DissertationsEnLigne.com - Dissertations gratuites, mémoires, discours et notes de recherche
Recherche

Peut On Penser Sans Prejuger

Note de Recherches : Peut On Penser Sans Prejuger. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires
Page 1 sur 6

enser sans préjuger. Alain disait dans un de ses Propos (daté du 5 mai 1931) que « Le doute est le sel de l’esprit ». Et ce qu’il affirme finalement, à savoir la vérité du « je pense donc je suis » n’est rien d’autre que la condition de l’exercice du doute. C’est pourquoi il s’agit d’un premier principe et non d’un préjugé sur lequel il est possible de s’appuyer.

Toutefois, le doute méthodique a l’inconvénient d’être général. Rejeter le témoignage des sens ou les raisonnements ne me permet pas de déraciner chacun des préjugés. Il faut donc les discuter un par un. De plus, encore faut-il que la discussion soit sérieuse. Or en réfléchissant seul, ne vais-je pas me duper moi-même ? Dès lors, pour penser sans préjuger, ne faut-il pas dialoguer, c’est-à-dire interroger les autres ?

Le préjugé, c’est ce qu’on n’a pas examiné mais qu’on affirme sans même y penser. C’est pour cela que préjuger n’est jamais aperçu de celui qui préjuge. Il lui faut donc un autre ou d’autres pour découvrir qu’il préjuge. C’est ainsi que le voyage en nous faisant découvrir d’autres mœurs, nous amène à voir en quoi les nôtres reposent sur des préjugés comme Descartes l’indique pour lui-même dans la première partie du Discours de la méthode. Bref, il nous fait réfléchir. Il en va de même de ce que les autres affirment et qui diffèrent de ce que nous affirmons. Mais cela suffit-il pour ne pas préjuger ? Est-ce la condition de l’exercice de la pensée ?

C’est que pour ne pas préjuger, il faut reconnaître son ignorance. Or, ce n’est pas évident puisque qui ignore, ignore qu’il est ignorant. On le voit avec le Socrate de Platon. Il lui fait dire dans son Apologie qu’à la réponse de l’oracle de Delphes selon laquelle il était l’homme le plus sage, Socrate en vint à s’interroger sur le sens de la parole du Dieu Apollon. Ne se pensant pas sage mais le dieu étant véridique pourquoi le désigner lui ? C’est pour comprendre cette énigme qu’il va interroger tous ceux qui passent pour sages aux yeux de l’opinion à Athènes, voire en Grèce. Or, il se rend compte non seulement qu’ils sont ignorants alors qu’ils se croient savants, mais en outre qu’ils refusent de reconnaître leur ignorance. Autrement dit, il leur est difficile de penser sans préjuger.

On le voit par exemple dans un dialogue de jeunesse de Platon ou Socrate interroge le personnage éponyme, le sophiste Hippias. Ce dernier prétendant faire de beaux discours, Socrate l’interroge sur ce qu’est le beau. Sont examinées tour à tour sept définitions du beau qui seront réfutées. Trois sont d’Hippias mais quatre sont introduites par Socrate. Ce qui montre que Socrate remet en cause ce qu’il pense. À l’inverse, Hippias, à la fin du dialogue, rejette la démarche de Socrate. Ainsi ne reconnaît-il toujours pas son ignorance.

Cependant, le philosophe lui-même est bien obligé d’admettre certaines données sans les remettre en cause, à commencer par la possibilité de définir comme Socrate. Ainsi accepte-t-il l’existence d’un Apollon véridique, sans quoi son enquête n’aurait aucun sens. Il serait donc impossible de penser sans préjuger. Mais préjuger bloque la pensée. Comment donc comprendre que préjuger soit nécessaire à l’exercice de la pensée sans l’empêcher ?

Préjuger, c’est une façon d’anticiper sur le réel pour l’appréhender. Et Descartes lui-même faisait remarquer qu’il n’est pas possible de toujours examiner lorsqu’on agit. En effet, parfois l’action exige l’immédiateté. Des voyageurs perdus dans la forêt doivent prendre une décision comme il en donne le cas. Comme la plupart des hommes agissent plutôt qu’ils ne doutent et ne s’interrogent sur les choses, préjuger est l’exercice urgent de la pensée humaine ordinaire. Et force est de constater qu’elle suffit pour vivre. Pourtant, les hommes ainsi pensent-ils vraiment ?

Un artisan, un militaire ne peuvent pas ne pas réfléchir pour agir. Mais la rapidité implique qu’ils ne remettent pas tout en cause. Aussi, préjuger n’empêche pas de penser mais dirige l’exercice de la pensée, lui donne sa direction, ses données de base. Le savant, le philosophe de leur côté parce qu’ils recherchent la vérité, dans un domaine ou concernant la totalité, remettent en cause certains préjugés. Mais ils ne peuvent tous les remettre en cause dans le détail. Il leur faut s’arrêter pour parler comme Aristote mais cet arrêt est-il volontaire ?

Lorsque le savant ou le philosophe énonce ce sur quoi il s’appuie, il s’agit de principes ou d’hypothèses. Mais il peut se faire qu’il s’appuie sur certaines idées qui restent implicites : ce sont les véritables préjugés ou présupposés. Or, disons-le encore une fois. Examiner tout en détail est impossible. On peut donc douter

...

Télécharger au format  txt (8 Kb)   pdf (82.4 Kb)   docx (7.9 Kb)  
Voir 5 pages de plus »
Uniquement disponible sur DissertationsEnLigne.com