces derniers sont cependant loin de disparaître.
Certes, les Etats sont aujourd’hui moins omnipotents du fait de l’apparition d’autres structures mondialisées qui jouent un rôle dans la prise de décision (I). Néanmoins, cette évolution n’est pas synonyme de disparition et les Etats continuent de prouver qu’ils sont loin de décliner (II).
- L’évolution certaine des Etats dans un contexte de mondialisation
La place des Etats dans la prise de décision évolue et ils doivent désormais partager leur souveraineté au sein d’organes de gouvernance internationaux ou régionaux. Par ailleurs, l’émergence de nouveaux acteurs tend à concurrencer les Etats et à affaiblir leur influence.
A/ Une perte de souveraineté induite par l’émergence d’une gouvernance supra-étatique
- Le droit international limite dans une certaine mesure la souveraineté des Etats et ainsi remet en question l’existence des Etats puisqu’un Etat non souverain n’est plus un Etat. En effet les Etats collaborent au sein d’organisation internationales comme les Nations Unies ou régionales comme l’Union Européenne et sont donc limités dans l’exercice de leur souveraineté par les autres Etats membres. Les Etats ont donc perdu de leur souveraineté et de leur puissance d’action dans de nombreux domaines notamment dans le cadre de l’Union européenne puisque le Traité de Lisbonne de 2009 organise un partage des compétences (exclusives, partagées ou d’appui). Ainsi la politique commune de la pêche est une compétence réservée exclusivement à l’Union européenne.
- La disparition des Etats omnipotents en matière de politique nationale est bien réelle (si tant est qu’une telle conception de l’Etat ait existé un jour) malgré les tentatives, notamment sémantiques, de masquer cette disparition. Par exemple suite au traité d’Amsterdam sur l’Union Européenne en 1997, le Conseil constitutionnel a rendu une décision (97-394 DC du 31 décembre 1997) afin de remplacer le terme de « limitation de souveraineté » par celui de « transfert de compétences » dans la Constitution pour éviter la contradiction suivante : un Etat non souverain, c’est-à-dire qui n’est plus un Etat stricto sensu.
La perte de souveraineté des Etats, forcés de coopérer avec d’autres Etats à l’échelle mondiale, limite donc leur rôle. Mais les Etats sont aussi concurrencés par d’autres acteurs qui restreignent encore davantage leur pouvoir de décision.
B/ Une remise en cause accélérée par l’émergence de nouveaux acteurs
- Les institutions internationales en charge de la gouvernance économique mondiale entravent la souveraineté des Etats en matière de politique économique. Exemple : Cas de la Grèce et de la Troïka (= Fond Monétaire International, Banque Mondiale et Commission Européenne) : la Grèce s’est vue imposé un plan de rigueur budgétaire qui conditionnait son sauvetage en 2010. Illustration d’une « disparition » de l’Etat qui devient seulement un territoire doté d’une population où des acteurs externes interviennent et orientent les décisions économiques.
- Mondialisation et internationalisation des firmes qui brouillent voire effacent les frontières existantes et qui concurrencent fortement les Etats en matière économique : « Les firmes multinationales sont ainsi devenues des acteurs à part entière de la vie internationale, dont les stratégies interagissent avec celles des Etats »[2]. L’Etat est ainsi mis à part de tout un pan de l’économie mondiale qui est dominé par les stratégies des firmes transnationales (et non plus multinationales pour bien montrer qu’elles ne se rattachent à aucun Etat). Exemple : Apple qui conçoit ses produits en Californie à Cupertino, qui les fait fabriquer en Asie, qui les distribue dans les pays développés et qui paie ses impôts dans les pays où la taxation est la moins lourde comme l’Irlande.
- La perception de la nation tend aussi à diminuer du fait du développement d’une solidarité internationale et de la multiplication des échanges culturels → sentiment d’appartenance mondial (ou européen). Exemple : la citoyenneté européenne dont parle le Traité de Maastricht qui fait perdre du sens à l’Etat-Nation avec une citoyenneté qui dépasse les frontières d’un Etat dans la mesure où l’Union européenne ne peut pas être considérée comme un Etat fédéral. Un autre exemple est celui des ONG comme l’Association pour la taxation des transactions financières et l’action citoyenne (ATTAC) dont le projet se situe en marge de l’échelle étatique puisqu’il privilégie plutôt l’action locale ou l’action à l’échelle globale (vision altermondialiste qui fédère au-delà des frontières des Etats et qui remet en question le pouvoir des Etats et des firmes/organisations comme le FMI).
Les Etats sont effectivement affaiblis par le développement du droit international qui limite leur souveraineté ainsi que par l’émergence de nouveaux acteurs qui concurrencent les Etats sur la scène mondiale. Cependant, cette perte d’influence reste à relativiser puisque les Etats continuent à bénéficier d’un statut à part qui, par certains aspects, tend à se renforcer.
- La persistance manifeste des Etats dans un contexte plus national
Les Etats, loin de décliner, sont encore une réalité juridique dont le rôle social est essentiel. En outre, le renforcement des frontières et des nationalités témoigne d’un nouvel essor des Etats.
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