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Pièce en trois actes de Molière Mise en scène Bérangère Jannelle

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Sosie, le valet d’Amphitryon. Alcmène est abusée par Jupiter au cours d’une nuit sans fin tandis qu’Amphitryon et Sosie entrent à leur tour dans ce rêve fantastique où tous se confondent et où personne n’est plus personne. Jeux de miroirs, jeux de pouvoirs, jeux de séduction… Le moi s’égare dans cette mécanique théâtrale des faux-semblants où les dieux manipulent des hommes dépossédés de leur identité. Dans cette « pièce à machines », entre comédie et tragédie, Molière signe une pièce composite au rythme alerte. Écartant toute vraisemblance, Bérangère Jannelle crée un univers fantasmagorique où effets spéciaux et machinerie complexe exposent la «théâtralité du théâtre». Quel est le sujet d’Amphitryon ? Des hommes dépossédés de leur identité par des dieux qui veulent séduire leurs femmes et les persécutent. Voilà l’histoire que Molière raconte : Amphitryon et Alcmène viennent à peine de se marier. Jupiter, le plus grand des dieux du Capitole, veut séduire Alcmène. Pour cela, il change de costume comme il le fait souvent, et emprunte l’apparence d’Amphitryon. Il est aidé de son fils, Mercure, le dieu du commerce et de tous les trafics, qui se transforme en Sosie, le valet d’Amphitryon. Dans une nuit qui s’étire artificiellement, ils pénètrent dans l’appartement d’Alcmène. Là, jouant de son apparence truquée, Jupiter trompe l’amour d’Alcmène et lui vole le désir qu’elle croit partager avec Amphitryon. Mais Amphitryon et Sosie rentrent à leur tour dans cette nuit folle où nul ne se reconnaît, où tous se confondent. Dans cette nuit des sosies manipulés par les dieux et des dieux fantasmés par les hommes. De l’amour mis à mal et de la mort aux trousses. C’est l’engrenage. Et la mécanique théâtrale des faux-semblants devient vite infernale. Amphitryon joue de la violence à la fois sourde et délirante qui se déploie quand on use du pouvoir de faire croire aux autres qu’ils sont ce que nous sommes et désirent ce que nous désirons. Alors personne n’est plus personne : Est-ce songe, ivrognerie, galimatias maudit ? C’est la fascination et l’horreur d’une telle imposture qu’Amphitryon met en jeu. J’y vois quant à moi la mise en scène qui confine au vertige d’une société qui tend des miroirs truqués au désir fantasmatique d’être une icône: Jeu des miroirs, Jeu des pouvoirs, dans lequel le moi s’égare. A ce jeu là tout le monde est trompé, trahi, cocu. Et pourtant, seuls les désirs d’amour sont vrais et il est vrai que les hommes s’aiment parfois. Comme Alcmène aime Amphitryon et comme Amphitryon aime Alcmène. Et il n’y a qu’au théâtre que l’on peut prendre, sans danger de mort, ses fantasmes pour des réalités. Alors seulement on peut prendre des projecteurs pour des lanternes. Et là, dans cette lumière blanche dans laquelle « on joue pour de vrai », l’humanité fardée et cynique finit toujours par apparaître dans sa vérité toute nue, veule et amoureuse à en mourir, soumise et en quête de pouvoir, telle qu’elle est. C’est du théâtre que l’on a besoin pour voir au fond des images.

Maison close sur plateau de théâtre à vue On dit souvent, que malgré la règle des trois unités, Amphitryon est finalement une pièce baroque. C’est vrai. La didascalie initiale dit que la pièce se passe « devant la maison d’Amphitryon ». Mais cette maison est fantasmatique. Le vrai Amphitryon et le vrai Sosie ne peuvent jamais y pénétrer. Ils s’agitent et se cognent la tête contre la paroi de cette « maison close », de cette maison « sépulturale » hanté par le théâtre érotique de Jupiter. A l’intérieur sont les sosies, les fantômes, les fantasmes donc. Ainsi, nous avons une boîte magique qui dessine un espace à la fois très physique et très architectonique. Plexiglas transparent et couleurs acides. Espace à la fois familier parce qu’il suggère une maison et futuriste parce qu’il dessine comme une plateforme sur orbite. Un espace à la Moebius au fond, ludique et bizarre à la fois. A l’intérieur, des trappes d’abord données comme aveugles s’ouvriront et se refermeront pour que l’on puisse se glisser, pénétrer, s’extraire, tenter de percer les secrets. D’un côté, il y a la face réfléchissante de cette « maison-night », à la fois attractive et inquiétante. celle-ci pivotera sous l’action mécanique des acteurs pour faire apparaître le « dedans » ou le « dessus » ou le « dessous » de scènes, développés dans différents espaces de jeu. Tout en miroir, toute en chausse-trappe. Tout en espace de projection et points de vue différents. Ainsi, l’image fantasmée, l’image dédoublée sera parfois projetée au sens propre sur ces différentes parois venant tendre encore plus la relation entre le pouvoir immédiat, vif, du théâtre spontané et le théâtre médiatisé et aveuglant du pouvoir. C’est de cette façon que nous donnerons à voir le pouvoir conféré à la « machine ». Enfin, ces différents niveaux de scènes sans cesse investis par le jeu permettront à l’acteur d’être au centre l’artisan d’une mécanique d’action en marche, le machiniste ultime de tout ce manège. Travestis pour comédie noire Amphitryon parle de travestissement. Les acteurs seront costumés et maquillés. Pas « naturels ». Les costumes exprimeront le désir de représentation. La vision bigarrée que j’en ai aujourd’hui croise le petit apparat des hommes politiques et celui des maquereaux : costumes officiels chics et moins chics, chaussures pointues et brillantine. Entre David Lynch et Stanley Kubrick, je pense aux couleurs, au style futuriste, à « l’étrange familiarité ». Les deux capitaines, qui surgissent comme un ultime duo gémellaire à la fin de la représentation, paraîtront sortis de la tête folle d’Amphitryon. Dans le rêve d’une mort imaginaire qui est celle d’Amphitryon, ils auront l’allure de fossoyeurs, de garde-malades. Dernière lubie des fous. Au milieu de tous ces personnages, Alcmène sans double apparié. Le désir même. L’astre doré. Entièrement offerte. Entièrement sincère. Sensuelle ? Absolument. Amoureuse ? Complètement. Et courtisane ? Sans doute aussi un peu. Enfin, Amphitryon est la pièce des sosies et toute ressemblance entre les acteurs sera ici factice. Ainsi, elle n’existera que dans le costume, la contrefaçon. Pourquoi ? Parce que justement, la ressemblance n’est qu’apparente. L’imposture n’a rien de réelle, c’est une question de croyance dans le théâtre. Des personnages en miroir

Amphitryon est un sextet pour dieux, maîtres et valets. Aimants/mal-aimants et aimés/mal-aimés. Auquel s’ajoute un duo à nouveau gémellaire, à nouveau surréaliste, dans le mouvement final. Jupiter est le maître du Capitole qui a absorbé toutes les autres divinités romaines. Il a imposé sa représentation, son effigie, dans l’ensemble de l’Empire romain. Comment sait-on que c’est vraiment un dieu ? Il n’a jamais l’air fatigué parce qu’il est toujours jeune et actif et qu’il voyage en hélicoptère. Ses désirs ne supportent aucune frustration. Il apparaît et disparaît comme il veut. Il mène l’action et ne crée que des illusions. C’est pourquoi, c’est vraiment un acteur-metteur en scène. Mercure, au service de Jupiter, râle au début de la pièce. Il voudrait lui aussi aller en hélicoptère mais c’est le lot des porte-serviettes et des sbires (même chez les dieux) que d’aller à pied même si ses chaussures sont aérodynamiques. C’est lui qui est chargé des négociations. Maquereau, Il sert aussi les trafics amoureux de Jupiter, mais il n’en tire pas de bénéfice direct. C’est pourquoi il cogne assez souvent et humilie pour se divertir. Amphitryon est un général thébain de bonne famille. C’est le maître de la maison dans laquelle il n’a pas le droit d’entrer. Il veut ressembler à Jupiter, mais il n’a pas son sens politique, son charisme, sa force de séduction. Aussi c’est un « petit dieu ». Il n’a connu que les actions sur le terrain au service des dieux. Il connaît la terre, pas les airs. Mais il connaît l’amour qui le fait parler comme une brute ou comme un enfant et pas la galanterie. Il connaît l’amour qui le fait marcher pendant des heures pour rejoindre Alcmène avant l’aube. Il connaît l’amour qui rend sa tête folle de jalousie. Amphitryon transpire comme une bête quand elle se débat et sa cravate lui scie le cou et sa chemise lui colle à la peau et il crie. Amoureux fou, comme seul un homme peut l’être. Et terriblement seul. Il est l’acteur-spectateur de ce qui lui arrive. Sosie est aussi un serviteur, celui d’Amphitryon. Il est d’abord révolté contre le pouvoir mais il sait bien qu’il en tire certains avantages. A ce titre, il ressemble sous cet aspect à Mercure. Mais Mercure a ce que Sosie voudrait avoir, c’est-à-dire le pouvoir d’être un vrai dur et Sosie, lui, connaît la peur parce qu’il sait qu’il est mortel. Il est aussi le seul à accepter d’avoir plusieurs moi. C’est pourquoi, il pourrait jouer tous les rôles. Sosie a une femme, c’est Cléanthis, qui est aussi la servante d’Alcmène. Cléanthis voudrait aimer Sosie et être aimé comme Alcmène et Amphitryon s’aiment mais l’amour s’est usé, comme s’use parfois un vieux couple de jeunes gens. Quand on s’en aperçoit, on a peur, on ment un peu, on crie beaucoup, on dit du mal. Puis on recolle les cœurs cassés. Mais l’amour se répare-t-il comme ça ? Alcmène est une énigme dans cette pièce. Elle aime Amphitryon et ne sent pas que la peau qu’elle touche est celle de Jupiter. Coupable malgré elle ? Ignorante de ses fantasmes ? Molière ne la fait pas assister au dénouement et elle

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