Notre société a-t-elle besoin d'admirer des individus extraordinaires ?

L’Extraordinaire

Ecriture personnel

Selon vous, notre société a-t-elle besoin d’admirer des individus extraordinaires ?

D’après Jim Morrison, « les gens ont besoin de Connecteurs - écrivains, héros, stars, leaders - pour donner forme à la vie ». Il souligne ici la place que prend le modèle dans la vie de l’homme.

Ainsi, notre société a-t-elle besoin d’admirer des individus extraordinaires ?

En d’autres termes, il s’agit de déterminer si l’adoration de personne hors du commun est nécessaire à l’homme, dans une société actuelle individualiste.

Pour en débattre, il convient d’étudier les effets positifs du héros, en tant que modèle sur l’homme, puis d’analyser les dangers de l’idolâtrie, pour enfin en établir les limites.

Certes, en admirant et en vénérant un être extraordinaire, fictif ou réel, l’homme peut s’évader, échapper à sa routine, se déconnecter de la dure réalité, en s’identifiant à son héros, et assouvir ainsi son idéal identitaire. De sorte que, sur un plan fictif, le téléspectateur ou lecteur admire Spiderman, super-héros doté d’une force hors du commun, qui de par sa double identité (ordinaire et extraordinaire), est un modèle d’évasion qui permet à l’homme de s’y reconnaître.

Plus qu’une image, l’individu extraordinaire, hors du commun, en tant que héros positif, incarne les valeurs nobles du courage, de la bravoure, de la justice et du bien. Il véhicule la fraternité, la solidarité, la liberté et représente les fondements -souvent oubliés- d’une vie paisible en communauté. Il donne à l’homme l’exemple à suivre, pour accomplir le bien. Ainsi, Martin Luther King a dédié sa vie à une lutte non-violente pour la liberté, les droits civiques des Noirs américains, pour la paix, et contre la pauvreté. Il est dès lors devenu un héros international, en réinsufflant l’idée de la paix dans le monde, et s’inscrivant dorénavant dans les références des modèles humains.

La nature de l’homme présentant une tendance au mimétisme, l’être extraordinaire l’aide à se surpasser, à dépasser son quotidien ordinaire et ses capacités, qu’elles soient physiques ou morales. L’homme peut ainsi progresser, dans une véritable quête identitaire. En ce sens, Neil Armstrong, premier homme à marcher sur la lune, réalise un exploit exceptionnel, extraordinaire, puisque jamais réalisé auparavant, et donne alors à l’homme commun la force et le désir de, lui aussi, arriver au bout de ces rêves, atteindre son but ultime.

Par cette position d’idéal et de modèle, le héros insuffle l’espoir, et permet à l’homme de continuer -ou de recommencer- à croire en le bien, de rêver, de s’apaiser, de se rassurer, et même de retrouver confiance en soi, dans une société où les valeurs morales et l’éthique de l’homme, ont laissé place à l’individualisme. Si bien que l’héroïne fictionnel Margot, devenu dragon dans le roman Je suis un dragon de Martin PAGE, a redonné au peuple confiance dans l’humanité. C’est alors que les femmes ne se laissaient plus faire face au sexisme et au machisme, et que leur peur avait disparu.

Bien que l’individu extraordinaire participe pleinement à la construction identitaire de l’homme, l’aide à affronter les tragédies sociales voire à les dépasser, l’adoration -basiquement perçu comme un sentiment positif- peut avoir des effets négatifs sur l’homme et détruire sa vie tant sur un plan moral que physique, si elle n’est pas maîtrisée.

Il me semble que l’adulation peut être dangereuse et tomber dans une passion démesurée, excessive, voire atteindre le totalitarisme. L’admirateur se transforme alors en fanatique, et dérive dans une névrose psychotique. C’est le cas d’un fan maladif, qui, en 2014, s’est introduit illégalement dans la demeure de l’actrice Sandra Bullock, qu’il idéalise et idolâtre, jusqu’à dépasser le raisonnable, violer son intimité et enfreindre la justice. Ou encore, plus alarmant, les admirateurs intégristes se ralliant à la cause terroriste, aveuglés par leur adoration à une cause, à un gourou.

De surcroit, le fait de percevoir et d’admirer un individu comme extraordinaire et supérieur à l’homme commun peut développer un complexe d’infériorité, une insatisfaction de sa propre personne, pour finalement altérer l’estime de soi, et donc sa santé morale, voire physique. C’est alors qu’en plaçant les tops model sur un piédestal, ou, sur un plan fictif, les poupées Barbie, en leur attribuant le physique parfait et le modèle esthétique à suivre, les jeunes filles, dans une société du paraître et de l’image, se détruisent la santé, pour tenter de leur ressembler. Les cas d’anorexie sont alors de plus en plus fréquents, et plus qu’inquiétants.

Si bien que le terme extraordinaire ne signifie pas uniquement positif. L’individu extraordinaire n’est donc pas forcément favorable à l’homme, il peut sortir de l’ordinaire pour avoir accompli quelque chose d’hors du commun, mais ne relevant pas pour autant du bon sens moral. Ainsi, Al Capone, le gangster le plus célèbre de ce dernier siècle, est un emblème, une star, une référence en matière de grand-banditisme, tant bien que de jeunes délinquants s’identifient à lui, et sont tentés, voire passent même à l’acte, de reproduire ses prouesses frauduleuses et criminelles.