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Commentaire de l’arrêt Didier du 3 décembre 1999

Commentaire d'arrêt : Commentaire de l’arrêt Didier du 3 décembre 1999. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  15 Octobre 2022  •  Commentaire d'arrêt  •  2 513 Mots (11 Pages)  •  998 Vues

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Commentaire de l’arrêt Didier du 3 décembre 1999 :

En France, on peut noter une certaine tendance contemporaine à la juridictionnalisation des sanctions des autorités administratives indépendantes, particulièrement si l’on s’appuie sur l’exemple d’un arrêt de rejet rendu par le Conseil d’État en date du 3 décembre 1999 relatif à l’applicabilité de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales en matière d’autorité administrative indépendante.

En l’espèce, un homme travaillant comme responsable d’activité d’arbitrage dans une société de bourse s’est vu imposé des sanctions disciplinaires au titre de l’article 69 de la loi du 2 juillet 1996 par le Conseil des marchés pour des faits commis qui lui étaient reprochés. Dans le cadre de sanctions disciplinaires engagées sur demande de la Commission des Opérations de bourse, le Conseil des marchés financiers a prononcé le retrait de sa carte professionnelle pour une durée de six mois et lui inflige une sanction pécuniaire de cinq millions de francs.

La Commission des Opérations de Bourse a saisi le Conseil des marchés financiers en vue de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre du salarié pour faute professionnelle. Le demandeur au pourvoi attaque la décision du 27 janvier 1999 rendue par le Conseil des marchés financiers devant le Conseil d’État par un recours de plein contentieux soutenant comme moyens que la participation du rapporteur (prévu en vertu de l’article 2 du décret susvisé du 3 octobre 1996 disposant que lorsque le Conseil agit en matière disciplinaire le président désigne pour chaque affaire, la formation saisie et un rapporteur parmi les membres de celle-ci, ainsi le rapporteur procède à toutes investigations utiles en recueillant des témoignages) aux débats et au vote du Conseil des marchés financiers ainsi que sa violation des droits de la défense par la présentation de pièces au dossier constitué, a méconnu les dispositions de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits l’Homme et des libertés fondamentales visant en particulier son « droit à un tribunal impartial » soit son principe d’impartialité. Selon lesdits moyens, il y a eu une erreur de fait sur le fondement de la décision attaquée et le Conseil des marchés financiers a commis une erreur dans l’application de l’article 69 de la loi du 2 juillet 1996. Mais les défendeurs au pourvoi soutiennent que le principe d’impartialité défendu par l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’Homme ne peut pas s’appliquer à une autorité administrative indépendante non juridictionnelle à l’image de leur structure.

Une autorité administrative indépendante non juridictionnelle, tel que le Conseil des marchés financiers, lorsqu’elle statue en matière de décisions disciplinaire, est-elle tenue d’appliquer et de respecter l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ainsi que le principe général d’impartialité qui en découle ? 

Le Conseil d’État rejette la requête du demandeur au pourvoi. Tout en admettant que ledit article pouvait utilement être invoqué, il a considéré le principe d’impartialité était invocable vis-à-vis de cette autorité administrative indépendante du fait de sa nature, de sa composition ainsi que de ses attributions et que même si n’étant pas considéré comme une juridiction,  le rapporteur compte tenu de son rôle, avait pu participer aux débats et au vote sans aucune méconnaissance du principe d’impartialité rappelé à l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Le Conseil d’État estime que le Conseil des marchés financiers est demeuré impartial parce que le rapporteur dans son travail, n’a pas eu besoin de prendre position sur la commission n’ayant pas manifesté de préjugés et n’a donc pas contaminé l’organisme de sanction disciplinaire. De plus, que les pièces auxquelles le requérant fait référence pour justifier la violation des droits de la défense n’ont aucun rapport avec la procédure en cours et ne disposent d’aucun élément nouveau qui pourrait compromettre l’affaire. Le Conseil d’État répond par de manière négative à la question de droit posée précédemment puisque d’une certaine façon le Conseil des marchés financiers en tant qu’autorité administrative indépendante peut appliquer l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales mais le principe d’impartialité est invocable dans cette affaire.

Concernant la portée de l’arrêt il s’agit de reprendre quasiment mot à mot le raisonnement que le juge judiciaire avait quelques mois auparavant rendu dans l’arrêt Oury en date du 5 février 1999. Ainsi, l’arrêt Didier ne heurte pas violemment l’arrêt Oury puisqu’il admet également l’applicabilité de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, mais demeure fidèle aux qualifications du droit administratif interne. Cet arrêt est fondamental concernant le principe d’impartialité, puisque d’après l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ledit principe ne s’applique qu’uniquement aux juridictions et le Conseil d’État dans cet arrêt procède à un élargissement du champ d’application pour les autorités administratives indépendantes pouvant être qualifiée de quasi-juridiction.

Nous nous intéresserons ainsi à la question de l’applicabilité de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales au Conseil des marchés financiers (I), avant de nous pencher sur le principe général d’impartialité (II).

  1. L’applicabilité de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales vis-à-vis des autorités administratives indépendantes.

La difficulté liée à l’application de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales repose sur deux points. D’une part nous nous intéresserons dans une première sous-partie aux dispositions du champ matériel éligible à ledit article et d’autre part, nous évoquerons dans une seconde sous-partie le champ organique.

  1. L’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales au regard du champ matériel d’application.

La solution du Conseil d’État repose entièrement sur le fondement de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Ledit article dispose que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ». Ce considérant dispose que l’article est applicable aux contestations portant sur les droits et obligations de caractère civil, cependant le droit interne français ne permet pas matériellement aux décisions administratives un caractère qu’il soit pénal ou civil. Cet article ne devrait en principe, pas s’appliquer au cas du Conseil des marchés financiers. Cependant, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales a affirmé le caractère autonome des notions dégagées de l’article 6-1 de ladite Convention non seulement d’une part en matière pénale : « considérant que, quand il est saisi d’agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par l’article 69 de la loi susvisée du 2 juillet 1996, le Conseil des marchés financiers doit être regardé comme décidant du bien-fondé d’accusations en matière pénale… » mais également en matière civile. Une juridiction administrative générale et spécialisée est soumise au droit à un procès équitable mais il existe des structures de l’administration qui ne rentre pas dans ses catégories tels que les autorités administratives indépendantes qui exerce un pouvoir de sanction mais ne remplissent pas les conditions pour être une juridiction administrative spécialisée. La règle du procès équitable s’applique à tous les tribunaux statuant en matière civil ou pénale, néanmoins la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales a une notion relativement large du tribunal et de la matière civile et pénale. Pour ladite Convention qui apprécie de manière autonome un tribunal qu’il soit civil ou pénal, il s’agit d’un organe qui tranche un litige conformément au droit. En matière de droit civil il existe une possibilité de conséquence pécuniaire, ce qui permet donc à l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales d’être bien applicable aux juridictions mais également aux structures administratives indépendantes qui remplissent les conditions pour être considérer comme un tribunal donc le juge administratif qui a affaire à des dommages et intérêts et à une sanction pécuniaire agissant alors en matière civile, est soumis au droit au respect applicable. L’arrêt Blanco de 1873 a permis en principe d’affirmer l’indépendance de l’administration par rapport au droit mais il est cependant remis en question à plusieurs reprises. Puisqu’ici l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales s’applique normalement uniquement en matière civile et pénale, or l’arrêt concerne ici la matière administrative par l’organe de l’administration ne faisant pas parti du champ d’application habituel, on procède ici à une application extensible des dispositions de ledit article. Le Conseil d’État ayant longuement considéré que les autorités administratives indépendantes ne pouvaient pas se voir appliquer ledit article 6-1, ce dernier a fini par changer d’avis étant donné qu’il pouvait finalement statuer sur des contestations liées aux droits et obligations de caractère civil. Le Conseil d’État devait donc conformer sa décision au champ d’application d’un point de vue matériel de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Les Autorités administratives indépendantes sont donc concernées par l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, le Conseil d’État établit clairement dans cet arrêt que ledit article doit être respecté.

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