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Philosophie : Peut-On Désirer Sans Souffrir ?

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de ses désirs, il est aisé de conclure que nous ne sommes jamais heureux de par l’essence insatiable de désirer. Platon illustre d’ailleurs ce propos en évoquant le désir comme le tonneau des Danaïdes percé qui ne peut donc jamais être rempli. Schopenhauer ira même jusqu’à écrire dans Le monde comme volonté et comme représentation que “la vie oscille comme un pendule de la souffrance à l’ennui”, ce qui signifie que soit l’on est malheureux de l’absence de l’objet désiré ne pouvant se réaliser, soit quand on l’a, il ne nous intéresse plus. On peut se repencher à cet égard à l’enfant qui une fois d’être vu offrir ce qu’il désirait, est bien moins heureux qu’il ne s’imaginait pouvoir l’être, il avait mis tellement d’espoir à cette situation tant désirée, qu’il se l’était idéalisée mais maintenant qu’elle est réalité, place à la déception, à la désillusion qui le fait une fois encore souffrir.

Dans cette première sous-partie, nous avons défini le désir comme manque. Pour autant, il nous faut le distinguer du simple besoin. La réalisation du besoin se pose comme vitale tandis que celle du désir ne l’est pas. C’est pourquoi nous pouvons estimer que désirer n’est que rechercher des choses inutiles, superflues. Or dans cette situation, l’homme va de désirs en désirs sans trop savoir pourquoi, il est dans ce que Pascal appelle dans ses Pensées, le “divertissement”. Si l’homme croit qu’il est heureux en se divertissant (l’opinion commune nous dit souvent que le bonheur se résume à “profiter” de la vie), il se trouve en réalité dans un bonheur illusoire, il s’aliène dans la recherche effrénée de la consommation et souffre donc sans en avoir vraiment conscience d’un assujettissement. Le désir est alors “marque de misère”. De plus, il faut voir que se divertir, c’est se laisser vivre (ce qui n’est pas vivre), ce qui signifie être soumis à ses déterminismes. En effet, le psychanalyste Freud analyse le sujet comme étant divisé selon trois pôles : le moi qui est ma partie consciente, le surmoi qui rassemble toutes les normes et valeurs assimilées inconsciemment lors de ma socialisation et enfin le ça qui représente mes pulsions charnelles inconscientes. En établissant cette théorie formulée dans son concept d’inconscient, Freud pose une troisième humiliation à l’homme (après celle de Galilée qui montre que la Terre n’est pas au centre de l’univers puis celle de Darwin qui montre que l’homme n’est qu’un genre parmi l’espèce animal) qui est d’ordre psychologique résumée par cette citation : “le moi n’est pas maître dans sa propre maison”. L’homme en tant qu’être désirant souffre alors de ne pas entièrement se connaître et par-delà, ne pas être lui-même.

Quelle est alors la moralité la plus évidente à ces constations ? Du fait que l’on ne peut désirer sans souffrir, il faut rechercher l’absence de désirs pour arriver à l’absence de souffrance, ce qui serait le bonheur si l’on le prend dans sa conception “négative” en tant qu’ataraxie. C’est notamment la position de Descartes quand il écrit “Mieux vaut changer l’ordre de mes désirs plutôt que l’ordre du monde”.

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Mais ne pas désirer, n’est-ce pas encore un désir que celui de ne pas désirer ? De surcroît, il nous faut nous rappeler que ce qui différencie l’homme de l’animal, qui n’a que des besoins, c’est bel-et-bien sa faculté de désirer, alors chercher à supprimer ses désirs ne serait-ce pas une forme de négation de lui-même et serait par-delà irrecevable ?

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Nous allons voir dans ce deuxième temps de la réflexion qu’il ne faut pas réduire le désir au manque et le redéfinir comme une tension qui fait plaisir et donc on peut désirer sans souffrir voire même désirer jusqu’à jouir.

Prenons un exemple tout simple : le désir que lie deux amoureux. Quand leurs pulsions, leurs désirs sexuels vont se manifester, ils feront l’amour et force est de constater qu’à cet instant précis, ils ne se manquent pas, au contraire-même, et ils se désirent justement plus que tout. Cet exemple confère une nouvelle dimension au fait de désirer : désirer, c’est aimer. De telle sorte que si l’on sait désirer ce qui nous entoure, le désir ne conduit pas à la souffrance. C’est celui sait désirer, aimer la vie qui loin de souffrir, sait l’apprécier et en savourer tout ce qu’elle contient de meilleur. Ce désir en tant qu’amour procure une véritable joie en l’individu. Quel est donc le profond fondement du désir ? C’est que le désir est plaisir en lui-même. C’est d’ailleurs ce que nous apprend Proust dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs, même s’il sait qu’il ne pourra pas aller avec ces jeunes filles, les désirer lui procure encore un plaisir. Pour lui, le plaisir ne réside donc pas tant dans l’objet désiré mais bien dans le désir lui-même grâce à l’imagination et l’idéalisation qui s’en dégagent. Pour mieux illustrer ce propos, nous pouvons prendre l’exemple d’un militant politique pour qui bien que la fin de faire parvenir ses convictions au pouvoir soit importante, le moment où il ressent le plus son effervescence militante, c’est bien dans le combat politique, dans la bataille des idées etc.

Nous pouvons, après cette deuxième partie, comprendre que la souffrance n’est pas du côté de l’être-désirant mais du côté de l’être “adésirant”. Voilà ici l’idée de Rousseau écrivant dans La nouvelle Héloïse : “Malheur à qui n’a plus rien à désirer” car au fond se placer du côté de l’absence de souffrance, c’est se placer du côté de l’absence de vie, c’est-à-dire la mort et c’est bien là en fait la véritable souffrance.

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Nous avions émis l’idée au début de cette partie, que pour ne pas souffrir, il faut savoir désirer ce que l’on a. Pour autant, doit-on se contenter de ne désirer que cela ?

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Il nous faut maintenant s’interroger sur l’objectif essentiel que vise le désir de telle manière à peindre ses caractéristiques et répondre à quelles conditions le désir est-il désirable.

Si Platon et Schopenhauer définissaient le désir seulement comme manque, c’est qu’ils en ont une vision réductrice en tant qu’espérance. À toute espérance, s’en joint une crainte qu’elle ne se réalise pas et ce qui nous fait souffrir, c’est de ne pas pouvoir agir sur les causes qui vont aboutir à la fin désirée. En revanche, vouloir, qui est une autre forme plus aboutie du désir, c’est bien agir sur les causes. En effet, espérer

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